Le Sénat alerte sur le sous-investissement dans l'immobilier des gendarmeries
Par Lucile Bonnin
Les 3 728 casernes de gendarmerie recensées sur le territoire national assurent une « présence des gendarmes et de leurs familles dans les communes rurales et périurbaines » ce qui est une « composante indissociable de l'efficacité de la gendarmerie pour assurer un service de proximité, renforcer la présence des gendarmes sur la voie publique et la qualité de ses relations avec les usagers, et sa capacité à veiller à l'exécution des lois et à la protection des populations. » Un enjeu essentiel pour les communes.
Depuis une dizaine d’années, « le parc domanial de la gendarmerie est dans une situation dégradée qui résulte d’une longue période de sous-investissement chronique » . C’est ce que pointe un rapport d’information publié il y a quelques jours par la Commission des finances du Sénat. Une situation inquiétante autant pour le patrimoine que pour les gendarmes qui voient leurs conditions de travail se dégrader.
« Dette grise »
Selon le Sénat, le parc immobilier le plus impacté est celui dont l’État est propriétaire, ce qui correspond à 649 casernes, dont certaines ont été construites « il y a plus de cent ans ». 35 % des logements du parc domanial ont plus de 50 ans.
La gendarmerie évalue les besoins d’investissement dans la maintenance de son parc entre 300 et 400 millions d’euros. Or « l’enveloppe allouée à ces travaux est systématiquement inférieure de plus de 50 % de cette estimation depuis plus de dix ans ».
Concrètement le rapport pointe « une sous-dotation chronique du parc immobilier domanial de la gendarmerie nationale. »
En effet, « l'écart qui existe chaque année entre les besoins d'investissement immobiliers et les travaux effectivement engagés par la gendarmerie est constitutif d'une « dette grise » » de 2 208 millions d'euros de retard d'investissement dans le maintien en état de ses bâtiments en dix années.
Le Sénat relève à l’inverse que « les investissements de maintenance des bâtiments du parc locatif qui ont été construits plus récemment sont à la charge des propriétaires et le rapporteur spécial relève que ce schéma aboutit à un meilleur état de santé de ces bâtiments. » C’est le cas notamment des casernes louées par les collectivités territoriales et les organismes d'habitations à loyer modéré.
Réviser le montant des coûts-plafonds pour la fixation des loyers
« Du fait de la faible capacité d’investissement immobilier de la gendarmerie, l’extension du parc de la gendarmerie repose sur l’extension de son parc locatif » , peut-on lire dans le rapport. Ainsi, Bruno Belin, sénateur de la Vienne et rapporteur spécial indique « que les loyers représentent un poids croissant qui vient réduire d’autant la capacité d’investissement de la gendarmerie en termes de maintenance, de réhabilitation mais aussi de constructions et d’acquisitions ».
Le coût annuel des loyers versés par la gendarmerie a en effet augmenté de 19 % entre 2019 et 2023, passant de 497 millions d’euros à 590 millions d’euros. Le montant des loyers pour l’année 2023 représente 64 % des crédits de paiement soit près des deux tiers de l'ensemble du budget immobilier de la gendarmerie nationale.
Au final, « les marges de manœuvre dont dispose le responsable de programme pour investir dans l’extension du parc domanial » sont considérablement réduites malgré le fait que « le durcissement des contraintes opérationnelles de la gendarmerie induit des investissements immobiliers en dépit du risque d’impasse de financement ».
Pour sortir de cette impasse, Bruno Belin recommande de « mobiliser des modes de financement innovants et en particulier de recourir au marché de partenariat pour les projets immobiliers structurant de la gendarmerie, dont en priorité les projets sur le plateau de Satory (Yvelines) et à Dijon (Côte-d’Or). » Pour rappel, « les marchés de partenariat constituent un partenariat public-privé (PPP) ayant pour objet de déléguer à un partenaire privé la construction d'un bâtiment et de le prendre en location pendant une longue période à l'issue de laquelle le bâtiment revient dans le patrimoine de l'État. »
Enfin, pour assurer les investissements locatifs programmés et indispensables dans le cadre du déploiement des « 200 nouvelles brigades » prévu par la loi d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur (LOPMI) du 24 janvier 2023, le rapporteur spécial recommande une révision « des coûts-plafonds applicables aux loyers versés par la gendarmerie nationale aux collectivités territoriales et aux organismes HLM. » Un groupe de travail constitué en 2019 par le gouvernement s’était prononcé en faveur d'un rééquilibrage des conditions financières d'investissement immobilier pour la gendarmerie au profit des collectivités et des organismes HLM (lire Maire info du 21 février 2023). Le Sénat recommande de faire aboutir rapidement ces travaux.
Le rapport recommande également « la mise en place d'une expérimentation, sur un territoire et pour une période limitée, du modèle de « gestionnaire immobilier indépendant » à l'échelle du ministère de l'Intérieur, en incluant les forces de sécurité intérieure et donc l'immobilier de la gendarmerie nationale » . Cette dernière constituerait un premier pas vers une réforme de la politique immobilière de l'État.
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