Loi sur la maltraitance animale : à l'Assemblée nationale, des députés dénoncent des coûts considérables pour les communes
Ce sont les articles 3 et 4 de la proposition de loi qui sont à surveiller tout particulièrement, dans la mesure où ce sont les seuls, dans ce texte, qui imposent aux communes et aux intercommunalités des charges nouvelles, sans compensation. Ces charges ne sont pas chiffrées. C’est tout l’intérêt, pour le gouvernement, de faire passer ses idées non via un projet de loi – proposé par le gouvernement – mais via une proposition de loi – issue des parlementaires eux-mêmes. La différence est de taille : un projet de loi doit être accompagné d’une étude d’impact, qui chiffre les coûts financiers induits notamment pour les collectivités. Il doit aussi être examiné par le Conseil d’État et le Conseil national d’évaluation des normes, où les représentants des élus locaux le regardent à la loupe. Rien de tout cela pour les propositions de loi parlementaires… d’où un flou bien réel sur les impacts de ces textes sur les collectivités.
Fourrières et refuges : des avancées
L’article 3 du texte impose à « chaque commune ou EPCI » de disposer « d’une fourrière ou d’un refuge » permettant de garder les chiens et chats errants. Ce serait une modification majeure par rapport au droit actuel, qui dit que les communes peuvent disposer des services d’une fourrière établie sur le territoire d’une autre commune, par voie de convention. Plusieurs députés sont intervenus sur ce sujet, et le gouvernement semble disposé à avancer. Christine Pires Beaune (Puy-de-Dôme, PS), a donné un exemple très parlant de la situation permise par le droit actuel : dans son département, qui compte environ 470 communes, il n’existe qu’une seule fourrière et deux refuges. Autrement dit, « plus de 460 communes ne disposent pas de tels lieux et passent des conventions avec la grosse fourrière. »
Arnaud Viala (Aveyron, LR) et Hubert Wulfranc (Seine-Maritime, PCF) ont émis les mêmes réserves : « Se rend-on compte qu’on est en train d’écrire un texte qui impose à chaque commune, à chaque EPCI de France, de disposer d’un refuge ou d’une fourrière pour animaux ? C’est absolument impossible, tant matériellement qu’humainement », a plaidé Arnaud Viala, qui parle en l’espèce d’une « erreur que les élus locaux ne nous pardonneraient pas ». Hubert Wufranc a abondé dans le même sens en ajoutant que « la question des moyens doit absolument être posée ».
En l’état, le texte supprime la possibilité qui existe aujourd’hui de conventionner avec une fourrière ne se trouvant ni dans la commune ni dans l’EPCI. Plusieurs parlementaires ont demandé que soit institué un choix, qui permettrait « non seulement la délégation à l’EPCI, mais aussi un regroupement entre des communes qui ne font pas forcément partie du même EPCI mais qui se situent dans un périmètre géographique cohérent », comme l’a défendu Julien Aubert (Vaucluse, LR).
Le ministre de l’Agriculture, Julien Denormandie, s’est dit « très préoccupé » par cette question. « Sensible » aux arguments défendus, il a proposé que l’article soit complété par sous-amendement pour permettre de conserver les conventions existantes, et s’est engagé à ce que ce point devienne « très clair » pendant la navette parlementaire. Il y a donc tout lieu d’espérer que ce point va être réglé et qu’une solution va être trouvée.
La stérilisation des chats errants toujours à la charge des communes… et maintenant des EPCI
Les choses semblent un peu moins bien engagées sur la question de la stérilisation obligatoire des chats errants par les communes, aux frais de celles-ci – mesure figurant à l’article 4 du texte. Rappelons que la stérilisation est aujourd’hui une possibilité pour les maires, et non une obligation.
Les députés se sont montrés d’accord sur le fait que la stérilisation des chats errants est souhaitable – elle est d’ailleurs défendue par les associations de protection des animaux : vu la fécondité des chats et le fait qu’une femelle a deux portées de trois chatons en moyenne par an, qui feront à leur tour autant de petits, une seule chatte peut donner naissance à une descendance de plus de 10 000 chats en sept ans !
Sauf que la stérilisation d’un chat coûte entre 70 et 130 euros, et qu’il y a aujourd’hui, selon les associations, environ 11 millions de chats errants dans le pays. Soit une facture astronomique qui pourrait dépasser, à l’échelle nationale, le milliard d’euros ! Plusieurs députés ont donc demandé le retrait de cette disposition, ou à tout le moins la mise en place d’un système de compensation financière par l’État. Indépendamment même du coût financier, pour le député Hervé Pellois (Morbihan, LaREM), cet article « accroît le risque de voir la responsabilité des communes engagée pour carence fautive du maire dans la mise en œuvre de ses pouvoirs de police ». D’autres députés ont soulevé les problèmes en cascade posés par cet article : comment procèderont les communes qui n’ont pas de services techniques leur permettant de capturer les chats ? Que se passera-t-il d’un point de vue juridique si un maire fait stériliser un chat qu’il croyait « errant » mais appartient en réalité à un habitant de la commune qui ne voulait pas le faire stériliser ?
Le gouvernement comme le rapporteur général ont néanmoins tenu bon sur cette question et refusé les amendements visant à supprimer cet article. Le ministre a rappelé que le gouvernement consacrerait 20 millions d’euros du plan de relance à cette question – ce qui est très loin de suffire. Au final, seuls deux amendements ont été adoptés sur cet article : le premier pour essayer de faire retomber les coûts financiers… en partie sur les EPCI. Il dispose qu’il sera possible de « répartir les coûts de la stérilisation obligatoire entre la mairie et l'établissement intercommunal ». Cet amendement, que les spécialistes de l’intercommunalité de l’AMF que Maire info a interrogés ce matin jugent « particulièrement maladroit et mal rédigé », paraît en l’état inapplicable, notamment parce qu’il évoque un « transfert de compétence » alors qu’il s’agit d’un pouvoir de police. Le texte de l’amendement n’indique pas non plus d’autres outils qui permettraient des mutualisations de moyens.
Le second amendement adopté donnerait un délai de grâce de trois mois aux communes à partir de la publication de la loi pour appliquer cette disposition, afin de leur permettre de « préparer et anticiper le nouveau dispositif ».
Franck Lemarc
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