Les collectivités peuvent accorder des subventions aux associations humanitaires sous certaines conditions
Par Lucile Bonnin
Il y a un an, « un collectif d’une centaine d’élus » signait une tribune publiée dans Le Monde affichant une prise de position concernant la gestion des flux migratoires en Europe (lire Maire info du 10 mai 2023). Parmi les signataires, la majorité sont des maires, d’autres sont présidents de départements et de régions. À travers la publication de cette tribune, ces élus soutenaient publiquement les actions menées par SOS Méditerranée. Créée en 2015, cette association civile européenne de sauvetage en mer « a vocation à porter assistance, sans aucune discrimination et à traiter avec dignité, toute personne en détresse en mer, dans le respect du droit maritime international ».
Cette tribune a été publiée dans un contexte particulier. Depuis plus d’un an maintenant, les subventions des communes à l’association SOS Méditerranée sont remises en cause devant la justice administrative. Par exemple, la cour administrative d'appel de Paris a estimé que la Ville de Paris a pris parti dans un conflit international en accordant une subvention à SOS Méditerranée et a donc annulé une subvention de 100 000 euros à l’association en mars 2023. Les élus signataires de la tribune rappellent que ces subventions accordées à l'association ne traduisent pas une volonté des collectivités de « prendre parti » dans un conflit international, mais davantage un engagement pour sauver des vies de personnes en danger.
C’est finalement ce lundi que le Conseil d’État a tranché sur l’octroi de subventions par les collectivités à cette association d'aide au sauvetage en mer des migrants. A travers la publication de trois décisions concernant la ville de Paris, la ville de Montpellier et le département de l’Hérault, le juge rappelle que la loi permet aux collectivités territoriales de soutenir toute action internationale d’aide humanitaire en respectant certaines conditions.
Rappel de la loi
Le Conseil d’État est clair : la loi permet bel et bien aux collectivités territoriales de soutenir toute action internationale à caractère humanitaire, « sans que cette action n’ait à répondre à un intérêt public local, à s’inscrire dans les autres domaines de compétences des collectivités territoriales ou à impliquer une autorité locale étrangère ».
Ainsi, « le Conseil d’État juge que l’activité de sauvetage en mer de SOS Méditerranée est bien une action internationale à caractère humanitaire, et non une action de nature politique. Il relève qu’elle est menée en conformité avec les principes du droit maritime international, qui prévoient l’obligation de secourir les personnes se trouvant en détresse en mer, et de les débarquer dans un lieu sûr dans un délai raisonnable, quelle que soit leur nationalité ou leur statut, et juge qu’elle n’est pas contraire aux engagements internationaux de la France ».
Par ailleurs, l’action humanitaire qui fait l’objet d’une aide financière doit respecter les engagements internationaux de la France, ne pas interférer avec la conduite par l’État des relations internationales du pays et ne pas conduire une collectivité à prendre parti dans un conflit politique.
Garde-fous
Cependant, seules deux subventions sur les trois ont été jugées « conformes à l’ensemble des conditions de fond et de forme exigées par la loi » ; l’occasion pour le Conseil d’État de rappeler qu’il existe des garde-fous nécessaires à l’octroi de ces aides.
Le Conseil d’État indique que la subvention de 100 000 euros accordée par la Ville de Paris est « suffisamment encadrée » . L’aide est en effet « exclusivement destinée à financer l’affrètement d’un nouveau navire en vue de permettre à l’association de reprendre ses activités de secours en mer et que la convention conclue avec SOS Méditerranée prévoit que l’utilisation de la subvention à d’autres fins que l’activité de sauvetage en mer entraîne la restitution de tout ou partie des sommes déjà versées et que la Ville de Paris peut effectuer des contrôles, y compris sur pièces et sur place, pour s’assurer du respect de ces obligations » . Suivant la même logique, « le Conseil d’État a rejeté le recours contre la subvention de 20 000 euros du département de l’Hérault accordée à SOS Méditerranée ».
Mais la subvention accordée à SOS Méditerranée par Montpellier a été annulée par la haute juridiction administrative. Pourquoi ? Car elle a été jugée « insuffisamment ciblée » . En effet, « aucun élément ne permet d’établir que la commune se serait assurée que son aide serait exclusivement destinée au financement de l’action internationale humanitaire qu’elle entendait soutenir. En effet, la délibération du conseil municipal ne précise pas la destination de cette subvention et la convention signée avec l’association indique qu’elle a été sollicitée pour le fonctionnement de l’association, sans plus de précisions ».
Flécher l’usage de la subvention notamment dans la convention établie entre l’association et la collectivité apparaît donc indispensable. La convention doit donc directement cibler une action humanitaire précise et doit pouvoir permettre un contrôle de la collectivité afin de s’assurer que ce financement ne soit pas motivé par des idéologies politiques.
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