Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux

Édition du jeudi 20 janvier 2022
Justice

Le rapport de l'Observatoire SMACL prévoit une décrue des poursuites et condamnations pénales des élus locaux

Selon le rapport annuel de l'Observatoire SMACL, le nombre d'élus, de fonctionnaires et de structures territoriales poursuivis devant les tribunaux n'a cessé d'augmenter depuis 26 ans... mais les poursuites et les condamnations pénales devraient régresser au cours de la mandature actuelle.

Par Emmanuelle Quémard

Assiste-t-on à une diminution durable de la pression pénale sur les acteurs publics locaux ? C’est en tout cas la tendance de fond que dégage l’Observatoire SMACL dans son édition 2021. Publié le 19 janvier, ce rapport, qui passe au crible depuis 26 ans le contentieux pénal au sein de la sphère territoriale (1) décline cette année ses analyses sur trois échelles de temps différentes. Le document revisite, en effet, à la fois le temps long (avril 1995-juillet 2021) avant d’explorer la dernière mandature du bloc local (2014-2020) et de livrer des premières estimations sur la mandature actuelle (2020-2026).

Ce triple exercice permet d’abord de mesurer la montée en puissance régulière des poursuites intentées à l’encontre des acteurs publics locaux au fil des années. Depuis 1995, l’Observatoire SMACL a recensé pas moins de 4 763 poursuites pénales contre des élus locaux, 2 820 contre des agents territoriaux et 441 contre des entités territoriales en tant que personnes morales (collectivités ou établissements publics locaux). Même si ces chiffres peuvent paraître importants, le baromètre de la SMACL souligne que « toutes les procédures ne se traduisent pas, au final, par une déclaration de culpabilité ». Au contraire : 60 % des procédures engagées se sont soldées par une décision favorable aux élus et aux fonctionnaires poursuivis, tandis que 80 % des collectivités et des EPL traduits devant une juridiction pénale ont bénéficié d’une décision favorable. Depuis 26 ans, seuls 1 516 élus, 902 fonctionnaires territoriaux et 87 collectivités ont en réalité fait l’objet d’une condamnation. Des chiffres qui, selon la SMACL, permettent de « replacer le débat sur la probité des élus locaux à son juste niveau : toutes infractions confondues (y compris pour des faits où la probité des élus n’est pas en jeu), le taux de mise en cause pénale des élus locaux est inférieur à 0,32 % ».

Ce survol du dernier quart de siècle permet, par ailleurs, de pointer l’année 2014 comme étant le point culminant des mises en cause pénales des acteurs du monde territorial. Cette année-là (une année électorale), 437 élus ont été déférés devant des tribunaux, non seulement pour des contentieux liés à des diffamations pendant la campagne électorale, mais également à la suite d’audits et de plaintes déposés après un scrutin ayant entraîné de nombreux changements de majorité. Le rapport de la SMACL précise néanmoins que depuis 2016, « la tendance est à la baisse même si la décrue est lente et que nous semblons arriver sur un plateau ». En tout état de cause, la crise sanitaire qui a impacté les années 2019 et 2020 ne paraît pas s’être traduite, malgré des craintes exprimées par les élus locaux, par une reprise du contentieux pénal.

Forte hausse des procédures entre 2014 et 2020

Le second prisme choisi par les auteurs du rapport concerne la dernière mandature (2014-2020) au cours de laquelle l’Observatoire SMACL a constaté une hausse de 42 % des mises en cause contre les élus locaux par rapport à la mandature précédente (2008-2014). Avec 1 846 poursuites et 402 élus condamnés, le dernier mandat local a été caractérisé par un renforcement des contrôles exercés non seulement par des autorités publiques (chambres régionales des comptes, préfectures, Agence française anticorruption, Haute autorité pour la transparence de la vie publique…) mais également par une vigilance accrue de la part des oppositions, des citoyens, des associations reconnues d’utilité publique et de la presse… Une étude plus fine de cette période permet également de pointer les principaux motifs de poursuites exercées contre les élus locaux. Ainsi, les « manquements au devoir de probité »  – corruption, favoritisme, prise illégale d’intérêt... – constituent le principal contingent des procédures instruites (36,7 %), devant les « atteintes à l’honneur »  – diffamation et dénonciation calomnieuse... – (28,7 %) et les « atteintes à la dignité »  – harcèlement moral, injures, discriminations... – (17,9 %). À noter que les « atteintes aux mœurs et à l’intégrité sexuelle », les « atteintes à l'environnement »  ou les « atteintes aux libertés »  ont fait l’objet d’un nombre de contentieux sensiblement plus faible (entre 3 et 1 % des poursuites).

Sur cette même période, l’Observatoire SMACL a également noté que 913 poursuites pénales ont été engagées contre les fonctionnaires territoriaux (+ 14 % entre les mandatures 2008-2014 et 2014-2020) et que 271 d’entre eux ont fait l’objet d’une sanction. Toutefois, les auteurs du rapport soulignent que cette hausse est « nettement moins marquée que celle constatée pour les élus locaux, mais n’est pas neutre ». À noter que le podium des infractions imputées aux fonctionnaires territoriaux est constitué par les manquements au devoir de probité (43,7 %), les atteintes à la dignité (14,1 %) et les violences sexuelles (- 11,9%).

En outre, pendant la dernière mandature du bloc local, le nombre de poursuites pénales contre les collectivités territoriales ou leurs établissements publics a suivi une courbe semblable à celle des élus locaux et des fonctionnaires territoriaux. Au cours de cette période, 194 entités territoriales ont été poursuivies pénalement (+ 40,6 % par rapport à la mandature 2008-2014). 

Recul des contentieux en vue pour le mandat actuel

En compilant toutes les données présentées dans l’édition 2021, l’Observatoire SMACL se risque à émettre des hypothèses sur l’évolution du contentieux pénal dans les collectivités pour les prochaines années. Ainsi, pour la mandature actuelle (2020-2026), les experts de la SMACL tablent sur une évolution à la baisse des mises en causes et des condamnations d’élus, de fonctionnaires territoriaux et de collectivités. Selon des projections réalisées en appliquant le taux de condamnation moyen constaté – même si certains chiffres restent à consolider –, le rapport prévoit un recul des actions pénales engagées à l’encontre des élus locaux (- 15 %, soit 1 560 poursuites et 607 condamnations). Une baisse encore plus nette est envisagée pour les fonctionnaires territoriaux (- 30 %, soit 654 poursuites et 236 condamnations). Quant aux collectivités, elles devraient être encore moins ciblées par les juridictions pénales (- 57 %, soit 84 poursuites et 22 condamnations).


(1) Le rapport de l’Observatoire SMACL se base sur les contentieux déclarés à SMACL Assurances par ses assurés, sur des articles de presse relatant des mises en cause d’élus et de fonctionnaires territoriaux et sur des décisions de justice accessibles sur les bases de données.

 

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