Loi Asap, relocalisations et droit de l'environnement : l'offensive du gouvernement en commission spéciale
Adopté en première lecture par le Sénat le 5 mars dernier, le projet de loi d’accélération et de simplification de l’action publique (Asap) a été présenté en commission spéciale à l’Assemblée nationale la semaine passée (lire Maire info du 21 septembre). Alors que débute lundi la discussion en séance publique, les nombreux amendements du gouvernement portant articles additionnels – en particulier dans le champ environnemental –, exigent de s’y attarder. Si l’un des objectifs initiaux du texte était déjà de faciliter les implantations industrielles, l’urgence économique est venue renforcer la détermination gouvernementale d’accélérer encore les relocalisations sur le territoire national – quitte à ouvrir des brèches dans le droit de l’environnement.
Participation du public : un droit d’option pour le préfet
Le projet de loi initial contenait 50 articles : en commission spéciale, le gouvernement a recalibré sa copie en déposant 30 amendements portant articles additionnels. Des « proportions dantesques », revenant « à majorer le texte initial de 60 % tout en contournant (…) les obligations d’études d’impact et d’avis du Conseil d’État », pour Jérôme Lambert, député de Charente et membre de la commission des lois. Une « mauvaise manière faite au Parlement », d’autant que « certains de ces amendements sont substantiels, (…) et leur exposé des motifs pour le moins sommaire », avait dénoncé le parlementaire dès les discussions liminaires.
En cause, les dispositions du titre III du projet de loi « relatives à la simplification des procédures applicables aux entreprises », visant notamment à considérer les projets d’installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE) en cours d’instruction comme des installations existantes, évitant ainsi que de nouvelles normes ne s’appliquent au projet visé lors de la délivrance de l’autorisation (art. 21). Une disposition, qui, si elle était conservée, reviendrait ainsi sur « le principe fondamental de légalité, lequel impose que la légalité d'une décision soit appréciée à la date de signature de la décision d'autorisation », comme le dénonçait en mars dernier un collectif de 23 experts, conduit par l’avocat et docteur en droit de l’environnement Christian Huglo. En matière d’étude d’impact, le projet de texte prévoit également que l'avis donné par l'autorité environnementale pourrait ne plus être réactualisé en fonction de l'évolution du dossier.
Autres dispositions portées par le rapporteur du texte, Guillaume Kasbarian, reprenant son rapport intitulé « 5 chantiers pour simplifier et accélérer les installations industrielles » : l’article 25, qui doit permettre au préfet, dans le cadre des projets ne nécessitant pas d’évaluation environnementale, de choisir les modalités de participation du public, en optant pour une simple consultation électronique, en lieu et place d’une enquête public.
De fait, les PLU ou les projets éoliens en seraient exclus, comme a pu le rappeler la ministre de la Transformation et de la Fonction publiques, Amélie de Montchalin, en commission : « 85% des enquêtes publiques ne donnent lieu à aucune prise de position, non pas parce qu’il n’existerait pas de démocratie environnementale, mais parce que les sujets dont il est question ne suscitent pas de débat particulier. Les projets visés par cet article peuvent être des silos à grains (…), des imprimeries offset, des bancs d’essai de moteurs, des petites installations de pisciculture, par exemple. On parle d’un peu plus de 200 projets par an, dont la portée pratique est limitée. ».
Autre simplification envisagée : le préfet ne serait plus tenu de saisir le Conseil départemental de l’environnement et des risques sanitaires et technologiques (Coderst) sur les projets d'installations classées relevant du régime d'enregistrement. Plus marquant encore, l’article 26 vise à autoriser l’exécution anticipée de travaux avant que l’instruction de l’autorisation environnementale soit finalisée à certaines conditions. Une « politique du fait accompli » dénoncée avec force par la députée de Charente-Maritime Frédérique Tuffnell. En commission, le gouvernement a ajouté à cet article une disposition devant permettre le transfert partiel d’une autorisation environnementale à certaines conditions.
Sols pollués : le dispositif de « tiers demandeur » assoupli
D’autres dispositions sont venues gonfler le texte en commission spéciale. En particulier, l’une d’elles prévoit de modifier le Code de l’urbanisme afin d’ajouter les PLU à la liste des « plans et programmes » faisant l’objet d’une évaluation environnementale systématique, en les retirant de la liste des documents ne nécessitant pas une telle évaluation. Une « clarification législative », conçue par le gouvernement comme « une étape indispensable à l’adoption d’un décret tendant à simplifier le droit applicable à l’évaluation environnementale des documents d’urbanisme ». Autres ajouts au texte initial : avec l’accord de l’autorité compétente en matière d’urbanisme, le porteur de projet aurait la faculté d’opter pour la seule concertation préalable prévue par le Code de l’environnement, qui vaudrait alors concertation obligatoire au titre du Code de l’urbanisme – à condition toutefois qu’elle porte sur l’ensemble du projet. Dans le même sens, un article additionnel réduit à deux mois (au lieu de quatre) le délai dans lequel peut s’exercer le droit d’initiative permettant d’organiser une concertation publique, pour les projets ayant fait l’objet d’une déclaration publique d’intention.
Néanmoins, des avancées sont à relever dans le texte sorti de la commission, par rapport au projet initial. En particulier, afin de favoriser la réhabilitation des friches polluées, l’article 27 vise à assouplir le dispositif du « tiers demandeur », issu de la loi Alur de 2014. Répondant à une demande des opérationnels, et reprenant ainsi une proposition du rapport sénatorial sur la pollution des sols (lire Maire info du 11 septembre), cette disposition doit permettre le transfert de l’autorisation de substitution à un autre tiers demandeur « en cours d’opération et sans avoir à refaire l’intégralité de la procédure », a précisé le rapporteur. Une mesure pragmatique : il n’est pas rare que l’aménageur change en cours d’opération, notamment lorsqu’elle est démarrée par un établissement public foncier qui n’est pas l’opérateur final portant le projet.
La discussion publique démarre lundi à l’Assemblée. Les débats autour des relocalisations, pourraient, quant à eux, dépasser largement le cadre de l’hémicycle et du projet de loi Asap, comme l’illustrent les propos de la ministre Amélie de Montchalin : « On ne peut pas tenir de grands discours sur la relocalisation et la souveraineté industrielle, en maintenant un processus administratif qui rend les choses si compliquées. Nous avons besoin d’accélérer. Cela ne signifie pas qu’il faille faire n’importe quoi s’agissant de l’environnement – notre modèle n’est pas la Chine –, mais que nous pouvons le faire de façon plus simple et plus efficace. ».
Caroline Saint-André
Consulter le texte adopté en commission spéciale.
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