Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux

Édition du lundi 7 juillet 2025
Logement social

Aides à la pierre : menacé, le Fnap a besoin d'« au moins 250 millions d'euros » pour se maintenir en 2026

Alors que les besoins en logements sociaux ne cessent d'augmenter, le fonds national des aides à la pierre se retrouve menacé faute de financements. Un rapport sénatorial demande le réengagement de l'État « dès que la situation budgétaire le permettra ».

Par A.W.

Une situation particulièrement « grave », en pleine crise du logement social. Alors que le fonds national des aides à la pierre (Fnap) est menacé faute de financements prévus à partir de l'année prochaine, le sénateur du Vaucluse Jean-Baptiste Blanc (LR) appelle, dans un rapport publié la semaine dernière, à sécuriser « au moins 250 millions d’euros »  en 2026 dans cet outil de pilotage de la création de logements sociaux.

Désengagement de l’État depuis 2018

Car la « question cruciale »  est bien celle du financement du Fnap, a rappelé le rapporteur spécial des crédits de la mission « Cohésion des territoires », lors de son audition, mardi dernier, devant la commission des finances du Sénat. Il est même « urgent »  de le « sécuriser »  au vu de « l’incapacité du Fnap à faire face à ses engagements dès 2026 ».

S’il a pu encore financer ses actions en 2025 « par la mobilisation de sa trésorerie »  (en compensant un déséquilibre de près de 179 millions d'euros), « ce schéma de financement ne pourra pas être reconduit en 2026 si les recettes ne sont pas rehaussées », assure Jean-Baptiste Blanc, qui estime, au passage, que « la rénovation ne saurait être intégrée cette année aux missions du fonds ».

Percevant déjà deux fois moins de recettes en 2025 que l'année précédente et trois fois moins que l'année de sa création, le fonds national des aides à la pierre ne serait, cette fois, pas en mesure de financer l’année prochaine ses actions (avec « 75 millions d'euros issus des bailleurs sociaux et 50 millions d'euros issus des prélèvements SRU » ). 

Il manquerait ainsi « 250 millions d'euros »  au regard des besoins et du niveau de trésorerie actuel, estime le sénateur du Vaucluse qui réclame donc des moyens supplémentaires pour maintenir le Fnap en 2026. Il propose donc un abondement qui puisse « être réparti entre l'État et les bailleurs dans le cadre d'une négociation ». « Mais le feront-ils ? », s’est interrogé le sénateur lors de son audition, déplorant que « la promesse d'un financement paritaire de ces aides à la pierre, porté par l'État et les bailleurs, est loin d'avoir été tenue ». 

« Pas d’intérêt »  à supprimer le Fnap

Et pour cause, l'État s'est désengagé de son financement dès 2018, soit deux ans après la création du fonds. Si Action Logement a pris le relais, entre 2018 et 2024, en comblant ce vide et en palliant l’absence de crédits budgétaires, « cette source est désormais tarie ». « Dès que la situation budgétaire le permettra », l’élu suggère donc de « faire revenir l'État parmi les financeurs directs »  du Fnap pour « revenir à la parité de financement prévue en 2016 lors de la création du fonds ». Une position défendue également par les maires qui s’inquiètent de ce désengagement.

Face à ces difficultés, le président du Fnap a créé un groupe de travail sur l'avenir du fonds en début d’année, mais l'Etat a rendu un avis défavorable à sa résolution qui proposait de porter à 700 millions d'euros le financement de la rénovation et de la construction de logements sociaux pour 2026. Bien que la ministre du Logement, Valérie Létard, s'est dit favorable à son maintien, elle reste en attente de leviers financiers.

En tout état de cause, la question du maintien du Fnap ne se pose pas vraiment, alors même que la suppression ou la fusion d'agences ont été annoncées par l’exécutif. Sa suppression n'aurait, en effet, « pas grand intérêt pour les finances publiques »  puisque « son action est déjà portée, à titre gracieux, par la direction de l'habitat, de l'urbanisme et des paysages ». 

« Il n'y aurait donc aucun effet bénéfique à une réinternalisation des missions du fonds », selon Jean-Baptiste Blanc qui note, dans son bilan, que l'objectif de réunir en un seul organisme l'État, les bailleurs sociaux et les collectivités territoriales pour définir une politique cohérente a été « globalement atteint ». C’est même « une réussite », a assuré la sénatrice centriste du Pas-de-Calais Amel Gacquerre lors de l’audition du rapporteur, en estimant qu’il a « permis de simplifier le financement d'une grande partie des logements sociaux ». 

Une répartition territoriale « pas toujours adaptée » 

« Le problème, c'est la gestion financière illisible et la répartition territoriale qui ne me semble pas toujours adaptée aux besoins », pointe le sénateur du Vaucluse qui propose de « territorialiser davantage, par le biais des AOH [autorités organisatrices de l’habitat] par exemple ». « Il faut décentraliser et contractualiser, dans une perspective pluriannuelle », explique-t-il, en demandant notamment « une révision large de la politique de financement du logement social pour permettre la pérennisation des aides à la pierre après 2027 ».

Parmi ses recommandations, il préconise ainsi de « s'assurer que la répartition des aides soit équitable entre tous les territoires et véritablement ajustée aux besoins locaux, d'une part, et qu'elle prenne mieux en compte la capacité de chaque bailleur à construire, d'autre part ». Car, selon lui, « certaines régions comme l'Île-de-France sont surreprésentées parmi les bénéficiaires d'aides à la pierre », tandis que « certains bailleurs bénéficient d'aides particulièrement massives ». A ses yeux, il conviendrait de « travailler à rapprocher le fléchage des crédits du Fnap vers les territoires, au plus près des besoins ». 

A noter que le sénateur du Vaucluse souhaite aussi confirmer la vocation de soutien du Fnap aux logements très sociaux et maintenir les particularités liées aux maîtrises d'ouvrage d'insertion : « Ces opérations, à niveaux de loyers particulièrement bas, nécessitent parfois jusqu'à 50 % de fonds gratuits pour être équilibrées. Par conséquent, l'outil des aides à la pierre est vital pour elles. Il me semble donc nécessaire que le Fnap continue à soutenir particulièrement ces opérations, qui sont cruciales pour donner des solutions de logement aux plus vulnérables de nos concitoyens. » 

Dans un contexte général de très forte tension sur le parc social, les besoins du secteur ne cessent d’augmenter. Alors que les demandes de logement dans le parc social non pourvues ont progressé de 31,5 % par rapport à 2016 (pour atteindre les 2,7 millions de demandes), ce sont « seuls 85 381 logements sociaux »  qui ont été agréés en 2024, soit 30,5 % de moins qu'en 2016, date de création du Fnap. 

Consulter le rapport.
 

Suivez Maire info sur Twitter : @Maireinfo2