Le Sénat approuve le budget 2025 et l'allègement de l'effort demandé aux collectivités
Par Aurélien Wälti
Près de quatre mois après son dépôt au Parlement, le projet de loi de finances (PLF) pour 2025 a enfin été adopté, hier, par le Sénat, après avoir été rejeté par les députés à l’automne puis suspendu par la censure.
« Ce n'est ni le budget de Gabriel Attal, ni celui de Michel Barnier, ni celui de François Bayrou, c'est le budget du Sénat, un budget responsable », qui marque « le début d'un long chemin vers le redressement de nos finances publiques », s’est ainsi félicitée la sénatrice LR des Hauts-de-Seine Christine Lavarde. « Ce qui est important dans ce budget, c'est qu'il marque le début de la réduction d'une phase de déficit excessif », a confirmé le ministre de l'Économie Eric Lombard.
Première étape avant la CMP
Les sénateurs ont donc adopté, en première lecture et dans des conditions inédites, ce projet de budget par 217 voix contre 105. Mais ce n’est qu’une première étape pour le gouvernement Bayrou, qui négocie encore sa survie avec les socialistes, toujours insatisfaits de ce PLF. Si l'alliance de la droite et du centre a permis son adoption, le groupe socialiste l’a bien rejeté en estimant que « le compte n'y est pas ».
Les sénateurs de gauche - comme ceux de la droite et du centre d’ailleurs - n’ont, en effet, que peu goûté les coups de rabot successifs qu'ont tentés d’imposer les ministres en déposant à la dernière minute - souvent durant la nuit ou le matin même de la discussion - des amendements réduisant sévèrement les budgets pour l’an prochain.
Que ce soit le sport, la culture, l’écologie ou encore la fonction publique, quasiment chaque mission a été concernée afin de redresser la situation budgétaire du pays. « On assiste à la foire à la saucisse du coup de rabot », avait ainsi moqué le chef de file des sénateurs socialistes sur le budget Thierry Cozic, qui réclamait encore hier à l’exécutif des « signaux positifs » et pas un « budget d'austérité ».
Le sénateur socialiste du Nord, Patrick Kanner, avait, cette semaine, lui aussi dit espérer « que le gouvernement comprendra qu’il doit trouver d’autres voies pour équilibrer les comptes de la nation », en renvoyant à la commission mixte paritaire (CMP) qui se tiendra le 30 janvier et durant laquelle députés et sénateurs devront trouver un texte de compromis. Sans doute l'une des dernières occasions d'intégrer des concessions susceptibles d’éviter la censure.
La ponction des collectivités, une « erreur stratégique »
Si les mesures votées au palais du Luxembourg restent donc encore hypothétiques, certaines pouvant être amendées ou supprimées lors de cette CMP, que retenir de la version sénatoriale de ce projet de budget pour les élus locaux ?
Première satisfaction, d’abord, l’exécutif a donné son aval pour alléger l'effort demandé aux collectivités en 2025 en le ramenant à 2,2 milliards d'euros, au lieu des 5 milliards d’euros initialement prévus par le gouvernement Barnier. Une ponction sur les recettes des collectivités qui serait permise grâce au gel de la TVA en 2025 et qui leur coûterait 1,2 milliard d’euros, mais aussi grâce à la création d’un dispositif de mise en réserve d'un milliard d’euros.
Pour cela, les sénateurs ont remodelé le « fonds de précaution » du gouvernement Barnier (qui prévoyait initialement de prélever 3 milliards d'euros sur les 450 plus grandes collectivités) en le remplaçant par un nouveau « dispositif de lissage conjoncturel des recettes fiscales des collectivités territoriales » d’un milliard d’euros donc (appelé Dilico), dont la somme serait reversée aux collectivités contributives par tiers pendant trois ans.
Quelque 2 000 collectivités seraient ainsi touchées : l’ensemble des régions hormis l’outre-mer et la Corse, une cinquantaine de départements, 130 EPCI et quelque 1 800 communes.
Pas de quoi satisfaire les associations d’élus et notamment l’AMF qui déplore une « erreur stratégique et financière ». Dans un communiqué publié hier, l’association exprime ses « vives inquiétudes face aux prélèvements et contraintes budgétaires supplémentaires imposés aux communes et intercommunalités » qui vont « aggraver en réalité le déficit de l’État ».
« Les projets locaux, déjà largement engagés, nécessiteront le recours à l’emprunt pour compenser les pertes de ressources, ce qui dégradera les comptes publics », explique l’AMF, qui estime que le nouveau fonds de réserve - bien qu’allégé - est « une remise en cause de la capacité de maintenir l’accès aux services publics locaux, de faire face aux défis environnementaux et d’infrastructures et d’exécuter les projets de mandats ».
