Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux

Édition du vendredi 12 février 2021
Égalité femmes-hommes

Le Sénat se penche sur les violences faites aux femmes en milieu rural

Les violences conjugales n'épargnent aucun milieu social, il en est de même de la géographie. Ville ou campagne, pas de différence. Les femmes en restent les principales victimes. Mais en milieu rural, les réponses restent encore largement à construire.

« Presque 50% des féminicides ont lieu dans les communes rurales ». En rappelant ce chiffre, la vice-présidente de l'AMF et maire de Vorey (43), Cécile Gallien veut faire réagir les maires. Elle intervenait à la table ronde organisée par la Délégation droits des femmes du Sénat, jeudi 11 février sur « les violences faites aux femmes en milieu rural ». Les témoignages d'associations, d'élus, de professionnels de santé et de gendarmes ont montré qu'il y avait effectivement des spécificités liées au milieu rural et de larges manques, à commencer par la coordination entre les acteurs locaux. Au nom de l'AMF, Cécile Gallien a souhaité faire en sorte que les élus soient sensibilisés sur ce point, et plus largement sur les violences intra familiales.

Des difficultés accrues en milieu rural

Aller déposer plainte reste une démarche que peu de femmes arrivent à mener jusqu'au bout (le taux de plainte reste, en moyenne, de 19 % à l'échelle nationale selon le ministère de l'Intérieur). Et « les spécificités des conditions de vie augmentent les difficultés rencontrées par les femmes dans leur parcours de sortie de violence », résume Annick Billon. 
Tous mettent en exergue des difficultés liées à la mobilité et l'isolement, la problématique de la recherche d’anonymat, l'insuffisante connaissance par les femmes des associations et des recours possibles, ou encore le manque patent de structures d’hébergement d'urgence, comme de solutions de relogement pérenne. 
Pour Cécile Gallien, « il ne faut pas qu’il y ait une seule commune rurale sans solution, il faut au moins une personne relais, un élu, un pharmacien auprès duquel la femme victime de violence se sentira en confiance ». 

Un maillage encore très inégal

En milieu rural, les initiatives de bus itinérants ont été cités en exemple lors de la table ronde, car ils permettent d'aller au-devant des femmes, et de détecter des situations qui resteraient sinon étouffées. Dans le Tarn, un « bus des femmes »  a ainsi sur une année rencontrée 400 femmes, en 2019. « 80 % ont dit avoir été victime ou avoir connu quelqu'un victime de violence ! ». 
En veillant à rendre l'accueil le plus neutre possible, car « le qu'en-dira-t-on »  est un autre frein majeur tout comme le fait que « tout le monde se connait », ce qui fait hésiter beaucoup de femmes à parler, évoque Betty Fournier, présidente de Paroles de femmes.
Le syndicat des pharmaciens a en revanche témoigné que seuls 14 signalements de violence ont été faits… sur les 22 000 officines (dont un tiers dans des communes de moins 5 000 habitants), depuis le premier confinement où celles-ci ont été mobilisées pour servir de relais auprès des femmes. Interrogé par Maire info, le ministère chargé de l'Égalité femmes-hommes reconnaît la faiblesse de ces signalements. Il promet une révision du dispositif, pour éviter que les pharmaciens ne se retrouvent en première ligne. Cela reste l'une des actions du plan de mobilisation contre les violences conjugales, lancé à l'issue du Grenelle dédié à ce sujet à l'automne 2019 et actualisé en raison de la crise sanitaire. 
Pour le ministère, le développement de l'information en direction des femmes reste une priorité. Car cela explique en partie le fait que davantage de situations soient signalées. Cela se traduit par l'augmentation des plaintes déposées (+ 9,6 % entre 2019 et 2020, pour un total de 156 000 en 2020). Cela se compte aussi sur les appels au 3919, qui ont triplé. 

Du dépôt de plainte à la mise à l'abri

Le ministère travaille également à développer le nombre de permanences du réseau CIDFF (Centres d’informations sur les droits des femmes et des familles), en partenariat avec le secrétariat d’État chargé de la ruralité. Sur l'offre de logements, le ministère rappelle que le nombre de places d'accueil a plus que doublé depuis 2015. Au total, on compte 6 572 places sur le territoire. Et que 5 000 femmes ont été accompagnées vers un logement social. « L'urgence, c'est la sortie du foyer où la femme risque d'être frappée, violée voire tuée, mais il faut aussi travailler à la mobilisation d'appartements pour un logement temporaire, au-delà de quelques nuits », insiste une source ministérielle. C'est aussi un point sur lequel les intervenants ont insisté hier, pointant le rôle clé des collectivités locales.

Emmanuelle Stroesser.
 

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