Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux
Édition du mercredi 9 octobre 2024
Finances locales

Les élus et leurs associations vent debout contre la ponction programmée sur les finances locales

Individuellement ou collectivement, les responsables d'associations d'élus et les élus eux-mêmes ont vivement réagi à l'annonce, hier, d'une ponction de 5 milliards d'euros sur les finances des collectivités territoriales. Florilège. 

Par Franck Lemarc

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Avec sa formule « Nous n’accepterons aucune des mesures proposées », André Laignel, président du CLF et numéro deux de l’AMF, a donné le ton. Depuis hier après après-midi, communiqués de presse, tweets et déclarations se succèdent, et les choses sont claires : le gouvernement fait l’unanimité contre lui. 

Mesures « triplement inacceptables » 

Interrogé ce matin sur Franceinfo, le président de l’AMF, David Lisnard, a refusé le terme « d’économies »  demandées aux collectivités : « Ce ne sont pas des mesures d’économies mais des prélèvements supplémentaires de l’État », qui « une fois de plus demande aux autres d’assumer ses propres turpitudes ». Parlant de « rafistolage d’un système à bout de souffle », le maire de Cannes a rappelé que les gouvernements successifs n’ont cessé de confier des responsabilités, des compétences et des charges supplémentaires aux collectivités, et de l’autre main les ponctionnent. « Le gouvernement prévoit de créer un ‘’fonds de précaution’’ [dans les plus grandes collectivités] de 2 %. Chez moi à Cannes, 2 % cela voudra dire 10 millions d’euros en moins. Et on nous demande de faire plus de crèches ? ». Le président de l’AMF a une fois de plus rappelé que les dépenses cumulées de tous les niveaux de collectivités et des EPCI, en France, représente 11 % du PIB, contre une moyenne « de 19 % en Europe ». 

Plutôt que la ponction prévue, le maire de Cannes demande que les contraintes coûteuses et parfois « débiles »  imposées aux collectivités soient levées. « J’ai vu la ministre Catherine Vautrin hier, je lui ai fait des propositions dans ce sens », a expliqué David Lisnard, qui a évoqué, parmi les contraintes qui pourraient être levées, la charge de l’amortissement de la voirie « qui coûtera 500 millions »  ou le décret sur la régulation thermique des bâtiments, au printemps dernier (1,5 milliard d’euros à la charge des collectivités). 

Bien d’autres élus ont réagi depuis hier, comme Philippe Laurent, maire de Sceaux et vice-président de l’AMF, toujours sur X : « Le gouvernement se trompe. Il pénalise les acteurs des services publics du quotidien, les plus efficaces. Ce faisant, il pénalise tous les Français, et d’abord les plus fragiles. Et il ralentit la transition écologique. Les maires de France ne peuvent pas l’accepter. » 

Dans un communiqué publié sur X, l’association Villes de France parle d’un projet « triplement inacceptable ». D’abord par « l’ampleur de l’effort demandé », qui « ne pourra conduire (qu’)à une forte réduction de l’investissement local ». Deuxièmement, Villes de France estime que deux des mesures envisagées « consistent à revenir sur des engagements pris formellement par l’État »  (gel de la compensation de la suppression de la CVAE et baisse du FCTVA) : « C’est changer les règles du jeu en plein match ! ».  Enfin, l’association qui fédère les villes moyennes – s’indigne que « le prélèvement direct de 3 milliards d’euros »  pèse uniquement sur « 450 collectivités dont les villes (…) moyennes ». « Ce mécanisme n’est pas juste et ne peut être accepté ! ».

Quant à l'Association des petites villes de France (APVF), elle refuse elle aussi que « les efforts nécessaires au redressement des comptes de la nation »  se fassent « au prix de l'investissement des collectivités ». Ainsi, les mesures annoncées « remettraient en cause les plans de financement des collectivités pour l’année 2025 ». Quant au fonds de précaution prévu par le gouvernement, s'il ne touchera pas directement les petites villes, il « les impactera indirectement, dans un effet boule de neige, en frappant leurs partenaires naturels que sont les départements et les intercommunalités ». 

