La commission Rebsamen propose de réformer la fiscalité foncière pour relancer la construction de logements
Par Aurélien Wälti
Compenser certaines exonérations de taxe foncière, mobiliser le foncier en favorisant les opérations d'aménagement ou encore réviser la fiscalité pour lutter contre la rétention foncière… Chargé en mai par Jean Castex de trouver des solutions afin de relancer la construction de logements, le maire de Dijon, François Rebsamen, vient de remettre au Premier ministre les premières recommandations de la commission qu’il préside.
Pour remédier à une crise de l’offre de logements « qui ne se résorbera pas d’elle-même », cette commission - composée de six élus locaux, huit parlementaires et 17 « personnalités qualifiées » - propose 13 mesures « fortes » de nature fiscale et budgétaire pour lever les réticences locales ainsi que les freins à la mobilisation du foncier. Celles-ci doivent être complétées, dans un second rapport attendu pour la fin du mois d’octobre, par des propositions en matière de simplification et d’urbanisme.
Crise du logement dans les zones tendues
Elle dresse, d’abord, le constat d’une « crise » de l’offre de logements concentrée dans les zones tendues où « le rythme de construction décroche alors même que les besoins y sont massifs et croissants ».
Si, à l’échelle nationale, la chute brutale des autorisations, liée à la crise sanitaire, a été résorbée, « cette tendance globale masque un net décrochage dans les zones tendues, où se concentrent pourtant la plus grande partie des besoins à satisfaire », expliquent les auteurs du rapport. Ainsi, « les autorisations de construire en zones A bis, A et B1 sont en recul de 14 % par rapport au niveau moyen de l’année 2018 » quand celles en zones B2 et C sont « en augmentation de 22 % ». Un décrochage qui s’observe autant dans le secteur libre que social.
Alors que « les besoins en logement se maintiendront à un niveau élevé dans les années à venir », l’évolution récente de l’offre de logements apparaît « insuffisante pour faire face à ces besoins », préviennent les auteurs du rapport.
Contre les réticences, défendre la « densité heureuse »
Pour ces derniers, la « profonde dévalorisation de l’acte de construire » a, à la fois, des causes politique et financière.
L’accueil de nouveaux habitants et la densification qui en résulte sont ainsi de plus en plus difficilement acceptés au niveau local. « Les confinements successifs, le dévoiement de certaines préoccupations environnementales ont renforcé la défiance de nombreux habitants » vis-à-vis de toutes constructions nouvelles.
Face à ces réticences, la commission appelle à déployer « un discours politique clair et offensif » pour revaloriser l’acte de construire : « Il faut affirmer qu’une densité heureuse est possible, à condition que l’on veille à la qualité des logements et des espaces urbains. Il faut également assumer la profonde convergence entre densification et préoccupations environnementales. Enfin, il convient de rappeler le devoir social de chacun vis-à-vis de toutes celles et ceux qui ont besoin d’un logement ».
Compensation des exonérations sur la taxe foncière
Reste que pour revaloriser la construction de logements, il faudra surtout des mesures financières ciblées sur les communes et intercommunalités qui subissent « une dégradation (de leurs) marges financières (...) pour accueillir des populations nouvelles ».
La suppression de la taxe d’habitation est notamment mise en cause. « Bien qu’elle ait été compensée ''à l’euro près'' pour le stock », cette réforme a d’ores et déjà « réduit les recettes fiscales associées à chaque nouveau logement, en particulier mais pas seulement dans le parc social », érodant par là même le lien fiscal entre la commune et ses nouveaux habitants.
Pour remédier à cette diminution des recettes communales, les auteurs du rapport proposent de créer un contrat local pour le logement, conclu entre l’Etat, les communes et intercommunalités afin « d’objectiver les besoins en logements » et de « soutenir financièrement les maires bâtisseurs ».
Elle préconise également de compenser intégralement certaines exonérations de taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB). En premier lieu, celle dont bénéficient les bailleurs sociaux pendant 15 à 30 ans lorsqu'ils construisent des logements neufs, « pour une durée limitée et dans un objectif de relance », mais aussi celle applicable au logement locatif intermédiaire. En effet, 92 % des communes ont vu baisser de plus de 80 % les recettes fiscales induites par un nouveau logement social lors de sa mise en service. Une érosion qui s’observe également dans le secteur du logement libre pour la quasi-totalité des communes (86 %).
La commission demande, en outre, de donner aux communes la possibilité de supprimer l’intégralité de l’exonération de TFPB qui bénéficie pendant deux ans aux particuliers qui achètent un logement neuf dans le parc privé.
Accélérer la cession de foncier public
Au-delà des réticences locales, elle pointe un deuxième obstacle à la construction causé par la rareté du foncier. Pour cela, la commission propose une série de mesures visant à accélérer la cession de foncier public pour le logement et concernant « l’intéressement des administrations à la cession décôtée de leurs emprises », notamment, et la mise en place d’une politique du foncier public et de l’évolution des prix du foncier concertée entre l’Etat et les collectivités territoriales, via les contrats locaux.
Un second ensemble de propositions visent à « favoriser les opérations d'aménagement, productrices de foncier ». La pérennisation du fonds friches devra « être assortie d'objectifs et de moyens ambitieux pour les territoires tendus », explique la commission qui souligne que les moyens d'actions des établissements publics fonciers (EPF) et d'aménagement (EPA) « gagneraient également à être renforcés et mieux mobilisés ».
Elle recommande, en outre, de « favoriser la mobilisation du foncier pour un usage temporaire » : « Précisément, il est proposé d’étendre jusqu’à 5 ans la durée d’implantation en-deçà de laquelle une opération de logement ou d’hébergement temporaire est dispensée de formalités d’urbanisme ».
Réviser la fiscalité pour lutter contre la rétention
Enfin, la commission propose de réformer la fiscalité foncière, en supprimant les incitations fiscales à la rétention.
Constatant « le besoin d’un rééquilibrage global de la charge fiscale du ''flux'' (les transactions) vers le ''stock'' (la détention des terrains) », elle considère ces mesures - aux « impacts redistributifs importants » - « incontournables à moyen terme si l’on souhaite atteindre l’objectif d’une allocation efficace du foncier, cette ressource étant appelée à devenir de plus en plus précieuse dans le cadre de lutte contre l’artificialisation des sols ».
A noter que le gouvernement a précisé qu’il ferait connaître dans « quelques jours » comment « il entend compléter les actions qu’il a déjà mises en place pour stimuler l’effort de construction dans les zones tendues et favoriser l’accès au logement des Français ».
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