Les collectivités territoriales face à l'évolution des pratiques sportives
Par Lucile Bonnin
C’est un travail de taille qui a été mené par le Centre de droit et d'économie du sport de Limoges (CDES) et piloté par l'Agence nationale du sport (ANS) et l'Association nationale des élus du sport (Andes). Entre novembre 2021 et avril 2022, plus d'un millier de questionnaires ont été remplis, une vingtaine d'entretiens ont été effectués et trois tables rondes avec l'ensemble des acteurs du sport se sont tenues.
Lundi dernier, les résultats de ces recherches ont été publiés et présentés dans « l’étude nationale sur les besoins et les attentes des acteurs du sport », un document de 127 pages, riche d’enseignements concernant l’état du sport actuel et les défis que les acteurs du sport devront relever à l’avenir.
Les collectivités territoriales témoignent de cette nécessité de repenser la place du sport dans la société. L’intérêt de cette étude : « S'accorder sur les enjeux auxquels le sport est confronté et (…) comprendre les attentes et les besoins des acteurs du sport avec l’ambition d'orienter les décisions de politique sportive au cours des prochaines années ainsi que de faire émerger une ambition commune et partagée par l’ensemble des acteurs. »
Les priorités des collectivités en matière de sport
25 % des réponses obtenues via les questionnaires viennent de collectivités qui sont à 94 % des communes, métropoles ou intercommunalités. En terme de difficultés, il est rapporté dans l’étude que les collectivités souffrent particulièrement d’un manque de moyens financiers (38 %), d’une pénurie d’équipements sportifs (17 %) et d’une carence en bénévoles (14 %).
Les infrastructures sont souvent jugées comme vieillissantes, de moins en moins adaptées aux attentes (à la fois celles des clubs et celles des pratiquants) et peu (voire pas du tout) conformes aux normes environnementales. « Alors que la création, la rénovation ou l’entretien des équipements nécessitent des financements très importants, la contrainte budgétaire subie par les collectivités limite leur action en raison des arbitrages à réaliser entre investissement et aides au fonctionnement (attribution de subventions) » , peut-on lire dans l’étude.
Pour les cinq prochaines années, les collectivités déclarent avoir pour priorité l’aménagement du territoire au travers d’équipements sportifs (37 %), l’organisation d’évènements sportifs (9 %) et le développement des savoirs fondamentaux comme le savoir-rouler ou savoir-nager. Mais la priorité partagée par tous les acteurs interrogés (État, mouvements sportifs, acteurs économiques) est « la conquête et/ou la fidélisation de nouveaux publics » (45 %).
Interrogées également sur « les priorités pour la gouvernance collégiale du sport pour les 5 à 10 prochaines années » , les collectivités ont manifesté un grand besoin de construction et de rénovation pour les infrastructures. Elles souhaitent aussi avant tout garantir l’accès de tous les publics au sport et veulent encourager le bénévolat, l’engagement local.
Une pratique sportive qui évolue dans les territoires
La crise sanitaire a en effet également bouleversé le champ sportif : 42 % des collectivités répondantes identifient « les changements de comportements et de modes de vie » comme un futur défi, tout comme les mutations démographique (vieillissement, sédentarité) et le creusement de la fracture sociale. L’étude insiste sur le fait que « le modèle sportif traditionnel est soumis à de profondes mutations qui entraînent de nouveaux besoins de compétences. »
À travers les entretiens, « les représentants des collectivités font un constat similaire à celui des autres collèges : la crise a accéléré un certain nombre de changements de comportements, déjà visibles avant la pandémie. Beaucoup de responsables territoriaux ont connu pendant cette période une augmentation des sollicitations pour de la pratique autonome, les conduisant à mener des réflexions quant à l’avenir des pratiques et notamment celles organisées en dehors du mouvement sportif fédéral. Au regard de l’autonomisation des pratiques, les collectivités territoriales se sentent dans l’obligation de mettre en place des politiques d’accompagnement. »
Ainsi, il est envisagé une nouvelle approche de la pratique sportive avec par exemple l’ouverture d’espaces avec des créneaux plus flexibles. Cette approche rappelle l’une des propositions formulées par Karl Olive dans son rapport : « Garantir l’ouverture des gymnases communaux ainsi que des équipements sportifs disposés dans les écoles QPV jusqu’à 23 heures et accessibles les week-ends en construisant un projet qui s’appuie sur les centres sociaux, MJC et d’autres fédérations à vocation sociale » (lire Maire info du 24 février).
L’adaptation du parc d’équipements est aussi un véritable sujet. D’autres acteurs interrogés suggèrent « la nécessité d’une professionnalisation accrue de l’écosystème associatif et la montée en compétences des différents profils au sein des clubs » pour répondre à la diversification de la demande.
L’AMF avait été auditionnée sur ces questions de la place du sport dans la société, des équipements vieillissants et de l’évolution des pratiques sportives. David Lazarus, co-président du groupe de travail Sports à l’AMF, avait notamment souligné les difficultés relevées dans le rapport et revendiqué la nécessité de mettre en place un plan pluriannuel de soutien et d’accompagnement des collectivités territoriales pour le renouvellement et le développement des équipements sportifs.
Une gouvernance questionnée localement
L’étude montre enfin que les collectivités territoriales interrogées ne sont pas unanimes face à la nouvelle gouvernance du sport. Des réticences ont été rapportées concernant l’efficacité de l’organisation, précisant que « le manque d’ambition de l’État d’un point de vue financier n’offre pas la possibilité de mettre en place des politiques publiques suffisantes au niveau local. »
Il est notamment ici fait référence aux conférences régionales du sport (CRdS) qui sont perçues comme « inégales » sur le territoire*. Plusieurs collectivités « soulèvent que l’enjeu de proximité n’est pas atteint avec ces nouvelles instances régionales, l’échelon régional n’étant pas suffisamment proche du local pour être efficace. La création d’un échelon intermédiaire est recommandée, avec une préférence affichée pour l’intercommunalité. La nouvelle gouvernance du sport est donc saluée pour le cadre de la concertation qu’elle permet, toutefois beaucoup d’attentes sont perçues au niveau des acteurs locaux notamment vis-à-vis de l’opérationnalité de ces instances régionales. »
L'étude se termine enfin sur trois recommandations pour faire face à la fois aux changements de mode de vie, aux problématiques de santé publique, aux inégalités croissantes, à la digitalisation de la société et à l’urgence climatique : la stratégie d’adaptation, de transition et de transformation. L’étude préconise alors que la future politique sportive reconnaisse le rôle social du sport qui doit aussi « s'imposer comme élément incontournable dans le quotidien de la population » et réformer le modèle sportif pour une approche plus collective et une meilleure coordination des acteurs.
* 12 conférences ont été installées en métropole depuis le 20 janvier 2021.
Télécharger la synthèse de l'étude.
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