Logement, école, normes : ce que les maires doivent retenir des annonces de Gabriel Attal
Par Franck Lemarc
Lors d'un discours de près d’une heure et demie devant les députés, Gabriel Attal a livré hier son « cap » et les « quatre appels à l’action » qui guideront son mandat à Matignon : le travail, les services publics, l’autorité et l’environnement. Le Premier ministre a constamment émaillé son discours de termes tels que « simplifier », « déverrouiller », « libérer », « débureaucratiser », face à des « règles » et des « normes » qui « brident », « entravent », « empêchent » – le tout donnant à son discours une tonalité libérale assumée.
Logement
Premier secteur à « déverrouiller » : le logement. Gabriel Attal a fait le constat de la crise du logement et a proposé d’y remédier en créant, « en lien avec les élus locaux, un choc d’offre ». Toute une série de mesures ont été annoncées dans ce sens, d’abord pour favoriser la construction, en « facilitant la densification » et en « levant les contraintes sur le zonage », et fluidifier le marché de la location, en « revoyant les diagnostics de performance énergétique » et en « simplifiant l’accès à MaPrimeRénov’ » . Il reste à connaître les détails de ces mesures : on se demande jusqu’à quel point et dans quel domaine le gouvernement souhaite « lever les contraintes sur le zonage », par exemple.
Gabriel Attal a annoncé la désignation sous deux semaines de « 20 territoires engagés pour le logement », avec l’objectif d’y créer 30 000 nouveaux logements en trois ans en y « accélérant toutes les procédures » – sans que l’on sache à cette heure si ces « territoires » seront des communes, des intercommunalités, des métropoles, voire des départements.
Mais c’est sur le logement social que le Premier ministre a fait les annonces les plus spectaculaires. La première, conforme à une proposition faite par Emmanuel Macron l’été dernier après les émeutes, est de « donner aux maires la main pour la première attribution dans les nouveaux logements sociaux ». Qu’est-ce que cela veut dire précisément ? S’agit-il de donner une voix prépondérante aux maires dans les CAL (commissions d’attribution locative) ? Ou de leur permettre de passer avant les CAL lors des attributions ? Cette mesure doit être précisée, avant de pouvoir être traduite en actes, ce qui paraît difficile sans évolution législative – le processus d’attribution étant fixé par la loi.
Gabriel Attal a également décidé de modifier les règles de la loi SRU sur les 25 % de logements sociaux obligatoires dans un certain nombre de communes : sa proposition consiste à « ajouter pour une part les logements intermédiaires, accessibles à la classe moyenne, dans le calcul des 25 % ». Cette annonce, qui a suscité de nombreuses réactions (lire article ci-contre) pose bien des questions, à commencer par une définition de la « classe moyenne » évoquée ici et à de nombreuses reprises dans le propos de Gabriel Attal. Parle-t-on ici des classes moyennes supérieures, avec des revenus supérieurs à 3 000 euros par mois, comme le font certains économistes ? Ou le terme de « classe moyenne » désigne-t-il désormais, comme on peut le penser en écoutant Gabriel Attal, tous ceux qui ne vivent pas des minimas sociaux ? La réponse à cette question sera déterminante pour apprécier la mesure annoncée sur la loi SRU – qui, là encore, va demander une modification législative.
Travail
Le gouvernement souhaite également « déverrouiller l’accès au travail », en « incitant au retour au travail ». Le conditionnement du RSA à 15 heures d’activité hebdomadaire, actuellement expérimenté dans 18 départements, sera « généralisé au 1er janvier 2025 ».
Gabriel Attal entend également fermer les « trappes à inactivité », ce qui suppose de « réinterroger notre modèle ». Une mesure surprise a été annoncée : la suppression de l’ASS (allocation de solidarité spécifique) et son « basculement » vers le RSA. Cette allocation de 545 euros est versée aux chômeurs en fin de droit et, selon Gabriel Attal, son défaut est qu’elle permet de « valider des trimestres de retraite sans travailler ».
Le Premier ministre a par ailleurs encouragé les administrations centrales et les ministères à expérimenter la semaine sur quatre jours, « sans réduction du temps de travail », consistant à « arriver plus tôt et partir plus tard pour travailler un jour de moins ». Il souhaite également que « l’État montre l’exemple » sur un autre sujet : en permettant aux personnels chargés du ménage de travailler non pas à l’aube ou en soirée mais « aux mêmes horaires que tout le monde ».
« Débureaucratiser »
Une partie du discours du Premier ministre a été consacrée à la question des normes, qui « oppressent, brident, empêchent de faire et d’avancer ». « Nos élus locaux croulent sous les règles et les procédures administratives », a lancé Gabriel Attal, qui souhaite lancer un chantier « d’évaluation des normes qui peuvent être supprimées ou simplifiées ». Prenant l’exemple des « 10 normes nationales » qui ont été supprimées vendredi pour les agriculteurs (lire Maire info du 29 janvier), le Premier ministre a annoncé que « beaucoup d’autres suivront ». Sauf qu’il faut tout de même rappeler que les 10 normes en question n’ont pas été supprimées, car il ne suffit pas d’une déclaration orale du Premier ministre pour gommer une loi ou un décret. Ces annonces devront, là encore, trouver une traduction concrète dans la loi ou la réglementation, ce qui pourrait être nettement plus long.
