Les usagers et les agents territoriaux font massivement confiance aux collectivités pour gérer les services publics
Par Emmanuelle Quémard
Les Français continuent d’accorder une large confiance aux collectivités pour organiser les services publics, mais ils déplorent que l’État n’attribue pas aux territoires des moyens juridiques et financiers à la hauteur des responsabilités qui leur sont confiées. Tel est, en substance, le double enseignement du sixième baromètre réalisé par l’Association des administrateurs territoriaux de France (AATF) en partenariat avec Ipsos. Publié le 22 novembre à l’occasion du 105e congrès des maires et présidents d’intercommunalités de France, ce sondage (1) analyse à la fois le regard porté par l’ensemble des usagers sur la qualité des services publics et celui des agents territoriaux sur la manière dont s’exercent les missions d’intérêt général dans une période marquée par une succession de crises majeures. Une approche « en miroir » qui montre d’abord que les collectivités territoriales recueillent une large adhésion, tant au niveau des administrés que de ceux qui se mobilisent au quotidien pour faire fonctionner les services publics. Ainsi, 78 % des Français interrogés déclarent faire davantage confiance aux communes, intercommunalités, départements et régions qu’à l’État pour organiser les services publics sur le territoire où ils vivent. Une tendance encore plus nette lorsqu’il s’agit des agents territoriaux qui sont 94 % à plébisciter l’efficacité des collectivités.
78 % des usagers et 84 % des agents satisfaits des services publics locaux
Concernant la qualité des services et des prestations assurés par l’échelon territorial, une large satisfaction est également de mise au sein des deux échantillons. 78 % des répondants issus du grand public se disent plutôt satisfaits par la qualité des services rendus (ils étaient toutefois 80 % en 2022), tandis que 84% des territoriaux (contre 88 % il y a un an) sont du même avis. En revanche, les Français comme les agents publics locaux constatent à l’unisson que la qualité globale de l’action publique exercée par les collectivités a tendance à se dégrader au fil des années. 46 % des personnes sondées jugent, en effet, que la qualité des prestations s’est détériorée dans un contexte économique plus difficile (+2 % en un an), alors que 57 % des personnels territoriaux font le même constat (+ 10 % en un an).
Dans ce contexte, le baromètre AATF/Ipsos met en évidence une forte demande en faveur de transferts de compétences au profit des collectivités territoriales. Qu’il s’agisse du grand public ou des agents, une décentralisation accrue est nettement souhaitée, en particulier dans les domaines des transports, du logement ou de la transition écologique. Dans le même temps, les deux échantillons s’accordent sur la nécessité d’augmenter le niveau des dépenses publiques locales. Il s’agit notamment d’accroître les moyens en faveur de la santé (pour 73 % des Français et 66 % des territoriaux), des établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ephad) (respectivement 64 % et 62 %), des dispositifs d'économie d'énergie et de transition écologique (59 % et 56 %) ou encore des pompiers (56 % et 55 %). A contrario, les services publics locaux pour lesquels une hausse des crédits est le moins réclamée sont les cantines scolaires et les centres de loisirs (45 %, et 46 %) et les polices municipales (51 et 48 %).
Le financement des collectivités par l’impôt reste privilégié
Reste que pour financer le renforcement des moyens accordés aux collectivités territoriales, les avis sont moins tranchés. Si le maintien d’un financement des collectivités par l’impôt reste la solution privilégiée par l’ensemble des répondants (66 %), 34 % d’entre eux préfèreraient une facturation des prestations ciblant les usagers. De leur côté, les agents territoriaux ne sont que 60 % à plébisciter la fiscalité pour financer l’action publique locale (40 % étant favorables à la facturation).
Le baromètre de l’AATF permet également de mesurer le niveau d’adhésion du grand public et des agents des collectivités aux propositions de l’association présidée par Fabien Tastet. Ainsi, pour répondre aux problèmes de désertification médicale de nombreux territoires, les idées défendues par l’AATF sont largement approuvées : 90 % des Français et des personnels territoriaux sont, par exemple, favorables à l’installation de nouveaux médecins dans les zones à faible densité médicale, notamment par l’embauche de médecins généralistes par les collectivités locales, une option approuvée par 84 % des répondants et 83 % des agents.
Autre idée massivement soutenue par les deux échantillons interrogés par Ipsos : la possibilité de renforcer le contrôle des politiques publiques par des audits citoyens. 88 % des Français et 79 % des agents se prononcent en faveur d’une telle mesure. Dans le même temps, le maintien d’accueil humain pour tous les services publics (et donc l’interdiction des services dématérialisés à 100 %) constitue une autre priorité pour 85 % du grand public et 90 % des agents.
A noter que le baromètre met, par ailleurs, en exergue la forte adhésion de l’ensemble des administrés (84 %) et des territoriaux (86 %) à la proposition d’un renforcement de la protection des élus face aux menaces et aux incivilités. En revanche, l’idée de réduire le risque pénal encouru par les élus dans l'exercice de leur mandat apparaît plus clivante (seulement 55 % d’avis favorables au sein des deux échantillons). Celle portant sur l’augmentation de la rémunération des élus (tout en diminuant le nombre d'élus) recueille également des avis partagés (55 % et 49 %).
Enfin, l’AATF a testé l’opinion des Français sur plusieurs mesures envisagées par le gouvernement. L’autorisation pour une collectivité de porter plainte au nom du fonctionnaire, si le contexte empêche le dépôt individuel, est approuvée par 50% des répondants au sein du grand public et par 59 % des agents territoriaux. De même, l’idée de la protection fonctionnelle prévue pour les fonctionnaires et leurs familles si elles sont menacées recueille respectivement l’approbation de 46 % des Français et de 57 % des territoriaux.
(1) Sondage en ligne réalisé du 11 au 16 octobre 2023 par la méthode des quotas auprès d’un échantillon de 1000 personnes représentatives de la population française et de 500 fonctionnaires territoriaux.
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