Les députés ont adopté la mise en place de la consigne en 2023
Comme prévu, le débat sur la mise en place de la consigne a eu lieu hier à l’Assemblée nationale. Et comme prévu, il a été particulièrement virulent. Au final, l’amendement gouvernemental – pourtant rejeté par les associations d’élus unanimes et non conforme aux engagements pris, il y a à peine un mois, par le chef de l’État – a été adopté à une large majorité.
Le gouvernement et la majorité s’étaient donnés les moyens de ne prendre aucun risque : deux ministres (Élisabeth Borne et Brune Poirson) étaient présentes dans l’hémicycle pour défendre cet amendement – ce qui est inhabituel. Et la majorité avait battu le rappel pour être certaine que ses députés soient suffisamment nombreux. Comme l’a constaté avec amertume un député de l’opposition, dès l’amendement gouvernemental voté, les députés LaREM ont quitté « en masse » l’hémicycle, « ce qui démontre que le projet de loi relatif à l’économie circulaire se résume en réalité à un projet de loi relatif à la consigne ».
« Péché originel »
Rappelons que l’amendement du gouvernement (lire Maire info d’hier) fixe un principe : si les objectifs de réduction de mise sur le marché d’emballages plastique ne sont pas en passe d’être tenus, « le gouvernement définit en 2023 les modalités de mise en œuvre d’un ou plusieurs dispositifs de consigne pour recyclage ou réemploi ». Dans un communiqué commun, les principales associations d’élus communaux, ainsi qu’Amorce et le Cercle national du recyclage, avaient demandé aux députés de rejeter cet amendement afin de faire respecter la parole donnée par Emmanuel Macron et Édouard Philippe au congrès des maires – « rien ne sera fait sans l'accord des maires », avait affirmé le chef de l'État.
D’innombrables sous-amendements ont été déposés par l’opposition pour tenter de faire prévaloir ce point de vue, et les paroles du chef de l’État et du Premier ministre ont été rappelées par de nombreux députés. « L’amendement du gouvernement contraste singulièrement avec l’engagement qu’a pris le président de la République devant les maires de France en leur assurant que rien ne se ferait sans leur accord », a par exemple plaidé Vincent Descoeur (LR, Cantal), en proposant de remplacer, dans l’amendement du gouvernement, l’expression « le gouvernement définit » par « le gouvernement peut définir ». Sophie Auconie (UDI, Indre-et-Loire) a proposé de « rendre l’accord des collectivités territoriales nécessaire au déploiement de tout dispositif de consigne ».
Plusieurs députés sont revenus sur le fond de la question – l’efficacité de la consigne et les coûts pour les collectivités. Christine Pires Beaune (PS, Puy-de-Dôme) a pris l’exemple d’un syndicat pour le traitement des déchets de sa région : « Renoncer aux recettes que lui procure la valorisation du plastique, ce serait pour lui 2,5 millions d’euros de manque à gagner. » Pierre Vatin (LR, Oise) a longuement développé ses arguments contre la consigne, « triple peine pour le consommateur, le citoyen et le contribuable. » Avec un argument qui paraît de bon sens : « Vous souhaitez supprimer le plastique à l’horizon 2040. Pourquoi créer aujourd’hui une consigne pour une dizaine d’années alors que les collectivités territoriales ont consenti des efforts incroyables depuis trente ans ? » « La consigne affaiblira les finances des collectivités en réduisant leurs gisements », a plaidé un autre député, dénonçant le « péché originel » de la consigne : « pérenniser les solutions centrées sur les matières plastiques au lieu d’en réduire l’usage ».
« Lobbies », le retour
Le débat a donné lieu à des batailles de chiffres et d’arguments irréconciliables. Tel député de la majorité a dénoncé les « 200 millions de bouteilles plastique qui finissent dans la nature », tandis que tel autre en décompte, en France, « 7 milliards » ! L’opposition a estimé – comme le disent les associations d’élus – que la consigne représenterait un manque à gagner de « plusieurs centaines de millions d’euros » pour les collectivités, quand la majorité parle d’un « gain de 100 millions d’euros » pour celles-ci (Stéphanie Kerbarh, députée LaREM de la Seine-Maritime).
Le ton est également monté dans l’hémicycle sur la question des « lobbies ». D’un côté, plusieurs députés ont accusé le gouvernement d’écrire « sous la dictée de Coca-Cola, Danone et Nestlé ». De l’autre, le gouvernement, par la voix d’Élisabeth Borne, a aussi parlé de « lobbies » qui seraient à l’œuvre pour empêcher la consigne, évoquant directement le communiqué publié avant-hier par les associations. « Je comprends les angoisses, a également indiqué Brune Poirson, mais croyez-moi, elles ont été fortement manipulées par des lobbies ». Ces propos ont scandalisé une bonne partie de l’hémicycle, à gauche comme à droite. « Je ne savais pas que vous considériez l’Association des maires de France comme un lobby ! », s’est indigné Damien Abad (LR, Ain). « Entre la défense de leurs positions par des associations d’élus, ou bien par de grands groupes, mon choix est vite fait. Je préfère les premières, parce que les associations d’élus ne défendent qu’une seule chose : l’intérêt général ! », a rappelé Christine Pires Beaune.
Élisabeth Borne a tenu à clarifier ses propos : « Jamais je ne me permettrai de dire que les associations de collectivités sont des lobbies. Depuis deux ans et demi, j’ai montré que je travaillais avec les collectivités, et avec toutes leurs associations. » Mais elle a dénoncé le fait que parmi les signataires du communiqué « ne figurent pas que des collectivités », évoquant Amorce et le Cercle national du recyclage, et accusant ces structures « d’avoir contribué à brouiller le débat ».
Après plus de 2 h 30 de débat, tous les amendements de l’opposition visant à assujettir la mise en place de la consigne à l’accord exprès des collectivités ont été rejetés. L’amendement gouvernemental a été adopté par 100 voix pour et 59 contre.
Franck Lemarc
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