Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux

Édition du mercredi 15 juin 2022
Élections

Législatives : le RN en tête dans près de la moitié des communes

La publication des données complètes du premier tour des élections législatives, commune par commune, permet d'analyser plus finement les résultats et de mesurer l'ancrage des différentes tendances à l'échelle communale. 

Par Franck Lemarc

Le vainqueur de ce premier tour reste encore, à ce jour, quelque peu incertain, dans la mesure où les difficultés de nuançage des candidats provoquent des batailles de chiffres entre le ministère de l’Intérieur et les partis. Officiellement, selon les chiffres de la place Beauvau, c’est bien la coalition Ensemble (majorité présidentielle) qui l’emporte d’une courte tête, avec 21 000 voix d’avance sur la Nupes (coalition de gauche) : Ensemble a recueilli 5 857 364 voix, soit 25,75% des suffrages exprimés. Selon le ministère toujours, la Nupes a recueilli 5 836 079 voix, soit 25,66 %. 

Ces chiffres sont contestés par la Nupes, qui estime que plusieurs de ses candidats n’ont pas été enregistrés sous l’étiquette Nupes et sont donc comptabilisés « divers gauche »  par le ministère, ce qui fait mécaniquement baisser le score de la coalition. Selon les comptes réalisés par certains médias, dont Le Monde, en tenant compte de ces étiquettes, c’est bien la Nupes qui a viré en tête au soir du premier tour, avec 26,11 % des suffrages contre 25,88 % pour Ensemble. 

10 points de moins d’abstention dans les petites communes

Quoi qu’il en soit, il reste toujours intéressant de regarder les résultats non à l’échelle des seules circonscriptions législatives, mais à celle des communes. 

Sur l’abstention tout d’abord. Il apparaît, exactement comme lors de la présidentielle, que les plus forts taux d’abstention sont constatés dans les collectivités ultra-marines : sur les 100 communes qui se sont le plus abstenues au premier tour, 8 seulement sont en métropole, les 92 autres étant en Martinique, Guadeloupe, Guyane ou à La Réunion. C’est Macouba, en Martinique, qui a connu le plus fort taux d’abstention (89,9 %). Les 10 communes françaises qui ont un taux d’abstention supérieur à 80 % sont toutes situées aux Antilles (sauf une, en Nouvelle-Calédonie). 

Le critère social, déjà très visible lors de l’élection présidentielle, est toujours bien présent : parmi les 8 villes métropolitaines appartenant aux 100 villes les plus abstentionnistes, on ne trouve que des communes dont la population est très défavorisée, comme Villetaneuse en Seine-Saint-Denis (71,47 % d’abstention), Sarcelles dans le Val-d’Oise (73,69 %), Roubaix dans le Nord (72,25 %) ou Vaulx-en-Velin dans le Rhône (72,15 %). 

À l’autre extrémité du spectre, dix communes ont compté 100 % de votants – il ne s’agit naturellement que de très petites communes, la plus grande comptant 34 inscrits. Les 100 communes où le taux d’abstention est le plus faible sont d’ailleurs toutes de petites communes (la plus grande, Belgodère en Haute-Corse, compte 556 inscrits). 

Il apparaît comme toujours que l’on vote nettement plus dans les petites communes rurales que dans les villes et a fortiori dans les grandes villes. Dans les communes comptant moins de 500 inscrits, le taux d’abstention moyen est de 43 % ; dans celles comptant moins de 1000 habitants, de 44 %. À l’inverse, le taux moyen d’abstention est de 51 % dans les communes de plus 50 000 habitants, et de 54 % dans l’ensemble des communes de plus de 20 000 habitants. Il y a donc un différentiel d’une dizaine de points de participation entre villes et villages. 

Le RN de plus en plus ancré dans les territoires ruraux

Politiquement, l’analyse des résultats par communes confirme l’ancrage du Rassemblement national dans le pays. On savait déjà que le RN, qui jusqu’à présent a réalisé des scores plutôt modestes aux élections législatives, a réussi cette fois une percée notable, en améliorant nettement son score en voix et en pourcentage par rapport aux législatives de 2017 : le parti de Marine Le Pen est passé en cinq ans de 2,99 millions de voix à 4,24 millions, avec une abstention supérieure, ce qui se traduira mécaniquement, dimanche prochain, par un nombre de députés plus important que jamais. 

Le RN est arrivé en tête dans 108 circonscriptions et s’est qualifié pour le second tour dans 208 (près du double de 2017). Le vote RN se répand en dehors des « fiefs »  traditionnels du parti : il est aujourd’hui présent au second tour dans la totalité des circonscriptions de 18 départements (contre 4 en 2017), y compris dans des départements naguère ancrés à gauche comme le Lot-et-Garonne ou le Tarn-et-Garonne. 

Ces résultats se retrouvent au niveau communal : c’est bien le parti de Marine Le Pen qui, comme aux présidentielles, arrive en tête dans le plus grand nombre de communes : environ 14 000 communes ont placé un candidat du parti de Marine Le Pen en tête du premier tour, loin devant la Nupes (environ 9 700 communes), Ensemble (environ 5 800) et Les Républicains (environ 3 100). Des candidats divers gauche (hors Nupes donc) sont arrivés en tête dans un millier de communes environ, divers droite dans environ 460 et UDI dans une centaine. Des candidats régionalistes l’ont emporté dans quelque 360 communes, essentiellement dans les outre-mer. 

Il se confirme également, comme lors de la présidentielle, que l’ancrage du RN est profond dans les communes rurales. Si le parti d’extrême droite est, certes, arrivé en tête dans 26 villes de plus de 20 000 inscrits (dont Toulon, Nice, Calais, Dunkerque, Perpignan, Narbonne…), il est premier dans plus de 11 000 communes de moins de 1000 inscrits. La majorité présidentielle, dans cette tranche, ne l’emporte que dans environ 4 000 communes, tout comme la Nupes. 

Cette tendance se retrouve clairement si l’on calcule le nombre moyen d’inscrits dans les communes ayant mis en tête telle ou telle tendance : dans les communes ayant placé en tête un candidat RN, le nombre moyen d’inscrits est de 858 habitants ; contre 1 640 pour Ensemble et 2 093 pour la Nupes. 

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