Les commerces non alimentaires demandent à pouvoir revenir sur les marchés et dénoncent une situation « catastrophique »
Par Franck Lemarc
« Seuls les commerces alimentaires ou proposant la vente de plantes, fleurs, graines, engrais, semences et plants d'espèces fruitières ou légumières sont autorisés dans les marchés ouverts ou couverts. » Cette disposition du décret du 2 avril 2021 est tombée comme « un couperet » pour les professionnels, qui ne s’y attendaient absolument pas. En effet, souligne Monique Rubin, présidente de la Fédération des marchés de France (FMF), lorsque les 16, puis les 19 premiers départements ont été soumis à des « mesures de freinage renforcées », « nous avions obtenu que les marchés seraient ouverts à tous, qu’il s’agisse de produits alimentaires ou de produits manufacturés ». Et en annonçant l’extension de ces mesures à l’ensemble du territoire, le 31 mars, le président de la République avait déclaré que les mesures en vigueur dans les 19 départements seraient calquées à l’identique dans tout le pays.
Situation « catastrophique »
La surprise a donc été particulièrement mauvaise pour les quelque 40 000 à 45 000 entreprises qui exploitent des étals non alimentaires sur les marchés. D’autant que la décision fait suite à une année très difficile : on se rappelle que lors du premier confinement, ce sont, dans un premier temps, tous les marchés qui ont été fermés. Lors du deuxième confinement, seuls les étals alimentaires ont pu ouvrir. « Au moment des fêtes, tous les marchés festifs et marchés de Noël ont été fermés », rappelle aussi Monique Rubin. La situation devient donc « catastrophique » pour les entreprises concernées, qui sont dans leur grande majorité de très petite taille, et n’ont droit qu’à des aides « dérisoires » : « Certains commerçant touchent 100 ou 200 euros d’aides par mois, comment voulez-vous qu’ils nourrissent leur famille avec ça ? », s’indigne la présidente de la FMF.
Inégalité de traitement
Ce qui choque encore plus les commerçants, c’est que nombre de supermarchés continuent, eux, de vendre des produits manufacturés que l’on ne peut plus trouver sur les marchés : « Vêtements, chaussures, bazar, équipement de la personne… », énumère Monique Rubin, tous ces produits sont bien présents dans les rayons de certaines enseignes « alors que les marchés non alimentaires et les commerces de proximité sont fermés ». Des interdictions ont certes été prononcées, mais « elles ne sont pas respectées » et les contrevenants pas sanctionnés. La Fédération demande donc, à tout le moins, que « les préfets agissent pour que l’interdiction de vente de ces produits soit respectée partout ». Cette « inégalité de traitement » est extrêmement mal ressentie par les commerçants, souligne la fédération qui affirme que « la colère s’organise » et estime qu’elle pourrait conduire « à des réactions et des débordements ».
« Il faut bien comprendre que nous avons des gens qui sont en train de tomber dans la misère », avertit Monique Rubin, « parce que cela fait un an que leur trésorerie est exsangue. Il n’y a eu aucune exonération de charges sociales, seulement des reports, pour l’Urssaf. Mais comment va-t-on faire lorsqu’il va falloir payer ? ».
« S’organiser avec les maires »
Plus largement, la fédération ne « comprend pas » cette mesure, en particulier le fait qu’elle touche tout le territoire, « aussi bien les très grands marchés populaires de la région parisienne que les petits marchés dans les villages ». La présidente de la FMF rappelle que dans les communes rurales, « il peut y avoir cinq étals de produits non alimentaires en tout et pour tout, pour une vingtaine d’étals alimentaires. Qu’est-ce que cela change que ces gens ne puissent pas travailler ? » Depuis un an, pourtant, les commerçants ont pourtant « appris à s’organiser, à tenir compte des protocoles. Nous pourrions parfaitement nous organiser avec les maires pour assurer la sécurité, il y a de nombreuses possibilités pour cela, alterner, agrandir les périmètres. Les maires savent le faire et nous aussi. »
Ces revendications rejoignent la volonté affichée de façon constante par l’AMF, depuis des mois, de « territorialisation » des mesures. Le maire de Sceaux, Philippe Laurent, au nom de l’association Centres villes en mouvement qui milite depuis l’automne pour qu’une stricte égalité de traitement soit appliquée entre la grande distribution et les marchés, « pour ne pas ruiner les efforts des maires en faveur du renouveau des centres-villes », a d’ailleurs relayé les demandes de la FMF et signé la pétition que la fédération a lancée sur le site change.org. Cette pétition réclame au Premier ministre « l’accueil de tous les commerçants sur les marchés de plein vent ».
Mais cela ne semble, visiblement, pas à l’ordre du jour : sur le compte Facebook de la FMF, le ministre chargé des PME, Alain Griset, a posté hier le message suivant : « Je partage ardemment votre souhait que la réouverture intervienne rapidement mais le président de la République a rappelé hier à juste titre qu’elle n’aurait lieu que lorsque la situation sanitaire se sera sensiblement améliorée. D’ici là, vous pouvez compter sur ma totale mobilisation et celles des équipes de Bercy, au soutien des professionnels des marchés de France. »
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