Le gouvernement débloque une aide de 50 millions d'euros pour les (très grosses) entreprises de transport public
Par Franck Lemarc
Une aide permettant de compenser « 100 % des pertes nettes de l’entreprise sur la période allant du 17 mars 2020 au 30 juin 2020 » . L’annonce aurait de quoi réjouir de nombreuses petites compagnies de transport qui peinent encore à se remettre des conséquences du confinement, pendant lequel leurs revenus sont tombés quasiment à zéro. Mais en lisant attentivement le décret, il apparaît que cette aide ne bénéficiera qu’aux plus grandes entreprises.
Aides aux AOM
Le confinement de 2020 a eu des conséquences très lourdes pour les entreprises de transport public : avec une baisse de fréquentation estimée à 90 %, les recettes se sont effondrées, tandis que les collectivités, autorités organisatrices, ont vu fondre les recettes dues au versement mobilité, puisque celui-ci n’est pas versé en cas de chômage partiel.
Depuis, de multiples plans ont été prévus pour permettre aux autorités organisatrices de sortir la tête de l’eau : 425 millions d’euros ont été débloqués par l’État en urgence en 2020. Mais quatre ans plus tard, les AOM comme les entreprises délégataires n’ont pas fini de subir les conséquences financières de cette crise – la fréquentation n’ayant jamais retrouvé le niveau d’avant 2020, entre autres du fait du développement important du télétravail qui a suivi la crise. Selon les chiffres de l’UTP (Union du transport public), en 2022 le nombre de voyageurs était encore inférieur de 4,6 % à celui de 2019, et les recettes en baisse de plus de 10 % sur la même période.
D’où le déblocage, en 2023, d’une aide de 100 millions d’euros à destination des autorités organisatrices hors Île-de-France, celle-ci faisant l’objet d’un traitement particulier. Cette aide a été répartie entre les différentes AOM par un arrêté du 29 juin dernier.
Quant à l’Île-de-France, elle a fait l’objet d’un protocole spécifique avec l’État, avec une subvention de 200 millions d’euros au titre de l’année 2023.
Soutien aux géants
Ces différentes mesures sont des soutiens aux autorités organisatrices et non aux entreprises de transport elles-mêmes.
En revanche, le décret paru vendredi dernier concerne les opérateurs, c’est-à-dire les entreprises « exploitant des services réguliers de transport public de personnes routiers et guidés urbains ». Le système est plutôt simple : l’entreprise compare son bénéfice sur la période allant du 17 mars au 30 juin 2020 avec celui de la même période en 2019. Si ce calcul affiche une perte, celle-ci sera couverte à 100 % par l’État, selon le principe du « premier arrivé premier servi », puisque le décret indique que « l’aide est attribuée dans l'ordre du dépôt des demandes » , dans la limite du plafond total fixé à 50 millions d’euros.
Mais il est parfaitement inutile, pour les nombreux petits transporteurs urbains locaux, de se précipiter pour toucher cette aide : ils n’y auront pas droit. En effet, le décret précise que ne sont éligibles à cette aide que les entreprises présentant un chiffre d’affaires pour l’année 2020… supérieur à 4,5 milliards d’euros !
Autrement dit, l’aide ne bénéficiera qu’aux géants du transport public, Transdev (6,8 milliards d’euros de chiffre d’affaires en 2020), Keolis (6 milliards) et RATP (5,5 milliards).
Cette aide accordée aux géants du transport a tout de même de quoi surprendre, quand on sait qu’ils ont tous, dès l’année suivante, renoué avec des bénéfices couvrant largement leurs pertes de 2020. La RATP par exemple, qui avait perdu quelque 134 millions d’euros en 2020, a réalisé 207 millions d’euros de bénéfice en 2021. Quant au groupe Keolis, il n’avait même pas été déficitaire sur l’ensemble de l’année 2020 (532 millions d’euros de bénéfice sur l’ensemble de l’année), avant de connaître un bénéfice de 690 millions d’euros en en 2021. Il n’est donc pas certain, en l’espèce, que les aides de l’État aillent ici à ceux qui en ont le plus besoin.
Suivez Maire info sur Twitter : @Maireinfo2
Logement : une financiarisation qui ne cesse de creuser les inégalités
Tiers-lieux et collectivités : un guide pour collaborer en faveur de l'action publique locale
En Guadeloupe, la lutte contre les nombreuses violences intrafamiliales se renforce