Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux

Édition du jeudi 1er janvier 1970
Coronavirus

Le HCSP déconseille clairement la désinfection des voiries à l'eau de Javel

Est-il utile – et souhaitable – de procéder à la désinfection de la voirie dans les communes pour lutter contre l’épidémie de covid-19 ? La question se pose depuis que plusieurs maires l’on fait, parfois avec une certaine publicité. Le directeur général de la Santé, Jérôme Salomon, a donc demandé au Haut conseil de la santé publique de statuer sur ce point. La réponse du HCSP est claire : cette pratique est déconseillée.

Modes de transmission
« Plusieurs agences régionales de santé ont signalé des initiatives de collectivités locales pour désinfecter les rues ou les espaces publics », notamment « dans le sud de la France », écrivait, le 26 mars, Jérôme Salomon au président du HCSP. Certaines de ces collectivités ont procédé à « une désinfection à base d’eau de Javel »  au moyen de « camions de nettoyage sous pression ». Le DGS demandant au Conseil de lui indiquer si ces actions sont « opportunes »  et si elle présente des risques, « pour le public, les travailleurs et l’environnement ».
Maire info a pu consulter l’avis du HCSP, rendu le 4 avril, qui se conclut par la recommandation « de ne pas mettre en œuvre une politique de nettoyage spécifique ou de désinfection de la voirie dans le contexte de l’épidémie de covid-19 ». 
Le HCSP commence par rappeler l’état des connaissances sur la survie en milieu ouvert et les modes de transmission du virus (désigné sous son nom scientifique, le SARS-CoV-2). Il est établi, explique le rapport, que le virus peut survivre entre plusieurs heures et plusieurs jours sur certaines surfaces, de façon très variable selon des paramètres de température, d’humidité ou encore selon le type de support (métal, plastique, etc.). Les connaissances ne permettent pas, en revanche, d’établir de façon certaine le « pouvoir infectant »  des virus persistant dans l’espace public, « compte tenu de la diminution importante de la charge virale ». Par ailleurs, « la transmission des coronavirus des surfaces contaminées vers les mains n’a pas été prouvée ». Elle est cependant « possible ». Reste que le mode de transmission majoritaire est bien « la transmission directe par émission de gouttelettes lors de toux ou d’éternuement d’une personne infectée vers une personne saine », et « la transmission indirecte par contacts avec la bouche, le nez ou les muqueuses des yeux. » 

Risque « négligeable voire nul » 
Il est également reconnu que l’eau de Javel (hypochlorite de sodium) a un pouvoir d’inactivation sur les coronavirus. Néanmoins, « son utilisation n’est pas sans risque pour les travailleurs l’utilisant mais également pour l’environnement », prévient le HCSP. Le produit est « caustique et irritant pour les personnes et animaux au contact », et « toxique pour les organismes aquatiques ainsi que pour les plantations en bordure de voirie ». 
Les substances toxiques contenues par l’eau de Javel se dissolvent toutefois très rapidement. Il est donc « quasiment impossible », si le produit passe dans le réseau d’eaux pluviales, que ces substances arrivent en étant toujours actives « dans le milieu récepteur pour peu que le réseau soit long ». Il est néanmoins « difficile »  de bâtir des scénarios qui demanderaient « une connaissance détaillée de la structure des réseaux ». 
Par ailleurs, le mélange de l’eau de Javel avec des matières organiques, « qui peuvent être plus ou moins abondantes sur la voirie et les trottoirs », peut générer des « sous-produits »  qui peuvent s’avérer toxiques. « Il est difficile d’estimer les risques liés à la dispersion de sous-produits de la chloration. Il ne faudra pas négliger l’impact sur le mobilier urbain, les véhicules, les équipements comme les avaloirs et la végétation, en particulier le risque de corrosion possible sur des surfaces métalliques non rincées ainsi que celui d’un effet létal sur les végétaux exposés directement au produit », détaille le Haut conseil.
Le HCSP conclut en rappelant que « le réservoir principal est l’homme et non l’environnement », et que, même si la présence du virus sur le mobilier urbain est « possible », ce sont les gestes barrières et l’hygiène des mains qui restent le principal mode de réduction du risque de transmission. « Le risque de contamination d’une personne par la voirie parait négligeable voire nul ». 
Faute d’argument scientifique prouvant l’efficacité des mesures de désinfection de la voirie, le HCSP recommande donc « de ne pas mettre en œuvre »  de telles mesures. Il conseille de continuer d’assurer le nettoyage « habituel »  des voiries et du mobilier urbain. En revanche, il est préconisé de s’abstenir absolument de toute utilisation de matériel type « souffleurs », qui pourraient éventuellement contribuer à disséminer le virus.

Franck Lemarc

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