Le gouvernement annonce « multiplier par dix » les moyens de la Miviludes
Par Franck Lemarc
Cela ressemble à une renaissance : après plusieurs années où la structure a été mise en sommeil – elle n’avait plus de président depuis 2018 – la Miviludes reprend des couleurs et gagne, surtout, des moyens. Cette structure créée en 2002, après deux décennies marquées par des drames liés à des sectes (notamment les suicides collectifs des membres de l’Ordre du Temple solaire en 1994, qui avait fait des dizaines de morts), la Miviludes a vu son activité diminuer après les attentats de 2015, le gouvernement préférant consacrer ses moyens à la lutte contre le terrorisme. Aux pires moments, on a même cru que la Miviludes allait disparaître : en octobre 2018, le président de la mission, Serge Blisko, partait en retraite sans être remplacé. Et en juillet 2020, la structure, qui était hébergée à Matignon, était priée de déménager place Beauvau, au ministère de l’Intérieur, ce qui laissait entendre qu’elle allait perdre son caractère interministériel. Une décision que l’ancien président de la Miviludes, Georges Fenech, dénonçait alors comme « une catastrophe ». « C’est une condamnation à mort », déplorait même le monde associatif.
Renaissance
Sauf que cette fois, les mauvais augures se sont trompés : le passage de la Miviludes à Beauvau, sous l’égide de la ministre chargée de la Citoyenneté, Marlène Schiappa, n’a nullement signifié la mort de la structure mais, au contraire, sa renaissance. En février, la ministre annonçait la nomination imminente d’un « conseil d’orientation » de la mission, et celle, enfin, d’une nouvelle présidente, en la personne de la magistrate Hanène Romdhane, jusqu’alors directrice des affaires juridiques auprès du Contrôleur général des lieux de privation de liberté. Marlène Schiappa annonçait également un renforcement significatif des moyens de la mission ainsi qu’une réorientation « plus opérationnelle » de son pilotage.
Promesses tenues : Marlène Schiappa a annoncé hier, dans un communiqué, que « les moyens alloués à l’appel à projets dédié à la lutte contre les dérives sectaires sont multipliés par dix ». Ce sera un million d’euros qui sera dévolu « aux initiatives locales et associatives sur le terrain », contre 100 000 euros jusqu’à présent. Par la même occasion, la ministre a diffusé le projet d’arrêté installant le conseil d’orientation de la Miviludes. Celui-ci sera composé de dix personnalités qualifiées et de plusieurs responsables des administrations centrales. Parmi les personnalités qualifiées, on retrouve l’ancien patron de la structure, Georges Fennech, mais aussi Axel Kahn, président de la Ligue contre le cancer, des présidents d’associations de défense des familles contre les sectes, des psychiatres, des sociologues, ainsi qu’Éric Delemar, Défenseur des enfants auprès de la Défenseure des Droits. Le Conseil d’orientation comprendra également des représentant de plusieurs directions générales (police nationale, gendarmerie nationale, enseignement scolaire…).
« Nouveaux gourous »
L’une des raisons qui a décidé le gouvernement à remettre en avant la Miviludes est l’explosion, en 2020, des « petites sectes ». « Plus de 500 nouveaux petits groupes sectaires » ont émergé « à la faveur du confinement », a déclaré hier Marlène Schiappa sur France info. « Vous avez de nouveaux gourous qui se servent de la pandémie pour prêcher des mesures soi-disant de bien-être, mais qui sont des mesures de sujétion psychologique, voire de captation d'argent ou de biens. » D’autres pratiques « inquiétantes » font leur apparition, détaille la ministre dans le communiqué publié hier, allant de « l’exorcisme » aux « stages de survivalisme extrême », le tout alimenté par les complotismes ou les nouvelles thèse autour de la collapsologie.
Ces « nouveaux gourous » s’adressent particulièrement, selon Marlène Schiappa, « aux malades du cancer » – d’où la présence d’Axel Kahn au Comité d’orientation – et aux femmes enceintes – et d’ailleurs aux femmes en général, « parce qu'il y a de la prédation sexuelle aussi, et parce qu'elles sont surreprésentées dans les personnes en situation de précarité ». Elle a souhaité mettre l’accent sur « l’accompagnement pour la réinsertion », car « il ne suffit pas de sortir de l'emprise de la dérive sectaire ou de la secte. Quand on en sort souvent, on n'a plus d'argent, on n'a plus d'amis et on est souvent dans un état de santé, dans un état psychologique déplorable ».
Enfin, le nouveau Conseil d’orientation est marqué par la présence de représentants du ministère des Finances (direction nationale des enquêtes fiscales), parce que « qui dit dérive sectaire dit captation d’argent ».
La ministre a annoncé l’envoi aux préfets d’une « circulaire de mobilisation », dans le but notamment de « mobiliser les instances locales de pilotage des politiques de sécurité autour de la lutte contre les dérives sectaires ».
Télécharger l’état des lieux sur « les nouvelles tendances des dérives sectaires » (janvier 2021).
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