Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux
Édition du mardi 25 juin 2024
Élections

Législatives : ce que les principaux candidats proposent pour les collectivités territoriales

À cinq jour du premier tour des élections législatives anticipées, on dispose enfin du programme des trois principaux blocs qui se présentent aux suffrages des électeurs. Si la question des collectivités n'est pas au cœur de ces programmes, les élus peuvent néanmoins retenir quelques points saillants. 

Par Franck Lemarc

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Le caractère inattendu de la dissolution et la rapidité avec laquelle les appareils ont dû réagir expliquent, d’une part le caractère tardif de la parution de certains programmes et, d’autre part, leur brièveté. Douze pages pour les programmes du parti présidentiel et du Rassemblement national, 24 pour le Nouveau Front populaire… Les candidats n’ont pu que donner de grandes orientations, loin des programmes complets, précis et chiffrés élaborés en 2022. 

Nous n’avons choisi de retenir ici que les mesures qui concernent directement les collectivités territoriales.On peut noter, à propos des trois programmes, qu'ils sont fortement axés sur la question du pouvoir d'achat, y compris des fonctionnaires, ce qui sera forcément, quel que soit le vainqueur, un sujet de discussion entre le nouveau gouvernement et les associations d'élus. 

Le Nouveau Front populaire

La coalition des partis de gauche (essentiellement le PS, le PCF, Les Écologistes et la France insoumise) présente un « contrat de législature »  articulé en trois étapes : « la rupture », soit les 15 premiers jours du mandat, « l’été des bifurcations »  (100 premiers jours), et « les transformations »  (la suite du mandat). 

Dans les mesures qui seraient prises dès les 15 premiers jours, on retiendra « la hausse de 10 % du point d’indice des fonctionnaires ». Point évidemment important : le NFP précise que cette mesure serait « intégralement compensée pour les collectivités territoriales ». Cette mesure serait donc indolore pour les employeurs territoriaux. Elle représenterait en revanche un coût important pour le budget de l’État : selon nos estimations, une hausse de 10 % du point d’indice des agents territoriaux représenterait une dépense représentant entre 6,6 milliards et 6,7 milliards d’euros par an. 

Le Nouveau Front populaire propose également, dans ses mesures d’urgence, une revalorisation des APL de 10 %. 

Dès les 15 premiers jours aussi, le NFP prévoit de « faire les premiers pas pour la gratuité intégrale de l’école », avec la gratuité totale de la cantine, des fournitures, du transport et des activités périscolaires. Là encore, il est précisé dans le programme que « cette gratuité sera intégralement compensée par l’État auprès des collectivités territoriales ». Les promoteurs de ce programme ne chiffrent pas précisément cette mesure. 

Toutes ces dépenses seraient, selon le NFP, financées par de nouvelles rentrées fiscales portant sur les foyers fiscaux les plus fortunés et sur les grandes entreprises : 15 milliards d’euros sont espérés d’une « taxe sur les superprofits », 15 autres du rétablissement de l’ISF. Entre « la suppression de niches fiscales inefficaces », un « impôt sur les successions dorées », et la réforme de l’impôt sur le revenu, la gauche attend une centaine de milliards d’euros supplémentaires par an. 

Le programme est aussi fortement axé sur le « retour des services publics » : « plus personne ne doit habiter à plus de 30 mn d’un accueil physique des services publics », écrit le NFP. Il souhaite également ouvrir « 500 000 places en crèche »  et « organiser  des états généraux des quartiers populaires et des états généraux des espaces ruraux pour construire une véritable égalité territoriale, notamment dans les services publics ». 

Concernant le logement, le programme de la gauche prévoit l’abrogation de la loi Kasbarian (loi « anti-squatteurs » ), l’encadrement obligatoire des loyers dans les zones tendues, « aucune remise en cause de la loi SRU et l’aggravation des sanctions contre les communes hors-la-loi »  – sans préciser si un futur gouvernement ferait la différence entre des communes « hors-la-loi »  par choix ou pour des causes indépendantes de leur volonté. 

En matière de décentralisation, le programme est moins précis, se contentant de proposer « une décentralisation effective en renforçant la démocratie locale dans l’unité de la République ». 