DGF abondée de 290 millions d'euros
Sur les finances locales, on peut également retenir l’annulation du projet d’amputation de 800 millions d’euros du FCTVA, le report dans trois ans de la suppression de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) et l’abondement de 290 millions d’euros de la DGF.
Devant les sénateurs, le ministre de l'Aménagement du territoire et de la Décentralisation, François Rebsamen, a aussi assuré que la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR) serait « totalement préservée » cette année… tout en proposant, de manière particulièrement évasive et équivoque, « une baisse limitée des dotations d’investissement », dont fait notamment partie la dotation de soutien à l'investissement local (Dsil) et qui devait être stabilisée au même niveau que 2024.
« Il est crucial de maintenir les montants de la DETR et de la Dsil [et] de réduire le fléchage des dotations d’investissement, qui ralentissent le versement des financements et retardent le démarrage des travaux », a prévenu hier l’AMF.
Outre-mer : des aides à la reconstruction
Promus par François Bayrou au rang de « toute première préoccupation » du gouvernement, les Outre-mer se sont vu accorder « un traitement tout à fait exceptionnel dans le contexte des finances publiques que nous connaissons », selon les mots de leur nouveau ministre d'État, Manuel Valls. En tout cas, c’est l’un des rares budgets qui a connu une augmentation de ses crédits, avec une hausse « de 11 % », a évalué l’ancien Premier ministre de François Hollande.
Afin de soutenir la reconstruction de la Nouvelle-Calédonie et de Mayotte, des enveloppes de respectivement 200 millions et 100 millions d'euros ont ainsi été débloquées. La Martinique, quant à elle, devrait voir la création d’un fonds de soutien de 75 millions d’euros dédié aux entreprises touchées par les mouvements sociaux de 2024 contre la vie chère.
Climat : un fonds territorial de 200 millions d’euros
Du côté de l’écologie, les sénateurs ont décidé, une nouvelle fois, de créer un fonds de 200 millions d'euros « à la main » des collectivités (qui avait été retiré, l’an passé, du PLF 2024 par le gouvernement d’Élisabeth Borne) et dont les financements seraient « directement répartis entre les EPCI ayant adopté un plan climat-air-énergie territoriaux (PCAET), à raison de 4 euros par habitant ».
Malgré un coup de rabot de 1 milliard d’euros sur cette mission, ils ont aussi rehaussé le budget dédié à la prévention des risques en abondant de 230 millions d'euros le fonds Barnier et en augmentant de 10 millions d’euros le Fonds chaleur.
Bien qu’il ait été également revalorisé de 150 millions d’euros, le Fonds vert reste largement amputé de ses crédits puisqu’il avait auparavant été réduit de 1,5 milliard d’euros. Une décision qui « pourrait nuire à l’action écologique », selon l’AMF.
Logement social, fonctionnaires, FRR, radios locales…
Parmi toutes les mesures contenues dans le projet de budget pour 2025, on peut aussi rappeler la réintégration des 2 168 communes exclues, depuis le 1er juillet 2024, du nouveau zonage unique France ruralités revitalisation (FRR), celui-là même qui remplace l’ancien dispositif des zones de revitalisation rurale (ZRR). Ce qui leur permettra de continuer à bénéficier des exonérations fiscales et sociales de ce dispositif de soutien aux zones rurales en difficulté.
En outre, les sénateurs ont refusé de nouvelles coupes sur le logement - un secteur qui vit une crise aiguë - et choisi de réduire la ponction sur les bailleurs sociaux (RLS). Cette mesure voulue par le gouvernement doit permettre de soutenir l’effort de construction et de rénovation des logements sociaux. En revanche, le soutien aux maires bâtisseurs annoncé par François Bayrou lors de sa déclaration de politique générale ne semble pas apparaître dans le texte final, aucun amendement allant dans ce sens n'ayant été adopté lors de l'examen de la mission dédiée à la cohésion des territoires.
Du côté des fonctionnaires, la chambre haute a suivi l’exécutif en abaissant à 90 % l'indemnisation des agents en arrêt-maladie, mais s’est toutefois opposée à l'allongement du délai de carence.
Pour la culture, enfin, les sénateurs ont voté le maintien des subventions aux radios locales et adopté la création d'un fonds de soutien d'urgence pour les festivals en difficulté financière, ainsi que des crédits pour la préservation du patrimoine.
Interrompus brusquement début décembre après la chute du gouvernement Barnier, l’examen du projet de budget n’a repris que la semaine dernière. A l’endroit même où s'étaient arrêtés les sénateurs puisque François Bayrou a décidé de reprendre le texte de son prédécesseur en y intégrant les modifications déjà validées par les parlementaires. En attendant, c’est une loi spéciale qui a permis à l’Etat de fonctionner - et ainsi d’éviter un « shutdown » - lors des premiers jours de l’année 2025.
Consulter le texte adopté par les sénateurs.
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