Le travail collaboratif, une démarche pleine de promesses et d'obstacles pour les collectivités
Par Emmanuelle Quémard
Apparu à titre expérimental dans les collectivités il y a une quinzaine d’années, le travail collaboratif bénéficie d’un a priori largement favorable parmi les acteurs publics locaux. Qu’il s’agisse des élus, des agents, des managers, des DRH ou des représentants syndicaux, tous réclament à l’unisson davantage de transversalité dans l’exercice des missions d’intérêt général ; l’objectif étant de favoriser les coopérations entre les équipes et les institutions, de booster l’inventivité des personnels et de les rendre plus autonomes.
Pourtant, la mise en œuvre de cette nouvelle modalité organisationnelle est loin d’être généralisée au sein du monde territorial. Pourquoi le travail collaboratif n’est-il pas davantage répandu ? Quels sont les freins objectifs à son développement ? En quoi la culture collaborative peut-elle être un levier efficace pour améliorer la qualité de vie au travail des agents et fluidifier les pratiques managériales des encadrants et des décideurs territoriaux ? Autant de questions auxquelles tente de répondre la 30e étude de l’Observatoire MNT social et territorial dont les résultats ont été présentés le 6 décembre lors d’un atelier des Entretiens territoriaux de Strasbourg (ETS).
Un levier pour redonner du sens au travail
Réalisé en partenariat avec l’Institut national des études territoriales (INET) et l’Association des administrateurs territoriaux de France (AATF), le document de la MNT (1) montre d’abord que le contexte actuel est particulièrement favorable à la mise en place de nouvelles pratiques professionnelles basées sur le travail collaboratif. Parmi les nombreux facteurs conjoncturels qui peuvent inciter les collectivités à adopter une démarche collaborative, l’Observatoire MNT cite notamment « l’évolution des rapports au travail et le besoin de lui redonner du sens », « le cadre juridique et institutionnel, notamment le développement de coopérations territoriales via les intercommunalités » ou encore « la recherche d’économies, de créativité et d’efficacité dans un contexte de contrainte budgétaire ».
Cependant, malgré l’adhésion de principe qu’il suscite chez les acteurs territoriaux et un cadre général propice à son développement, le travail collaboratif peine à trouver une place majeure dans les stratégies RH des collectivités. L’étude recense notamment les principaux obstacles qui freinent la généralisation des pratiques collaboratives, en soulignant que l’extrême diversité des dispositifs existants (ou à inventer) constitue la principale difficulté pour les collectivités.
Pour l’Observatoire, ces dernières sont, en effet, pénalisées par leur organisation traditionnelle essentiellement basée sur la place prépondérante occupée par les élus, par le poids de la hiérarchie administrative ou encore par le fonctionnement des services en silos. Les témoignages recueillis par la MNT indiquent, en outre, que le coût financier d’une démarche collaborative est également dissuasif pour un grand nombre d’entités territoriales. « Le bénéfice n’est pas suffisamment perceptible et matérialisable pour justifier la dépense » , souligne l’étude en notant, par ailleurs que « certains sujets ou projets ne relèvent pas du collaboratif, à l’instar des questions budgétaires, de la délégation de service public ou des réformes proprement descendantes ».
Fixer des objectifs et élaborer une stratégie propre à chaque collectivité
Pour surmonter ces difficultés, l’Observatoire MNT propose aux collectivités de préparer la mise en place d’une politique RH collaborative en travaillant en amont sur plusieurs points clés. Il s’agit d’abord de définir des objectifs précis et de construire une stratégie permettant de les atteindre. « Il n’existe aucun modèle « clé en main », est-il pointé. Le niveau d’ambition et d’intensité varie selon l’objectif donné en matière de renforcement du pouvoir d’initiative des agents, d’une part, et des moyens mobilisés en matière d’accompagnement managérial, d’autre part ».
Autre priorité : mobiliser les acteurs du service public local à tous les niveaux hiérarchiques. « Les dirigeants sont appelés à s’extraire d’une culture descendante pour partager la décision. Il ne s’agit pas de déresponsabiliser les managers. Toutefois, cela implique, pour eux, de changer de posture » , indiquent les auteurs. Ils insistent aussi sur le portage de la démarche dans la durée, sur son évaluation et sa pérennité en cas de départs (mutation ou alternance politique), des questions qui doivent être anticipées.
Enfin, cette 30e étude appelle les collectivités à réaliser des investissements humains et financiers en faveur du travail collaboratif. Plusieurs chantiers sont évoqués : l’accompagnement des ressources humaines – notamment en s’appuyant sur les centres de gestion qui développent une offre de services contribuant à mutualiser des ressources pour aider les collectivités à se transformer –, la formation des personnels à la facilitation et à l’innovation, le déploiement d’outils numériques susceptibles d’accélérer des interactions continues, ou encore l’organisation des espaces de travail en les adaptant à un fonctionnement plus hybride et agile.
Reste que le choix d’une pratique collaborative repose essentiellement sur la capacité de la collectivité territoriale à faire preuve de souplesse, d’écoute et d’adaptation à chaque étape du processus. « Le travail collaboratif est avant tout une culture et une démarche sur-mesure, humble et évolutive, insiste Laurent Besozzi, président de l’Observatoire MNT. Il n’est ni une fin en soi ni une solution prête à l’emploi ».
(1) La 30e étude de l’Observatoire MNT repose sur 28 entretiens individuels menés auprès d’un échantillon varié de 21 structures tant dans le champ des collectivités que dans ceux de l’armée et de la fonction publique hospitalière. Quatre études de cas, fondées sur des entretiens croisés au sein de collectivités territoriales, viennent compléter l’étude.
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