Sur les transports, le NFP propose des mesures de « gratuité ciblée »  et de diminuer la TVA sur la tarification des transports en commun à 5,5 % (mesure demandée de longue date par l’AMF et le Gart). 

Une mesure plus radicale : « Aller vers la gestion 100 % publique de l’eau en régie locale », ce qui supposerait donc d’obliger les communes à rompre à terme les contrats de délégation de service public qu’elles ont conclus avec les grandes entreprises de l’eau. Le NFP est pour « la gratuité des premiers mètres cubes indispensables à la vie »  – « gratuité »  signifiant donc, puisqu’il s’agit de régies, prise en charge par les communes. 

Sur le sport enfin, la gauche propose de « développer des maisons sport-santé dans tout le pays »  et de « porter un plan de 10 000 équipements sportifs supplémentaires ». 

Une mesure, très débattue depuis qu’elle a été moquée par le président Macron, est également contenue dans le programme : « le changement d’état-civil libre et gratuit devant un officier d’état civil ». Faute de précisions supplémentaires, il est bien difficile de comprendre cette mesure, qu’Emmanuel Macron a résumée par un « changement de sexe en mairie ». 

Le Rassemblement national

Le programme du Rassemblement national – comme celui de la majorité présidentielle – est moins précis et n’évoque que peu les collectivités. 

Il est lui aussi cadencé en plusieurs phases, « le temps de l’urgence »  et « le temps des réformes ». Prudemment, le parti de Jordan Bardella suspend la mise en œuvre de certaines réformes présentes depuis longtemps dans son programme à « un audit des comptes de la Nation », dont le résultat pourrait l’amener à renoncer à certaines propositions. Cet audit sera certainement confié à la Cour des comptes, dont on connaît les positions sur les dépenses des collectivités territoriales, toujours jugées excessives. 

Dès le mois de juillet, le RN souhaite engager les négociations pour « sortir des règles européennes de fixation du prix de l’électricité », ce qui aurait forcément d’importantes répercussions sur les factures des collectivités. 

Dès juillet aussi, il entend porter un projet de loi « suspendant les allocations familiales pour les parents de mineurs criminels ou délinquants récidivistes coupables de défaillance ». Un autre texte aurait pour objectif de « réserver les aides sociales aux Français et conditionner à 5 années de travail en France l’accès aux prestations sociales non-contributives comme le RSA »  – mesure qui semble extrêmement difficile à mettre en œuvre sans changement de la Constitution. 

En matière de sécurité, outre la création de places de prison et « l’identification de lieux pouvant être reconvertis en lieux de détention de basse sécurité », le RN envisage un gros accroc à la libre administration des collectivités locales, en rendant « obligatoire »  la création d’une police municipale dans toutes les communes de plus de 10 000 habitants. Il souhaite également ouvrir le tour extérieur de la magistrature à « des anciens policiers »  et « instituer une présomption de légitime défense pour les forces de l’ordre ». 

Sur la santé, le parti de Jordan Bardella prévoit « la suppression des ARS », sans dire par quelle autorité il compte les remplacer, et matière de renforcement des hôpitaux, le transfert « d’une partie du personnel administratif vers les services opérationnels ». 

En matière d’écologie, le RN reste fidèle à sa ligne de suppression des mesures les plus drastiques prises ces dernières années : il veut ainsi renoncer à l’interdiction des ventes de véhicules thermiques en 2030, supprimer les ZFE (zones à faibles émissions), et « abroger toutes les interdictions ou obligations liées aux diagnostics de performance énergétique ». Il propose également d'imposer aux communes que les cantines utilisent 80 % de produits agricoles français d'ici 2027, ce qui ne sera pas sans conséquence sur les coûts.

Cela ne figure pas dans le programme, mais Jordan Bardella a déclaré hier en conférence de presse qu'il était favorable à « un assouplissement du ZAN », en concertation avec les associations d'élus, promettant de prendre contact à ce sujet avec « le président de l'AMF ». 

Le programme du RN prévoit également de poursuivre la baisse de la CVAE, sans spécifier comment le manque à gagner serait compensé aux collectivités. Sans autre précision, il est question de « supprimer drastiquement le millefeuille territorial pour réduire la dépense ». Que faut-il entendre par « drastiquement », et combien de niveaux de collectivités le RN souhaite-t-il supprimer ? Le programme ne le dit pas. 

