Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux

Édition du mercredi 1er avril 2015
Santé publique

Le projet de loi Santé propose l'expérimentation des « salles de shoot »

La discussion sur le projet de loi Santé porté par la ministre de la Santé Marisol Touraine a débuté hier à l’Assemblée nationale. Développement d’un « parcours éducatif de santé », création d’un service territorial de santé sous la houlette des Agences régionales de santé, généralisation du tiers-payant – ce texte contient de nombreuses mesures nouvelles qui ne manqueront pas de faire débat (lire Maire info des 17 et 24 mars). Parmi elles, une paraît particulièrement clivante et a déjà provoqué, au premier jour des débats, d’âpres altercations dans l’hémicycle : le projet de loi autorise l’expérimentation des « salles de consommation à moindre risque »  ou SCMR, communément appelées « salles de shoot ».
Les SCMR, qui existent déjà dans presque une centaine de pays, sont des structures dans lesquelles les toxicomanes peuvent consommer de la drogue sous la supervision de médecins. Ces salles visent autant à protéger les toxicomanes eux-mêmes qu’à diminuer la consommation sur la voie publique.
La présence de cette disposition dans le projet de loi est la suite logique d’un certain nombre d’épisodes précédents. On se rappelle en effet qu’une telle salle devait être expérimentée à Paris, en 2013, avec l’aval du gouvernement, dans le quartier de la Gare du Nord très fréquenté par les toxicomanes, (lire Maire info du 6 février 2013). Mais à la suite d’une procédure engagée par une association de riverains, persuadée du fait qu’une « salle de shoot »  allait immanquablement attirer des revendeurs aux alentours, le Conseil d’État avait refusé l’expérimentation en octobre 2013 : l’ouverture d’une telle salle, jugeait alors le Conseil d’État, contreviendrait à la loi de 1970 interdisant l’usage des stupéfiants. Le Conseil précisait qu’il fallait modifier la loi avant toute ouverture de SCMR.
Suite à ce jugement, des députés socialistes ont présenté une proposition de loi en septembre 2014, qui n’a finalement pas été discutée. Et les principales dispositions de ce texte se retrouvent aujourd’hui dans le projet de loi de Marisol Touraine.
L’article 9 du projet de loi Santé propose donc que, « pour une durée maximale de six ans », soient expérimentée l'ouverture de SCMR. Le texte précise que les toxicomanes doivent être majeurs et ne peuvent consommer que des substances qu’ils ont apportées eux-mêmes. Aucune vente n’est donc possible dans les salles. Pour parer aux critiques formulées par le Conseil d’État, le texte est clair : les SCMR dérogent à la loi de 1970 en cela que les consommateurs « ne peuvent y être poursuivis pour des chefs d’usage illicite de stupéfiants », pas plus que les professionnels intervenant à l’intérieur du local, pour complicité.
Le projet de loi dispose également que chaque année, les responsables des salles devront adresser un rapport au ministère de la Santé et au maire de la commune qui les accueillent.
Dès l’ouverture des débats, cet article a provoqué un tollé chez les élus UMP qui y voient une légalisation cachée de la drogue. Le député de la Vendée, Yannick Moreau, a présenté une « résolution signée par 105 députés »  de l’opposition refusant ces dispositions, en arguant du fait qu’il est préférable de « guérir les toxicomanes plutôt que de les aider à se droguer », et que ces salles vont créer « des zones de non-droit où pulluleront les dealers et les dangers ».
La ministre et les députés qui soutiennent cette idée ont répondu qu’il était préférable que les toxicomanes consomment sous surveillance médicale plutôt que « dans les escaliers des gares, les jardins publics ou au coin des rues ».
Il est un point qui fera certainement débat dans les jours à venir : Marisol Touraine a précisé oralement, lors du débat, que « seules les communes et les municipalités qui voudront s’engager dans cette voie le feront ». Sauf que cette précision importante sur le volontariat... ne figure pas dans le texte.
F.L.

Télécharger le projet de loi.

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