Investissement « sacrifié »  pour les régions

Du côté des régions, on redoute « une mise en péril des politiques régionales »  et d’un investissement qui risque d’être « sacrifié ». Le projet du gouvernement va représenter « une diminution drastique des recettes »  des régions, écrit Régions de France dans un communiqué, « une baisse historique ». L’association rappelle que les régions ont subi une baisse de leur épargne brute de 400 millions d’euros en 2023, du fait notamment de la crise de l’énergie, et que leur capacité d’endettement a été « consommée ». Elles n’ont donc plus de marges de manœuvre pour investir : « Les choix du gouvernement auront donc un impact direct pour le développement économique et l’emploi, les transports, la transition écologique, la formation professionnelle. C’est-à-dire le quotidien de nos concitoyens. » 

Pour Carole Delga, président de l’association : « Les régions ne peuvent être la solution à un État trop dépensier et inefficace. (…) La ponction de près d’un milliard d’euros sur les budgets des régions aura de lourdes conséquences sur les investissements générateurs de dynamique économique, de solidarités territoriales et de développement durable. » 

Les départements « asphyxiés » 

L’inquiétude est plus vive encore du côté des départements. Dans un communiqué de presse, Départements de France (DF) s’indigne de voir le gouvernement « amalgamer des réalités très différentes »  sous le terme de « collectivités locales » : « Passer indistinctement tout le monde au rabot ne peut conduire qu’à la catastrophe ». 

DF constate qu’un certain nombre de départements, les plus fragiles, seront exemptés de la ponction prévue par le gouvernement. Mais l’association note : « Si les départements actuellement en grande difficulté ne sont pas aidés et que les autres se voient amputés d’une partie de leurs recettes », ce seront « les deux tiers »  des départements, demain, qui « ne pourront plus assumer les charges qui pèsent sur eux en matière de cohésion ». François Sauvadet, président de DF, rappelle que les départements « suppléent déjà les carences de l’État à hauteur de 17 milliards d’euros », sur les dépenses sociales. « Plutôt que de nous asphyxier, si l’argent manque à ce point, le gouvernement et le Parlement doivent nous dire, clairement, et devant les Français, quelle politique nous devons abandonner ! ». Manifestement excédée, l’association fustige les décisions de Bercy où « sévissent ceux qui se sont toujours trompés sur tout ». « Refuser d’entendre ce message, persister dans la diminution des moyens d’équilibres territoriaux mis en œuvre par les départements, au nom d’une participation totémique au redressement des comptes publics, c’est provoquer la colère de la France rurale et périurbaine, dont le département est le dernier bouclier », prévient DF. 

D’autres coups de rabot ?

Le budget sera présenté officiellement en Conseil des ministres demain. Quelles autres mauvaises surprises attendent les collectivités ? On le saura à ce moment. Car au-delà des mesures annoncées hier au CFL, qui ne concernent que le strict volet dit des « relations avec les collectivités territoriales », bien d’autres ponction prévues par le gouvernement sur le budget de l’État auront des répercussions directes sur les collectivités : pour ne prendre qu’un exemple, la réduction drastique envisagée sur les crédits d’intervention de l’Agence nationale de la cohésion des territoires aura une incidence directe sur des programmes comme Action cœur de ville ou Petites villes de demain. Et au-delà, quelles seront les conséquences d’un coup de rabot sur les crédits consacrés au logement, à la politique de la ville, à la culture, au sport, au numérique… ?

Des temps difficiles semblent se préparer, sauf à espérer que la discussion du budget, au Parlement, puisse permettre d’aboutir à desserrer un peu le « garrot », pour reprendre une expression chère au président du Comité des finances locales. 

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