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Édition du vendredi 16 février 2024
Investissements

Le Sénat vote un abaissement à 5 % de la « participation minimale » des communes rurales aux investissements

Les sénateurs ont adopté hier en première lecture une proposition de loi permettant d'abaisser à 5 % le seuil d'autofinancement pour les investissements des petites communes rurales. Le gouvernement, néanmoins, ne semble guère favorable à cette disposition. 

Par Franck Lemarc

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Comment aider les petites communes à investir ? C’est pour donner une réponse à cette question que plusieurs sénateurs du centre-droit ont déposé une proposition de loi en octobre dernier, visant à l’origine à exonérer toutes les communes de moins de 2 000 habitants de l’obligation de participation minimale à un investissement dont elles ont la maitrise d’ouvrage.

Des dérogations trop peu connues et trop complexes

Rappelons l’état du droit. Le Code général des collectivités territoriales fixe la règle : toute collectivité ou groupement de collectivités maître d’ouvrage d’une opération d’investissement, en métropole, « assure une participation minimale au financement de ce projet »  (article L 1111-10 du CGCT). En règle générale, cette participation minimale est fixée à 20 %. Autrement dit, une collectivité ou un EPCI ne peut pas recevoir plus de 80 % de subventions, d’où qu’elles viennent, pour financer un investissement. 

La loi prévoit un certain nombre de dérogations (le minimum est par exemple porté à 10 % dans certains cas, et les collectivités ultramarines bénéficient d’une exonération totale). Des dérogations peuvent également être décidées ponctuellement par l’État, comme cela a été le cas après les émeutes de l’été dernier, après lesquelles le gouvernement avait décidé de supprimer totalement la participation minimale pour les travaux de réparation des dégâts de ces émeutes. 

Enfin, depuis la loi Engagement et proximité de 2019 et l’introduction d’un amendement de la sénatrice Françoise Gatel, un dispositif de dérogation est prévu, décidé cas par cas par les préfets : cette dérogation (article 82 de la loi du 27 décembre 2019) est possible pour les investissements concernant « les ponts et ouvrages d'art, ceux en matière de défense extérieure contre l'incendie et ceux concourant à la construction, à la reconstruction, à l'extension et aux réparations des centres de santé ». Le préfet peut accorder une telle dérogation s’il estime que l’importance de l’investissement est « disproportionnée par rapport à la capacité financière du maître d'ouvrage ». 

Mais les sénateurs rappellent que cette possibilité est, d’une part, trop peu connue des maires et, d’autre part, que le montage du dossier de demande de dérogation s’avère particulièrement complexe. Par ailleurs, les préfets accordent ces dérogations de manière « aléatoire ». Résultat : en 2022, seulement « une centaine »  de dérogations auraient été accordées sur un total de quelque 22 000 projets d’investissement.

Les critères resserrés 

Les sénateurs entendaient donc régler la question en introduisant dans le CGCT une dérogation permanente pour toutes les communes rurales (1) qui, selon la proposition de loi, auraient donc été totalement exonérées de toute obligation de participation minimale. 

En commission, le texte a été modifié : seules les communes de moins de 2 000 habitants seraient concernées, et l’exonération totale a été remplacée par une participation minimale abaissée à 5 %. 

C’est sous cette forme que le texte est arrivé en séance, avant-hier. Les sénateurs de tous les groupes ont, globalement, soutenu cette initiative, mais sous réserve d’apporter encore quelques restrictions. 

Deux amendements ont été proposés – et adoptés. Le premier vise à écarter de cette dérogation les petites communes les plus riches, qui n’en ont « pas vraiment besoin ». Un critère de potentiel financier a donc été retenu : la dérogation serait accordée aux communes de moins de 2 000 habitants « dont le potentiel financier par habitant est inférieur à deux fois le potentiel financier moyen par habitant des communes de moins de 2 000 habitants ». 

Par ailleurs, après avoir pris l’avis des associations d’élus qui les ont mis en garde contre le risque « d’effets de seuil », les sénateurs ont décidé de restreindre le périmètre des dépenses éligibles : la dérogation ne serait accordée que pour les investissements en matière « de rénovation du patrimoine protégé ou non protégé, de rénovation énergétique des bâtiments, d'eau potable et d'assainissement, de protection contre les incendies, de voirie communale ainsi que ceux concernant les ponts et ouvrages d'art ». 

Le rapporteur du texte, Hussein Bourgi, a expliqué qu’il ne serait pas normal de « subventionner à hauteur de 95 % un clubhouse ou un skatepark dans une commune de moins de 2 000 habitants, alors qu'une commune de 2 100 habitants ne pourra bénéficier que de 80 % pour un équipement autrement plus structurant ». 

Le texte a été adopté sous cette forme.

Le gouvernement peu enthousiaste

Le débat en séance publique au Sénat a également permis de connaître l’avis du gouvernement, représenté par Dominique Faure, récemment revenue au poste de ministre chargée des Collectivités territoriales et de la Ruralité. 

Sans s’opposer frontalement à la proposition des sénateurs, la ministre a émis un certain nombre de réserves. Si elle a reconnu que « la participation minimale de 20 % peut être un frein », elle a estimé que réduire à ce point l’autofinancement risque de « déresponsabiliser les communes ». « Ne risque-t-on pas de mettre en danger nos communes en les poussant à des investissements trop lourds, dont elles ne pourraient pas assumer les charges de fonctionnement ? », s’est interrogée la ministre. C’est la raison pour laquelle est a émis un avis défavorable au texte, préférant promettre de faire en sorte que les dérogations préfectorales prévues par la loi Engagement et proximité soient davantage utilisées et s’engageant à « encourager les préfets à s’en saisir ». 

Vu la position du gouvernement, il n’est pas sûr que cette proposition de loi aboutisse lorsqu’elle arrivera à l’Assemblée nationale. Si elle devait y être rejetée, Dominique Faure s’est engagée à « travailler sur ce sujet », car le problème « a du sens ». 

Le texte adopté a été transmis à l’Assemblée nationale. 

(1)   Soit les communes de moins de 2 000 habitants ou les communes de 2 000 à 5 000 habitants n’appartenant pas à une unité urbaine et appartenant à une unité urbaine de moins de 5 000 habitants.

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