Édition du mardi 13 décembre 2016
La loi Sapin 2 jugée par le Conseil constitutionnel et la CNCDH
La loi dite Sapin 2, relative à la transparence et à la lutte contre la corruption, a été publiée au Journal officiel samedi. Sa promulgation a été assortie de plusieurs avis, ceux du Conseil constitutionnel, saisi à la fois par le Premier ministre et par l’opposition, et – ce qui est plus rare – par la CNCDH, la Commission nationale consultative des droits de l’homme.
Le Conseil constitutionnel a été saisi trois fois sur ce texte, une fois par un groupe de députés et de sénateurs de l’opposition, une fois par le président du Sénat, Gérard Larcher, et une fois par le Premier ministre.
La saisine de Manuel Valls concernait l’article 23 de la loi, qui attribue au procureur de la République une compétence exclusive pour « la poursuite, l’instruction et le jugement des délits de corruption, trafic d’influence, fraude fiscale (…) commis en bande organisée ». Selon le Premier ministre, cette disposition contrevient au principe de bonne administration de la justice et à celui d’égalité devant la justice. Le Conseil constitutionnel lui a donné raison et a déclaré cet article contraire à la Constitution.
L’article 30 de la loi était, lui, contesté par les sénateurs. Il imposait que les candidats et les partis rendent publics les emprunts souscrits pour financer leur campagne. Le Conseil n’a pas jugé la disposition sur le fond, mais a supprimé cet article au motif qu’il constitue un cavalier législatif (disposition sans lien direct avec l’objet de la loi). Cinq autres articles (87 à 91), relatifs aux sociétés d’aménagement foncier et d’aménagement rural, ont subi le même sort, pour les mêmes raisons, tout comme une quinzaine d’autres articles consacrés à des sujets aussi divers que la LGV Lyon-Turin, la valeur vénale des terres agricoles ou les mauvais traitements contre les animaux.
Un aspect qui avait fait couler beaucoup d’encre lors de l’examen du texte a également été retoqué : l’inégibilité pour un député dont le bulletin n°2 du casier judiciaire porterait une condamnation pour manquement au devoir de probité (article 19). Seule une loi organique peut fixer les conditions d’éligibilité des parlementaires, ont rappelé les Sages. La loi Sapin 2 étant une loi ordinaire, cette disposition est supprimée.
Le reste de la loi a été validé par le Conseil constitutionnel.
En dehors de cet avis des Sages, la CNCDH a elle aussi émis une série d’avis sur ce texte. Elle s’était auto-saisie, en mai dernier, en raison du fait que cette loi traite de la corruption et que celle-ci « porte atteinte aux principes d'égalité et de sécurité juridique, introduit une part d'arbitraire dans le processus décisionnel et a un effet dévastateur sur les droits de l'homme ». Cet avis a été rendu au printemps dernier – donc sur le projet de loi et non sur le texte adopté – mais a été publié au Journal officiel en même temps que la loi elle-même.
La CNCDH ne se montre pas très tendre envers le gouvernement au sujet de cette loi. Elle remarque et regrette qu’une fois encore, le texte a été examiné en procédure accélérée (une seule lecture par chambre), ce qui « ne permet pas un fonctionnement normal du Parlement » alors que le caractère urgent du texte « n’est pas avéré ». Elle pointe également « la pauvreté » de l’étude d’impact, et un texte « complexe, extrêmement touffu et difficile d’accès ».
Sur le fond, on peut remarquer a posteriori que plusieurs des recommandations faites par la CNCDH en mai n’ont finalement pas trouvé leur place dans la loi. Sur la nouvelle AFA par exemple, l’Agence française anticorruption, la commission regrettait qu’il ne s’agisse que d’un « service », et non d’une « autorité indépendante ». La différence n’est pas anodine, souligne la commission, car une autorité « n’est pas subordonnée au pouvoir exécutif ». Ce ne sera pas le cas de l’AFA, puisque celle-ci, dit l’article premier de la loi, est placée « auprès du ministre de la Justice et du ministre chargé du Budget ».
Concernant le fameux article 13 du projet de loi (devenu l’article 25 dans le texte promulgué), celui qui fixe les règles en matière de lobbying (« représentants d’intérêts » ), la CNCDH avait une position originale, qui n’a elle non plus pas été prise en compte : elle souhaitait que les associations à objet cultuel et les syndicats de salariés comme d’employeurs soient inclus dans la liste des représentants d’intérêt. Concernant enfin les « cibles possibles des activités de lobbying », la CNCDH suggérait d’y inclure « les élus locaux et les fonctionnaires territoriaux ». Elle n’a été que partiellement entendue : ne sont retenus dans la loi, comme cibles potentielles des lobbyistes, que les élus et certains cadres dirigeants des collectivités les plus grandes, notamment les maires des communes de plus de 20 000 habitants, les présidents d’EPCI-FP de plus de 20 000 habitants dont le budget excède 5 millions d’euros, les adjoints au maire des communes de plus de 100 000 habitants et les vice-présidents des EPCI-FP de même taille.
