Les discriminations professionnelles touchent autant les agents publics que les salariés du privé
Alors que le rapport de l’universitaire Yannick L’Horty sur les discriminations dans l’accès à l’emploi public vient d’être remis au gouvernement, le 13e baromètre annuel réalisé par la Défenseure des droits et l’Organisation internationale du travail (OIT) vient confirmer la persistance « préoccupante » d’inégalités de traitement dans l’emploi au sein de la population active dans son ensemble.
Dévoilée le 1er décembre, cette enquête d’opinion pour laquelle 590 salariés du secteur privé et 500 agents publics ont été interrogés du 6 février au 14 mai 2020 explore les différentes attitudes hostiles au travail et met en lumière leurs conséquences sur les personnes discriminées et leurs parcours professionnels.
Les cas de discrimination et de harcèlement en hausse de 2% dans la fonction publique
Premier enseignement de ce baromètre, les discriminations sont aujourd’hui perçues comme un phénomène massif dans le monde du travail. En effet, 42 % des personnes actives rapportent avoir été témoins de discriminations ou de harcèlement discriminatoire au cours de leur carrière et 23 % des répondants affirment avoir personnellement subi de tels comportements dans leur environnement professionnel. Si aucune différence significative n’est observée entre agents de la fonction publique et salariés du secteur privé, la Défenseure des droits et l’OIT soulignent que cette proportion a « significativement augmenté » entre 2013 et 2020 : + 8 points pour l’ensemble de la population active et + 2 points pour la fonction publique.
Autre constat : les cas de discriminations ou de harcèlement observés sur le lieu de travail sont essentiellement fondés sur l’apparence physique (52 %), le sexe (49 %) et l’origine ethnique (47 %), même si de nombreuses autres situations (nationalité, âge avancé, activité syndicale, état de santé, handicap, orientation sexuelle, convictions religieuses, grossesse ou maternité…) peuvent également faire l’objet de préjugés et stéréotypes pouvant se traduire par des comportements hostiles.
L’enquête montre, par ailleurs, qu’une part non négligeable du panel interrogé se déclare « pas à l’aise » vis-à-vis de certains collègues du fait de leur appartenance à un groupe social particulier. Concernant les agents de la fonction publique, ils sont ainsi 12 % à affirmer ressentir une gêne en présence d’une personne transgenre, 11 % face à un collège issu de la communauté des gens du voyage, 9 % devant un agent atteint d’une maladie grave ou chronique, 4 % vis-à-vis d’une personne handicapée et 2 % en présence d’un collègue homosexuel.
74 % des actes discriminatoires subis « au quotidien »
Concernant les situations de discrimination ou de harcèlement discriminatoire au travail, ce sont les comportements subis « au quotidien » qui sont les plus nombreux à être cités ; 74 % des actifs affirmant en avoir été victimes. Ils sont 56 % à constater que de tels agissements ont impacté l’évolution de leur carrière et 46 % à considérer que leur rémunération en a été affectée. À noter que 24 % des personnes sondées estiment avoir été discriminées dans le cadre de l’accès à l’emploi, lors du recrutement ou à l’occasion d’un concours de la fonction publique.
Si plus des trois quarts de la population active ayant été confrontés à une discrimination déclarent avoir entrepris des démarches à la suite d’agissements ou de comportements stigmatisants, les agents de la fonction publique sont plus nombreux à se tourner vers leur direction ou leur hiérarchie (63 % contre 50 % des salariés du secteur privé) ou vers une organisation syndicale (49 % contre 32 % dans le privé). Longtemps marginaux, le recours à un spécialiste du droit et l’engagement de procédures contentieuses semblent désormais plus courants à la suite de discriminations professionnelles. En 2020, 22 % des agents publics se sont adressés à un avocat, 15 % ont entamé une démarche auprès d’une instance compétente et 12 % ont saisi l’inspection du travail.
En conclusion de leur enquête, la Défenseure des droits et l’Organisation internationale du travail appellent à une mobilisation du secteur privé et de la sphère publique pour freiner la montée des pratiques discriminatoires dans le monde du travail. « Ces résultats viennent plus que jamais conforter l’importance pour les entreprises et les administrations de s’engager pleinement dans la lutte contre les discriminations, prenant en considération à la fois la multiplicité des comportements hostiles au travail, leur dimension systémique et les situations particulières de certains groupes qui y sont surexposés », soulignent les deux institutions.
Emmanuelle Quémard
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