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Édition du jeudi 30 mai 2024
Logement

Régulation des meublés de tourisme, logements vacants, aides adaptées... : le Cese fait une série de recommandations pour le logement des saisonniers

Alors que la pénurie de logements est devenue un « obstacle majeur » au recrutement des saisonniers dans de nombreux territoires, le Cese réclame une « véritable stratégie nationale » pour le secteur, et notamment souhaite remettre sur le marché les logements vacants. Des recommandations qui « méritent d'être explorées », selon Dominique Faure.

« Les difficultés d’hébergement que rencontrent les salariés saisonniers […] constituent un obstacle majeur, voire rédhibitoire, aux recrutements nécessaires. »  En pleine crise du logement, le Conseil économique, social et environnemental (Cese) s’est saisi de la question délicate de l'hébergement des saisonniers et a formulé une série de propositions, dans un avis qu’il vient d’adopter. 

Chaque année avant le démarrage de la saison touristique ou la saison des travaux agricoles, la question de l’hébergement des travailleurs saisonniers est remise sur la table au regard du recrutement « de plus en plus difficile lors des pics d’activités saisonnières ». Un problème qui apparaît de manière encore plus aigüe avec la crise du logement qui frappe le pays, et notamment les zones touristiques.

Si ces difficultés de recrutement sont multifactorielles, le logement apparaît comme bien « un obstacle majeur », estime Catherine Lion, rapporteure de l’avis et membre des commissions « Territoires, agriculture et alimentation »  du Cese.

15 % des saisonniers hors de leur région

Qu’il concerne le tourisme d’hiver ou d’été, les récoltes agricoles, les productions de films télévisés… l’emploi saisonnier souffre d’un « manque de données pour documenter les parcours, les attentes et les conditions de vie »  de ces travailleurs, regrette d’abord le Palais d’Iéna.

Les derniers chiffres de l’Insee montrent, toutefois, que ce type d’emploi occupe 2,5 millions de personnes en France avec une « surreprésentation des jeunes »  et que, parmi eux, 15 % travaillent en dehors de leur région de résidence, une part qui est « deux fois plus importante que pour l’ensemble des salariés ». Selon l’Association nationale des élus des territoires touristiques (Anett) citée par le Cese, les candidats à un emploi saisonnier dans le tourisme seraient même 40 % à « habiter loin »  de leur potentiel futur emploi. Et faute de logement disponible, 100 000 d’entre eux ne concluraient finalement pas de contrat.

D’où l’importance de la question de l’hébergement à laquelle s’est attaquée le Cese. D’autant que « l’essentiel du recrutement »  se fait par des contrats courts et en général peu qualifiés. Un contrat saisonnier sur deux dure ainsi « moins de 10 jours »  et se limite à un contrat intérimaire, conduisant « 77,6 % des saisonniers »  a avoir des revenus salariés annuels « inférieurs à 12 440 euros », selon l’Insee.

Du côté des employeurs, 85 % d’entre eux témoignent « des difficultés croissantes »  pour recruter la main-d’œuvre saisonnière. À noter que, s’agissant précisément du secteur public, une étude de 2016 de France Stratégie évaluait à 115 000 le nombre de saisonniers en 2014 dans la fonction publique territoriale, principalement dans « l’animation loisirs, les événements culturels, l’accueil et l’information du public, la surveillance des plages [ou encore] les équipements de loisirs et sportifs (centres nautiques, campings) ».

Les régions au cœur des expérimentations

Pourtant, pour pallier les difficultés, « les collectivités, les employeurs, les associations, les syndicats… déploient de nombreuses solutions », aussi bien en termes « d’offre de logements pour les saisonniers »  que « d’organisation de mobilité », deux facteurs qui sont « étroitement associés », rappelle la rapporteure de l’avis.

Malgré le « foisonnement d’initiatives sur le territoire »  recensées par cette dernière, la question du logement des saisonniers souffre « d’un manque de pilotage clair, d’un manque de lisibilité des initiatives et aides existantes ou encore d’un manque de mutualisation », notamment « des expériences et de partage des solutions qui ne permettent pas aux bonnes initiatives d’essaimer ».

Pour y remédier, celle qui est également directrice générale de la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA) estime que le pays a besoin d’une « véritable stratégie nationale »  en faveur du logement des travailleurs saisonniers qui permettrait « d’accompagner les initiatives des acteurs locaux »  et « d’optimiser la richesse de ce foisonnement de solutions ».

Afin de renforcer « la cohérence des politiques publiques »  en faveur du logement des saisonniers, elle propose de « nommer un délégué interministériel chargé de coordonner l’élaboration d’une stratégie nationale »  et de confier aux régions le soin de « mettre en synergie les solutions déployées au niveau local »  et de « mettre en œuvre le droit à expérimenter des solutions innovantes adaptées aux spécificités locales ».

Logements vacants : inciter les collectivités à les recenser

Le Cese suggère également de rendre éligibles les logements destinés aux travailleurs saisonniers (ou en mobilité) aux mêmes aides et dispositifs applicables aux logements en location permanente (comme MaPrimeRénov’, par exemple), mais aussi mieux réguler les meublés de tourisme dans les zones tendues et de favoriser la remise sur le marché des logements vacants.

Une « nécessité », selon la rapporteure, notamment dans ces zones touristiques tendues. Pour cela, le Conseil souhaite notamment « inciter les collectivités locales à recenser les biens vacants ».

Le Palais d’Iéna préconise, en outre, de favoriser la mutualisation des solutions d’hébergement saisonnier, « essentielle pour arriver à l’équilibre financier des projets »  collectifs (qui peuvent être « portés par des associations ou des groupements d’employeurs » ). Pour cela, il estime qu’il faut favoriser le montage de projets qui s’adressent à des publics différents – comme « des saisonniers, des alternants, des apprenants »  – ou à des publics de différents secteurs : « Pourquoi pas des structures qui hébergent des saisonniers de l’hôtellerie-restauration et des saisonniers de l’agriculture ? », illustre Catherine Lion.

Alors qu’un « nombre important »  de saisonniers « ignorent leurs droits et les aides auxquelles ils peuvent prétendre », le Cese estime qu’il faut « généraliser la diffusion de vademecums adaptés »  avec l’objectif de « réduire les taux de non-recours aux aides existantes ». 

En outre, il recommande mieux répertorier et diffuser « en temps réel »  les offres de logements disponibles pour les salariés saisonniers, notamment en généralisant « la construction de plateformes ». Dans ce cadre, les collectivités locales pourraient être « associées »  au « financement de la viabilisation des plateformes dès lors qu’il s’agit de projets de territoires ».

« Nous avons la responsabilité collective de les loger dans les meilleures conditions qui soient », a assuré la ministre des Collectivités territoriales et de la Ruralité, Dominique Faure, lors de son intervention devant le Cese, estimant que ce dernier a « identifié de nombreuses problématiques et formulé de très pertinentes recommandations »  qui « méritent d’être explorées ».
 

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