On peut noter une autre réforme de type institutionnel, prévue dans le programme : « Réserver au peuple seul, par référendum, le pouvoir de modifier la Constitution ». Autrement dit, le RN veut supprimer la possibilité pour le Parlement d’approuver lui-même un projet de loi de réforme constitutionnelle, par une réunion du Congrès. 

La majorité présidentielle

Mené par le Premier ministre Gabriel Attal, le bloc « Ensemble », constitué de candidats Renaissance, MoDem, Horizons, UDI et Parti radical, joue sur « l’unité nationale », avec en introduction toutes les déclinaisons du mot « ensemble » : « La République nous appelle à nouveau à nous tenir ensemble. Progressistes, travaillistes, démocrates, républicains, ensemble. Ensemble pour le travail. Ensemble pour le pouvoir d’achat. Ensemble pour l’écologie. Ensemble pour l’autorité et les valeurs. » 

Après le pouvoir d’achat, la première préoccupation évoquée dans le projet est la santé. Ensemble propose de « libérer 20 millions de rendez-vous médicaux par an », notamment en permettant aux « pharmaciens, sages-femmes, infirmiers, opticiens et orthophonistes de réaliser une vingtaine d’actes médicaux du quotidien ». Il ne serait par exemple plus nécessaire de voir un ophtalmologiste pour se faire prescrire des lunettes.

Sur le logement, la majorité présidentielle entend « étendre la garantie des loyers », sur le modèle de la garantie Visale, et souhaite créer « un fonds de rénovation énergétique des logements des classes moyennes et populaires financé par une taxe sur les rachats d’actions ». Ce fonds permettrait notamment « d’accompagner les foyers concernés par le retrait/gonflement des argiles ». Une autre mesure pour faciliter l’accession à la propriété serait l’exonération totale de DMTO (frais de notaire) pour l’achat d’un logement jusqu’à 250 000 euros, pour les « jeunes des classes moyennes et populaires ». Cette mesure aurait pour effet de priver les communes et surtout les départements d’une ressource essentielle. Le projet n’évoque pas les éventuelles compensations, mais le cabinet du Premier ministre a indiqué à l'AMF, d'après nos informations, que cette mesure serait bien compensée aux collectivités concernées. 

Les départements seront aussi très concernés par cette mesure cette fois écrite noir sur blanc dans le programme : la renationalisation de l’Aide sociale à l’enfance (ASE), qui redeviendrait « une compétence de l’État ». Pour mémoire, la secrétaire d’État chargée de l’Enfance, Charlotte Caubel, avait lancé un ballon d’essai sur  ce sujet en octobre dernier, provoquant une profonde colère de Départements de France (lire Maire info du 12 octobre). Le ballon d’essai est devenu un engagement de campagne. 

L’actuelle majorité s’engage à continuer de soutenir les dotations à l’investissement local, notamment le Fonds vert, et « ne baissera pas les dotations de fonctionnement aux collectivités locales », ce qui ne veut pas dire qu’il les augmentera. Elle prévoit l’ouverture d’une maison France services « dans chaque canton », ce qui était déjà une promesse du gouvernement en… 2021 (lire Maire info du 29 avril 2021). 

Reste la question du « millefeuille territorial ». Le projet écrit d’Ensemble est plus évasif sur ce sujet que le chef de l’État l’a été récemment. Dans le projet, il est évoqué une « simplification », « en poursuivant la déconcentration de l’État dans les territoires et en permettant aux collectivités de réaliser des économies de fonctionnement en regroupant davantage leurs compétences ». Il n’est donc pas fait mention stricto sensu, comme l’avait fait Emmanuel Macron le 12 juin, de la suppression d’un échelon de collectivités : « Il nous faudra supprimer un échelon territorial pour ramener plus de simplicité et de liberté sur le territoire », avait déclaré le chef de l’État lors d’une conférence de presse.  

Si les programmes des autres partis devaient être publiés d'ici à la fin de la semaine, Maire info en rendrait naturellement compte.

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