Télécharger l’avis de la CNCDH.
Le Conseil constitutionnel a été saisi trois fois sur ce texte, une fois par un groupe de députés et de sénateurs de l’opposition, une fois par le président du Sénat, Gérard Larcher, et une fois par le Premier ministre.
La saisine de Manuel Valls concernait l’article 23 de la loi, qui attribue au procureur de la République une compétence exclusive pour « la poursuite, l’instruction et le jugement des délits de corruption, trafic d’influence, fraude fiscale (…) commis en bande organisée ». Selon le Premier ministre, cette disposition contrevient au principe de bonne administration de la justice et à celui d’égalité devant la justice. Le Conseil constitutionnel lui a donné raison et a déclaré cet article contraire à la Constitution.
L’article 30 de la loi était, lui, contesté par les sénateurs. Il imposait que les candidats et les partis rendent publics les emprunts souscrits pour financer leur campagne. Le Conseil n’a pas jugé la disposition sur le fond, mais a supprimé cet article au motif qu’il constitue un cavalier législatif (disposition sans lien direct avec l’objet de la loi). Cinq autres articles (87 à 91), relatifs aux sociétés d’aménagement foncier et d’aménagement rural, ont subi le même sort, pour les mêmes raisons, tout comme une quinzaine d’autres articles consacrés à des sujets aussi divers que la LGV Lyon-Turin, la valeur vénale des terres agricoles ou les mauvais traitements contre les animaux.
Un aspect qui avait fait couler beaucoup d’encre lors de l’examen du texte a également été retoqué : l’inégibilité pour un député dont le bulletin n°2 du casier judiciaire porterait une condamnation pour manquement au devoir de probité (article 19). Seule une loi organique peut fixer les conditions d’éligibilité des parlementaires, ont rappelé les Sages. La loi Sapin 2 étant une loi ordinaire, cette disposition est supprimée.
Le reste de la loi a été validé par le Conseil constitutionnel.
En dehors de cet avis des Sages, la CNCDH a elle aussi émis une série d’avis sur ce texte. Elle s’était auto-saisie, en mai dernier, en raison du fait que cette loi traite de la corruption et que celle-ci « porte atteinte aux principes d'égalité et de sécurité juridique, introduit une part d'arbitraire dans le processus décisionnel et a un effet dévastateur sur les droits de l'homme ». Cet avis a été rendu au printemps dernier – donc sur le projet de loi et non sur le texte adopté – mais a été publié au Journal officiel en même temps que la loi elle-même.
La CNCDH ne se montre pas très tendre envers le gouvernement au sujet de cette loi. Elle remarque et regrette qu’une fois encore, le texte a été examiné en procédure accélérée (une seule lecture par chambre), ce qui « ne permet pas un fonctionnement normal du Parlement » alors que le caractère urgent du texte « n’est pas avéré ». Elle pointe également « la pauvreté » de l’étude d’impact, et un texte « complexe, extrêmement touffu et difficile d’accès ».
Sur le fond, on peut remarquer a posteriori que plusieurs des recommandations faites par la CNCDH en mai n’ont finalement pas trouvé leur place dans la loi. Sur la nouvelle AFA par exemple, l’Agence française anticorruption, la commission regrettait qu’il ne s’agisse que d’un « service », et non d’une « autorité indépendante ». La différence n’est pas anodine, souligne la commission, car une autorité « n’est pas subordonnée au pouvoir exécutif ». Ce ne sera pas le cas de l’AFA, puisque celle-ci, dit l’article premier de la loi, est placée « auprès du ministre de la Justice et du ministre chargé du Budget ».
Concernant le fameux article 13 du projet de loi (devenu l’article 25 dans le texte promulgué), celui qui fixe les règles en matière de lobbying (« représentants d’intérêts » ), la CNCDH avait une position originale, qui n’a elle non plus pas été prise en compte : elle souhaitait que les associations à objet cultuel et les syndicats de salariés comme d’employeurs soient inclus dans la liste des représentants d’intérêt. Concernant enfin les « cibles possibles des activités de lobbying », la CNCDH suggérait d’y inclure « les élus locaux et les fonctionnaires territoriaux ». Elle n’a été que partiellement entendue : ne sont retenus dans la loi, comme cibles potentielles des lobbyistes, que les élus et certains cadres dirigeants des collectivités les plus grandes, notamment les maires des communes de plus de 20 000 habitants, les présidents d’EPCI-FP de plus de 20 000 habitants dont le budget excède 5 millions d’euros, les adjoints au maire des communes de plus de 100 000 habitants et les vice-présidents des EPCI-FP de même taille.
F.L.
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