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Édition du mercredi 17 mai 2023
Logement social

Communes déficitaires en logements sociaux : le gouvernement durcit le ton

Plus d'un millier de communes restent déficitaires en logements sociaux, selon le gouvernement qui détaille, dans une instruction, les modalités d'établissement du bilan triennal (2020-2022) et le nouveau calendrier de la procédure de carence à mener en 2023 pour les communes déficitaires en logements sociaux.

Par A.W.

« Approche ferme », prise en compte des dispositions de la loi 3DS et application des sanctions. Dans une instruction publiée hier (mais datée du 28 mars), le gouvernement présente les modalités d’établissement du bilan triennal et de la procédure de constat de carence sur la période 2020-2022.

Adressé aux préfets dont les territoires comprennent des communes qui n’ont pas atteint les taux de 20 % ou 25 % de logements sociaux imposés par la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbain (SRU), ce texte précise « le périmètre d’application du bilan triennal et les modalités de décompte des logements, sur les plans quantitatifs et qualitatifs »  ainsi que « la conduite et le calendrier de la procédure de carence à mener en 2023 au titre de la septième période triennale ».

On peut noter que l’engagement des procédures de constat de carence et de la phase d’échanges contradictoires de deux mois avec toutes les communes n’ayant pas atteint leurs objectifs triennaux devait se faire « avant le 5 avril ». La transmission au secrétariat de la commission nationale SRU (DHUP) des intentions de carence avec les niveaux de sanction envisagés aura lieu, elle, d’ici le 1er juillet. Un calendrier qui a été « adapté »  afin d’intégrer les apports de la loi dite « 3DS ».

600 000 logements restant à produire

Bien que le dispositif SRU ait « largement fait les preuves de son efficacité »  avec la production, en plus de 20 ans, de « plus de la moitié des 1,8 million de nouveaux logements sociaux (...) dans des communes déficitaires », le gouvernement pointe les « 1 111 communes »  qui demeurent encore déficitaires, « pour environ 600 000 logements restant à produire, sur des territoires connaissant de très forts besoins ».

Parmi les orientations générales inscrites dans cette instruction pour le bilan triennal 2020-2022, le gouvernement dit ainsi attendre comme les années précédentes, de la part des préfets, « une fermeté vis-à-vis des communes éloignées de l’atteinte de leurs objectifs (...) dans l’analyse des bilans triennaux et les intentions de carence, puis les décisions de constat de carence ».

Il rappelle, toutefois, que cette période a été marquée par la crise sanitaire avec un « ralentissement de l’économie »  et les « incertitudes »  sur la reprise de l’activité, ceux-ci ayant « freiné la construction de logements, avec un impact sur la production de logements sociaux ». Dans ce contexte, l’exécutif demande aux préfets de porter leur attention sur « les dynamiques à l’œuvre sur les territoires, et notamment sur la reprise de la production, en 2021 et en 2022, ainsi que sur la comparaison avec l’activité observée sur le parc privé ».

Cela étant dit, il souligne que « les communes ne peuvent justifier de ne pas avoir atteint leurs objectifs de rattrapage que sur la base d'éléments substantiels, circonstanciés et objectifs ». Raison pour laquelle, « une approche ferme »  devra donc être « tout particulièrement maintenue à l’égard des collectivités qui n’auront pas apporté de justifications suffisantes ».

Les évolutions de la loi 3DS prises en compte

En parallèle, et bien que l’essentiel des mesures adoptées dans la loi 3DS n’entrera en vigueur qu’à l’occasion de la prochaine période triennale 2023-2025, le gouvernement demande aux préfets de tenir compte, dans leurs propositions de carence sur la période 2020-2022, « des nouveaux équilibres induits par la loi ». Adoptée l’an passée, celle-ci a, en effet, fait évoluer l’article 55 de la loi SRU - qui oblige certaines communes à disposer de 20 à 25 % de logements sociaux - en l’adaptant davantage aux spécificités et contraintes locales.

Pour rappel, ce texte a supprimé la date butoir de 2025 imposée aux communes pour remplir leurs obligations de production de logements sociaux, au profit d’un dispositif de rattrapage permanent du déficit de logements locatifs sociaux. « A compter du 1er janvier 2023, le taux de référence de rattrapage triennal est fixé à 33 % du déficit de logements sociaux et se substitue aux taux de 50 % pour le triennal 2020-2022 et de 100 % pour le triennal 2023-2025 », indique notamment l’exécutif en annexe.

Outre la possibilité de mutualiser désormais des objectifs de production au niveau intercommunal, la loi 3DS a également refondu les trois régimes d'exemptions en élargissant les exemptions pour inconstructibilité (avec l’ajout des zones de recul de trait de côte et les périmètres de protection immédiats des points de captage) et pour « faible tension du marché locatif social »  (ouverte à tous les territoires SRU et ne concerne plus seulement les communes situées hors agglomération de plus de 30 000 habitants). S’agissant de l'exemption visant les communes « faiblement attractives », un décret vient d’en préciser les modalités.

En parallèle, l’exécutif invite les préfets à se « saisir des nouveaux contrats de mixité sociale »  (dont l’élaboration doit être systématiquement proposée aux communes carencées), à propos desquels un guide vient d’être publié

Reste que « si l’engagement d’une commune dans la signature d’un contrat de mixité sociale pour la période 2023-2025 peut être interprété comme une marque de son volontarisme, cet élément seul ne doit pas l’exonérer d’un constat de carence au titre de la période 2020-2022 lorsque son bilan le justifie », insiste toutefois le gouvernement.

Prélèvement : « plein usage »  de la majoration

Ce dernier précise également que « la dimension qualitative doit être prise en compte de manière équivalente à la dimension quantitative dans (la) décision de constat de carence », le dispositif SRU imposant une répartition équilibrée du flux de production de logements sociaux entre les produits plus sociaux (PLAI et assimilés) et les produits les moins sociaux (PLS et assimilés).

Il rappelle ainsi qu’une commune ne peut « se contenter de remplir ces objectifs par la seule production de logements destinés à des ménages supposés plus aisés », mais qu’à l’inverse, les préfets doivent prendre en compte dans leur appréciation « l’attention portée par une commune aux ménages les plus fragiles lorsque celle-ci oriente la production sur son territoire vers les produits les plus sociaux ». Tout comme le respect des objectifs d’attribution « en faveur des ménages prioritaires, relevant du droit au logement, ou encore du premier quartile de ressources ».

Malgré la prise en compte de particularités locales, l’exécutif insiste également sur « l’impératif d’une application homogène du dispositif sur le territoire »  avec « un traitement similaire (...) appliqué aux communes présentant des contextes comparables ».

Pour ce qui est des sanctions, les ministres demandent aux préfets de porter « une attention particulière à la reprise des autorisations d’urbanisme dans les communes dont les dynamiques de production sont éloignées de l’objectif et ne permettent manifestement pas un redressement à court terme, en particulier lorsque ces dynamiques sont anciennes ». L’objectif étant de « prévenir toute dégradation quantitative et qualitative du parc social ».

Par ailleurs, « la sanction maximale, correspondant à un quintuplement du prélèvement, doit être mise en œuvre dès lors qu’une commune s’oppose manifestement et durablement au développement d’une offre sociale sur son territoire », indique l’exécutif qui précise avoir constaté « un recours modéré à la majoration du prélèvement suite au précédent bilan triennal »  (les deux tiers des communes carencées ont connu une majoration de leur prélèvement inférieure à 100 %) et prône un « plein usage de ce levier ».


Consulter l’instruction.

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