Le dédoublement des classes dans les réseaux d'éducation prioritaire a eu des effets positifs et mesurables
Par Franck Lemarc
C’est la direction des études, de la prospective et de la performance (Depp) du ministère qui publie cette étude sur l’éducation prioritaire – plus précisément, une mise à jour d’une étude conduite en 2022.
Un collégien sur cinq en EP
Côté chiffres, on apprend que l’année dernière, environ un collégien du secteur public sur cinq était scolarisé en éducation prioritaire. Près de 377 000 élèves sont scolarisés dans l’un des 732 collèges situés en REP, et 193 000 dans l’un des 362 établissements REP+. Pour ce qui est des écoles, elles sont 4 131 à être classées en REP, et 2 458 en REP+.
Cette répartition n’est « pas uniforme » : alors que la moyenne nationale du nombre d’élèves en REP+ est de 7,3 %, quatre départements, dont trois en outre-mer, voient ce taux s’envoler : la Seine-Saint-Denis (21 % de collégiens en REP+), La Réunion (27 %), Mayotte (41 %) et surtout la Guyane (96 %). À l’inverse, un tiers des départements n’ont aucun collège REP+.
Sans surprise, la Depp constate que « les collégiens de l’éducation prioritaire sont très massivement d’origine sociale défavorisée » (ils sont 70 % en REP+, contre 35 % dans les établissements publics hors éducation prioritaire).
Les écoliers en éducation prioritaire (EP) sont « plus souvent en difficulté scolaire dès l’entrée au CP », et ces écarts se maintiennent en CM1 puis à l’entrée en 6e : « En début de sixième, les élèves accueillis dans les collèges en éducation prioritaire ont des difficultés particulièrement marquées. En effet, la proportion d’élèves dans les groupes les plus faibles (groupes 1 et 2) est supérieure de 16 points en français et de 18 points en mathématiques, chez les collégiens scolarisés dans des établissements en REP, par rapport à ceux scolarisés dans le secteur public hors éducation prioritaire. »
Même constat pour le DNB (l’ancien brevet des collèges), en fin de 3e : seuls 74 % des élèves en REP+ obtiennent ce diplôme, contre 87 % pour les élèves scolarisés dans le public hors EP. Par la suite, les élèves de REP+ sont presque 30 % à s’orienter vers une Seconde pro, contre 19 % pour les élèves hors EP.
Résultats positifs
Ces chiffres pourraient conduire à conclure que la politique d’éducation prioritaire est un échec. Ce n’est pourtant pas le cas – ou, du moins, la Depp estime que la situation serait probablement pire encore sans l’existence du réseau prioritaire.
L’étude insiste en particulier sur les effets bénéfiques du dédoublement des classes dans les réseaux REP et REP+. Pour mémoire, ce dédoublement s’est fait en plusieurs étapes, depuis 2017 : d’abord les classes de CP, puis les CE1, et enfin les classes de grande section de maternelle depuis 2020. Avec pour résultat mécanique une baisse drastique des effectifs moyens dans ces établissements : dans les classes de CP REP+, l’effectif moyen est passé de 21,7 élèves en 2015 à 12,7 en 2024.
La Depp, depuis 2017, a été chargée d’évaluer sur le long terme l’impact de ces mesures. Au bilan, les auteurs de l’étude estiment que « la réduction de la taille des classes en REP+ semble avoir eu un effet sur la progression des élèves scolarisés dans les classes dédoublées, en français et en mathématiques au cours de leurs deux premières années d’enseignement élémentaire » . Par ailleurs, les enseignants jugent que cette réduction des effectifs a permis « d’améliorer le climat » dans les classes, le rendant « plus propice aux enseignements et aux apprentissages », tant en CP qu’en CE1. Les enseignements peuvent avoir davantage recours à « la différenciation », c’est-à-dire le fait d’avoir une attitude et une pédagogie adaptée à chaque élève. Résultat : les écarts de performance entre les élèves de l’EP et ceux qui n’y sont pas ont tendance à se « réduire » , sans toutefois disparaître, on l’a vu.
Ces résultats positifs font espérer que cette politique de soutien à l’éducation prioritaire, forcément coûteuse pour les finances publiques, ne soit pas victime, dans les années à venir, des coupes budgétaires visant à réduire les déficits. Les déclarations de Sébastien Lecornu, encore récemment, laissent entendre que seuls les budgets de la sécurité et de l’armée seraient sanctuarisés, ce qui laisse planer quelques incertitudes à ce sujet.
Rappelons que les communes ont engagé des moyens parfois conséquents pour mettre en œuvre ces dédoublements de classe, et qu’il ne conviendrait donc pas que ces efforts soient remis en question pour des raisons purement comptables, ne tenant nullement compte des incidences pour la réussite des élèves, d’autant que les maires concernés constatent des hausses des effectifs moyens dans ces classes dédoublées.
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