Cinéma : coup de projecteur sur les maires de banlieues avec Les Promesses
Par Lucile Bonnin
« Il n’y a pas meilleur mandat que celui de maire » . Clémence, incarnée par Isabelle Huppert, en est convaincue. En fin de mandat, elle lutte pour que la cité Les Bernardins (le film a été tourné dans la cité du Chêne pointu à Clichy-sous-Bois) soit intégrée à un plan de rénovation urbaine lancé par l’État. Avec le soutien de son chef de cabinet, Yazid, magnifiquement incarné par Reda Kateb, la maire fera face aux marchands de sommeil et aux représentants de l’État pour gagner son combat.
La trame du film repose sur un sujet bien connu des maires de banlieues : le drame des copropriétés dégradées, insalubres, et l’inaction de l’État face à ces constatations. Le réalisateur Thomas Kruithof a présenté mardi dernier son film lors d’une avant-première organisée par l’association France urbaine. Il explique avoir voulu raconter des vies avant tout. « Beaucoup de maires se démènent, des associations se battent contre des ennemis invisibles et titanesques, des citoyens se sentent (…) abandonnés » , constate le réalisateur. Ce film raconte avant tout « les solidarités et proximités entre les élus et les habitants » , et pose un regard juste et émouvant sur la politique locale en banlieue.
Les Promesses : un tendre hommage aux maires
La première à prendre la parole après à la projection a été Sophie Rigault, maire de Saint-Michel-sur-Orge (Essonne). Elle explique que Les Promesses « traduit une réalité » certes « plus ou moins difficile en fonction de nos territoires. Dans ce film on touche à la confiance que nous accordent nos habitants, à nos combats, à la peur des élus, à la violence dont on est plus ou moins l’objet, à la détresse et à la déception des habitants, (…) à la capacité d’abnégation des élus et de leurs collaborateurs… » Elle finit par remercier le réalisateur pour « avoir montré ce qui est notre quotidien. »
Car pour faire ce film, Thomas Kruithof a, selon les dires du maire de Grigny, Philippe Rio, « pris le temps d’écouter plusieurs élus » et de s’« imprégner d’une réalité qui n’est jamais montrée, d’une violence invisible. » Justesse des propos, situations réalistes : nombreux ont été les élus à s’émouvoir face à l’histoire de Clémence.
Le logement : un sujet politique d’importance capitale
Choisir un maire pour incarner le héros d’un film est un choix artistique qui sort des sentiers battus. Le film est, de surcroît, frappant par sa justesse et sa précision.
Après la sortie du film Les Misérables, ou encore de Bac Nord, le cinéma consacré aux banlieues semble prendre une toute autre direction –pas moins engagée –pour montrer une violence d’un autre type : celle des copropriétés dégradées. Le maire de Chambéry, Thierry Repentin, a tenu à remercier le réalisateur pour « avoir traité ce sujet méconnu ».
Étienne Chauffour, ancien maire de Juvisy-sur-Orge, se dit ravi que la lumière soit faite sur les « copropriétés dégradées et les multiples propriétaires inconnus (les fameux marchands de sommeil notamment). C’est un enjeu majeur qui est à mon sens totalement sous les radars. »
Emmanuelle Wargon, ministre chargée du Logement, était présente lors de cette avant-première. Durant sa prise de parole, elle a salué le fait que le film mette « l’accent sur l’habitat privé en difficulté, que cela soit en banlieue ou ailleurs. Quand on pense aux cités, on pense aux logements sociaux (...). Mais le plus difficile est d’aller chercher ces copropriétés dégradées, car il faut parler à chaque copropriétaire qui sont dans des situations différentes. Cette réalité existe (…) et c’est quelque chose que beaucoup de Français vont découvrir et j’espère que cela sera vu le plus possible. » Philippe Rio espère d’ailleurs que ce film « aidera le pays à comprendre ce qu’est la misère dans le logement social de fait. »
La relation entre collectivités territoriales et État
Une autre dimension de la fiction montre « le combat perpétuel » qui est mené dans « la politique locale » , insiste le réalisateur. Il remarque d’ailleurs très vite, dans l’élaboration de son film, que ce métier est « complexe » notamment de par « la multiplicité des interlocuteurs. »
En effet, Clémence se démène tout au long du film pour obtenir une aide de l’État. La ministre déclare d’ailleurs avoir particulièrement apprécié « l’engagement et l’obstination presque déraisonnable » représentés dans le film. « Il faut vraiment le vouloir pour que ça se produise et c’est vrai au niveau local comme au niveau national » , continue-t-elle.
Pourtant cet acharnement questionne les élus spectateurs. Le travail du réalisateur met indéniablement en avant « un choc » des différents espaces du pouvoir. Olivier Landel, délégué général France urbaine pose alors une question légitime : « La maire ne serait-elle pas plus utile et plus efficace si elle n’avait pas à passer beaucoup de temps à se battre contre ces prises décisions qui ne sont pas au niveau d’où elles pourraient être prises avec un autre modèle plus décentralisé et déconcentré ? »
Si le film n’est pas directement un manifeste pour la décentralisation, le réalisateur reconnaît qu’il prouve l’existence d’« une espèce de distance » dans le rapport entre l’État et les collectivités. Un maire peut tout aussi bien se retrouver un jour dans un ministère « pour défendre une cause » et, le soir, discuter avec des habitants dans la rue « entre l’endroit où il a garé sa bagnole et le bureau de la mairie » . C’est cette pluridisciplinarité contée dans le film Les Promesses qui fait la réussite de cette « micro-immersion » fictionnelle dans la peau d’une maire de banlieue.
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