Les difficultés de logement des agents pèsent sur l'attractivité des emplois publics
Par Emmanuelle Quémard
Si le niveau de rémunération des agents publics constitue la cause la plus fréquemment citée pour expliquer le déficit d’attractivité de la fonction publique, les difficultés d’accès au logement s’avèrent être également un frein au recrutement de nouveaux talents. C’est, en substance, un des constats sur lequel s’appuie le groupe de réflexion « Le sens du service public » , dans une note publiée en janvier, pour formuler un certain nombre de propositions.
Partant du constat que les trois versants de la fonction publique éprouvent de plus en plus de difficultés pour attirer des compétences nouvelles et régénérer leurs effectifs, le think tank note que cette crise d’attractivité touche désormais un nombre croissant de métiers et fragilise l’action publique dans la plupart des territoires. Selon « Le sens du service public » , le niveau insuffisant de rémunération des agents, généralement invoqué pour expliquer le déficit de candidats, ne suffit plus pour expliquer l’ampleur du phénomène. « La difficulté des agents publics à trouver un logement joue également un rôle central dans cette crise », observe Johan Theuret, directeur général adjoint Ville de Rennes et Rennes Métropole et membre fondateur du think tank.
Il apparait, en effet que, comme l’ensemble des Français, les agents publics doivent faire face à d’importantes difficultés pour se loger à un prix acceptable et à une distance raisonnable de leur lieu de travail. Ceci dans un contexte général de dégradation du pouvoir d’achat. Selon les chiffres de l’Insee cités par le groupe de réflexion, la part des dépenses liées au logement dans la consommation finale des ménages est passée de 20,1 % en 1990 à 26,7 % en 2022 après voir atteint le pic de 28,4 % en 2020. Elle peut même représenter aujourd’hui jusqu’à 40 % du revenu des ménages dans certaines zones tendues.
L’accès au logement, un élément de concurrence favorable au privé
« Dans de nombreux territoires, la hausse continue des prix du logement et la pénurie de logements constituent des obstacles indépassables au recrutement d’agents publics, notamment dans les métropoles et zones urbanisées à forte attractivité » , souligne, dans sa note, « Le sens du service public ».
Une situation qui conduit une importante proportion d’agents à s’éloigner du lieu d’exercice professionnel pour trouver un logement en adéquation avec un pouvoir d’achat très contraint. Un éloignement qui va non seulement à l’encontre des objectifs de la transition écologique -avec notamment une hausse des temps et des coûts de transport individuels et collectifs- mais qui engendre de surcroit de la fatigue physique et psychique, renforçant ainsi l’usure professionnelle au sein des organisations publiques. Pour le collectif animé par Johan Theuret, ce sont les agents de catégorie C qui sont le plus impactés par ce phénomène d’éloignement et éprouvent les plus grandes difficultés à venir travailler dans le secteur public en milieu urbain.
Accroître les marges de manœuvre des employeurs publics
Autre point relevé par le think tank : les agents des trois versants de la fonction publique ne bénéficient pas pour se loger des mêmes leviers que les salariés des entreprises privées. Est cité notamment le dispositif Action logement qui concerne exclusivement le secteur privé et constitue aujourd’hui un élément jouant au désavantage des agents publics dans un contexte de concurrence sur certains métiers en tension. « Ce handicap pourrait se creuser encore davantage à l’heure où des entreprises privées envisagent même d’aller encore plus loin dans la participation à l’effort de logement de leurs salariés » , selon le groupe de réflexion.
Dans ce contexte, « Le sens du service public » estime que les employeurs publics devraient pouvoir agir plus facilement sur le logement des agents car l’habitat constitue « un facteur déterminant en matière d’attractivité et de fidélisation des agents publics ». Il observe d’ailleurs qu’un certain nombre de collectivités et d’établissements publics ont d’ores et déjà misé sur le logement des agents pour en faire « un levier au bénéfice de la continuité du service public » . Une démarche qui a permis à plusieurs entités publiques de « se lancer dans la valorisation de leurs patrimoines, ou dans la valorisation d’actions partenariales en matière de soutien au logement des agents publics, mais aussi de mettre en place des offres de services dédiées ».
Le groupe de réflexion formule ainsi plusieurs propositions susceptibles de répondre à la fois aux besoins des agents et à l’intérêt des employeurs publics. Parmi ces préconisations, l’idée de la participation obligatoire de l’employeur à l’effort de logement des agents publics, à l’image de ce qui se fait en matière de santé et de prévoyance. Sur ce sujet, trois chantiers pourraient être lancés : l’activation des filières d’accès au logement social, l’attribution d’un chèque « logement » ou encore la contribution des employeurs à des outils de financement et à la production de logements.
D’autres pistes sont également évoquées : la révision de l’indemnité de résidence allouée aux agents en actualisant notamment son mode de calcul, son niveau et son zonage ; l’introduction de « critères d’exemplarité » (en fixant notamment des objectifs écologiques et de préservation de l’équilibre entre vie personnelle et vie professionnelle) dans les politiques de logement en faveur des agents publics ou encore la constitution d’une offre de logement temporaire et de logement d’urgence afin de « garantir aux agents en mutation ou en changement de situation de famille de pouvoir être logés dignement et de ne pas peser sur la continuité de service ».
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