Gabriel Attal a également annoncé que « tous les organes, organismes, comités ou autres qui ne se sont pas réunis ces 12 derniers mois seront supprimés automatiquement ». Heureusement donc que la Commission consultative des polices municipales, par exemple, s’est réunie en mai dernier pour la première fois depuis quatre ans – elle devrait donc échapper à la « suppression ».
Santé
Autre sujet brûlant : la désertification médicale. Le Premier ministre n’a pas caché le problème : « Nos compatriotes ne trouvent pas de médecins et les délais aux urgences se rallongent. Cela se traduit par la désertification de notre pays, et par la saturation de nos hôpitaux, en particulier des urgences. » Le gouvernement va agir pour qu’il y ait tout simplement « plus de médecins », dans l’attente des effets de la suppression du numerus clausus. Il va pour cela non seulement « procéder à la régularisation des médecins étrangers sur notre territoire », mais également envoyer un « émissaire chercher à l’étranger des médecins qui voudraient venir exercer en France ».
Deuxième annonce : développer « dans chaque département » d’ici l’été prochain un SAS (service d’accès au soin). Rappelons qu’il s’agit d’une plateforme téléphonique accessible lorsque le médecin traitant n’est pas disponible, et susceptible de fournir un conseil médical, de proposer une téléconsultation, de réserver une consultation chez un spécialiste ou de mobiliser le Samu si besoin.
Gabriel Attal a indiqué que là où des SAS ne seraient pas mis en place, il était « prêt » à « restaurer des obligations de garde pour les médecins libéraux en soirée ou le week-end ».
Il a également remis sur le métier la « taxe lapin », consistant à inciter les patients à honorer leurs rendez-vous chez le médecin en imposant qu’un rendez-vous non honoré sera payé.
École et autorité
Le Premier ministre a évidemment évoqué l’école, qu’il avait qualifiée de « mère de toutes les batailles » en prenant ses fonctions, en rappelant d’abord les réformes qu’il avait engagées en tant que ministre de l’Éducation nationale, notamment le retour en grâce du redoublement, car « une école du passage automatique, où l’on glisse de classe en classe sans vérifier si on a le niveau pour passer dans la classe supérieure, c’est une école où tout le monde stagne et le niveau baisse ». Il a également annoncé des mesures fortes contre l’usage des écrans, qualifiés de « catastrophe éducative et sanitaire en puissance ».
Pour ce qui concerne les enseignants, en revanche, aucune annonce concrète, sinon une réforme de la formation qui sera présentée « en mars ».
Il a confirmé que l’État va financer le paiement des AESH sur le temps méridien, comme Maire info l’expliquait dans son édition du 24 janvier.
Le Premier ministre a, en revanche, largement insisté sur « l’autorité », « le respect » et la « laïcité ». Rappelant que l’uniforme serait généralisé « à la rentrée 2026 » si l’expérience menée l’an prochain s’avère « concluante », il a également pointé le fait que « des enseignants craignent d’aborder certains chapitres du programme ». Face à ces « dérives », il souhaite « revoir l’échelle des sanctions dans nos établissements scolaires, pour ne rien laisser passer ».
Gabriel Attal entend « faire respecter l’autorité partout : dans les classes, dans les familles, dans les rues ». Il a annoncé la création d’une nouvelle peine de « travaux d’intérêt éducatifs » pour les jeunes délinquants de moins de 16 ans, contre qui il est interdit de prononcer des peines de travaux d’intérêt général. Il propose également la mise en place de travaux d’intérêt général pour les parents – mais uniquement ceux « qui se sont totalement et volontairement soustraits à leurs obligations et responsabilités ».
Comme l’a annoncé le chef de l’État lors de ses vœux, le gouvernement va « monter d’un cran » dans le combat contre la délinquance et le trafic de drogue. Les nouvelles FAR (forces d’action républicaine) seront déployées « fin février » à Maubeuge, Valence et Besançon, et le gouvernement va poursuivre son action de « harcèlement et de pilonnage » des dealers. « Les avoirs des trafiquants de drogue identifiés » seront « gelés ».
Écologie
Le Premier ministre a fustigé « une écologie de la brutalité, punitive, douloureuse », et affirmé qu’il n’acceptera « jamais » la décroissance. Il a prôné à la place « une écologie populaire, où chacun agit à la hauteur de ses moyens », et a dit pleinement assumer d’être « à la tête d’un gouvernement pro-énergie nucléaire, avec une majorité pro-énergie nucléaire ». Gabriel Attal veut donner aux élus locaux « les moyens » nécessaires à la transition écologique, et a souhaité que « leurs plans locaux de transition écologique » soient financés « d’ici l’été ». Beaucoup d’élus se demanderont sans doute ce que sont les « plans locaux de transition écologique », notion qui ne figure nulle part. Le chef du gouvernement parle-t-il des plans climat air énergie territoriaux ?
Parmi les autres annonces : un nouveau « plan d’adaptation au changement climatique » sera présenté dans les deux mois qui viennent, et – sans précision de date cette fois – le régime catastrophes naturelles va « évoluer », pour « le moderniser et éviter que certains assureurs abandonnent les territoires les plus à risque ».
On le voit, la plupart de ces annonces sont encore assez vagues et demandent à être précisées. Ce sera peut-être le cas, du moins pour certaines d’entre elles, cet après-midi, lorsque le Premier ministre s’exprimera devant le Sénat. Il a promis hier « d’évoquer longuement », à cette occasion, « (sa) stratégie pour nos territoires ».
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