Édition du mercredi 24 janvier 2018
Foncier public : la Cour des comptes juge le dispositif de décote « peu efficient »
Dans un référé adressé au Premier ministre en octobre dernier et rendu public hier, la Cour des comptes se montre critique sur le dispositif de décote du foncier en faveur du logement social, qu’elle a examiné pour les exercices 2013 à 2016.
Instauré en 2013, ce dispositif permet de céder des terrains publics à prix réduit lorsqu’un projet de construction inclut des logements sociaux. Alors que l’objectif de la décote visait à favoriser la mise en chantier rapide de logements locatifs sociaux, la Cour observe que ce dispositif a été « relativement peu utilisé au cours des trois derniers exercices ».
Jugé « trop complexe » et « concurrencé par d’autres procédures de cession du foncier public », ce dispositif n’a, au final, concerné que 69 opérations, permettant la construction d’environ 6 700 logements – dont 4 600 logements sociaux - alors que « le potentiel de construction de logements sur du foncier public [était] estimé à 110 000 logements sur la période 2012-2016 », rappelle Didier Migaud.
Des chiffres qui sont également à mettre en relation avec les mises en chantier prévues sur les terrains publics non décotés : à titre de comparaison, depuis 2013, « les ventes sans décote ont concerné 335 lots de terrain pour une prévision de mise en chantier d’environ 35 000 logements, dont 16 000 logements sociaux », constate la Cour.
Celle-ci considère ainsi qu’« avec un coût global supérieur à 107 millions d’euros, ce dispositif s’avère peu efficient et a parfois entraîné le lancement d’opérations bénéficiant d’une aide disproportionnée par rapport aux objectifs de construction de logements sociaux ».
La Cour pointe le cas, par exemple, de l’opération des anciens locaux de l’Institut national des langues et des civilisations orientales (Inalco), à Paris, qui a bénéficié d’une décote de plus de 4,8 millions d’euros pour la création de 18 logements sociaux. « Au final, explique Didier Migaud, le montant total des subventions, directes ou indirectes, s’est élevé à plus de 6,9 millions d’euros, soit une aide publique supérieure à 386 000 euros par logement ou à 5 560 euros par mètre carré de surface utile de logement. Ce coût est supérieur à celui de la construction neuve de logements sociaux à Paris. Avec le même montant de subventions, c’est quasiment le double de logements sociaux neufs qui auraient pu être construits en Île-de-France ».
De plus, si la majeure partie de l’effort financier a porté sur des opérations en zones tendues, le tiers des opérations a été réalisé dans des zones de faible tension immobilière, « alors même que, dans celles-ci, l’opportunité de produire davantage de logements sociaux peut être discutée », estime la Cour.
Enfin, celle-ci épingle le risque de voir instrumentaliser les règles d’urbanisme. Cette situation peut « conduire à l’acquisition, par les communes, de vastes emprises en zone urbaine, à des prix avantageux, au détriment des intérêts de l’État, alors que les collectivités peuvent simultanément continuer, pour certaines d’entre elles, à céder leurs parcelles au plus offrant par des procédures de mise en concurrence, sans imposer systématiquement des contraintes en matière de production de logements sociaux », observe la juridiction.
Les magistrats de la rue Cambon recommandent ainsi à la fois la simplification du dispositif, son recentrage géographique sur les zones tendues et en déficit de logements sociaux et la publication du montant des décotes accordées par logement.
Dans sa réponse au référé, adressée lundi, le Premier ministre rappelle notamment qu’afin de faciliter la production de logements sociaux et dans un « souci d’équité », le dispositif de décote doit « pouvoir être mis en œuvre partout sur le territoire national […]. En secteurs détendus aussi, des opérations peuvent être déséquilibrées, quand bien même le foncier y est moins cher qu’ailleurs ». « Il paraît peu pertinent de mobiliser la décote sur le territoire exclusif des communes carencées », ajoute Edouard Philippe.
Les magistrats demandent, par ailleurs, d’imposer une clause de garantie de construction de logements locatifs sociaux lorsque le terrain est vendu en deçà de la valeur de marché, dans le cas de cession de foncier par la procédure négociée ou par mise en concurrence. Ils préconisent également, pour les dossiers importants, d’inclure par avenant la possibilité pour les services de l’Etat d’effectuer un contrôle financier a posteriori de l’équilibre économique des opérations décotées, en prévoyant le cas échéant des clauses de sanctions financières.
Télécharger le référé de la Cour des comptes.
Télécharger la réponse du Premier ministre.
Instauré en 2013, ce dispositif permet de céder des terrains publics à prix réduit lorsqu’un projet de construction inclut des logements sociaux. Alors que l’objectif de la décote visait à favoriser la mise en chantier rapide de logements locatifs sociaux, la Cour observe que ce dispositif a été « relativement peu utilisé au cours des trois derniers exercices ».
Jugé « trop complexe » et « concurrencé par d’autres procédures de cession du foncier public », ce dispositif n’a, au final, concerné que 69 opérations, permettant la construction d’environ 6 700 logements – dont 4 600 logements sociaux - alors que « le potentiel de construction de logements sur du foncier public [était] estimé à 110 000 logements sur la période 2012-2016 », rappelle Didier Migaud.
Des chiffres qui sont également à mettre en relation avec les mises en chantier prévues sur les terrains publics non décotés : à titre de comparaison, depuis 2013, « les ventes sans décote ont concerné 335 lots de terrain pour une prévision de mise en chantier d’environ 35 000 logements, dont 16 000 logements sociaux », constate la Cour.
Celle-ci considère ainsi qu’« avec un coût global supérieur à 107 millions d’euros, ce dispositif s’avère peu efficient et a parfois entraîné le lancement d’opérations bénéficiant d’une aide disproportionnée par rapport aux objectifs de construction de logements sociaux ».
La Cour pointe le cas, par exemple, de l’opération des anciens locaux de l’Institut national des langues et des civilisations orientales (Inalco), à Paris, qui a bénéficié d’une décote de plus de 4,8 millions d’euros pour la création de 18 logements sociaux. « Au final, explique Didier Migaud, le montant total des subventions, directes ou indirectes, s’est élevé à plus de 6,9 millions d’euros, soit une aide publique supérieure à 386 000 euros par logement ou à 5 560 euros par mètre carré de surface utile de logement. Ce coût est supérieur à celui de la construction neuve de logements sociaux à Paris. Avec le même montant de subventions, c’est quasiment le double de logements sociaux neufs qui auraient pu être construits en Île-de-France ».
De plus, si la majeure partie de l’effort financier a porté sur des opérations en zones tendues, le tiers des opérations a été réalisé dans des zones de faible tension immobilière, « alors même que, dans celles-ci, l’opportunité de produire davantage de logements sociaux peut être discutée », estime la Cour.
Enfin, celle-ci épingle le risque de voir instrumentaliser les règles d’urbanisme. Cette situation peut « conduire à l’acquisition, par les communes, de vastes emprises en zone urbaine, à des prix avantageux, au détriment des intérêts de l’État, alors que les collectivités peuvent simultanément continuer, pour certaines d’entre elles, à céder leurs parcelles au plus offrant par des procédures de mise en concurrence, sans imposer systématiquement des contraintes en matière de production de logements sociaux », observe la juridiction.
Les magistrats de la rue Cambon recommandent ainsi à la fois la simplification du dispositif, son recentrage géographique sur les zones tendues et en déficit de logements sociaux et la publication du montant des décotes accordées par logement.
Dans sa réponse au référé, adressée lundi, le Premier ministre rappelle notamment qu’afin de faciliter la production de logements sociaux et dans un « souci d’équité », le dispositif de décote doit « pouvoir être mis en œuvre partout sur le territoire national […]. En secteurs détendus aussi, des opérations peuvent être déséquilibrées, quand bien même le foncier y est moins cher qu’ailleurs ». « Il paraît peu pertinent de mobiliser la décote sur le territoire exclusif des communes carencées », ajoute Edouard Philippe.
Les magistrats demandent, par ailleurs, d’imposer une clause de garantie de construction de logements locatifs sociaux lorsque le terrain est vendu en deçà de la valeur de marché, dans le cas de cession de foncier par la procédure négociée ou par mise en concurrence. Ils préconisent également, pour les dossiers importants, d’inclure par avenant la possibilité pour les services de l’Etat d’effectuer un contrôle financier a posteriori de l’équilibre économique des opérations décotées, en prévoyant le cas échéant des clauses de sanctions financières.
A.W.
Télécharger le référé de la Cour des comptes.
Télécharger la réponse du Premier ministre.
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