Le Comité des finances locales déplore un projet de loi de finances 2023 « calamiteux »
Par Xavier Brivet
« Nous sommes déçus et inquiets » car « ce budget pour 2023 est calamiteux pour les collectivités ». Ainsi André Laignel a-t-il résumé le sentiment des élus du Comité des finances locales (CFL), le 26 septembre, devant lequel Gabriel Attal, ministre délégué chargé des Comptes publics, et Caroline Cayeux, ministre déléguée chargée des Collectivités territoriales, venaient de présenter le volet « collectivités » du projet de loi de finances pour 2023. « Les trois lignes rouges fixées par l’AMF ont été franchies », a déploré le président du CFL lors d’une conférence de presse organisée au siège de l’AMF.
Pas d’indexation de la DGF sur l’inflation
Première ligne rouge : l’absence d’indexation de la DGF sur l’inflation, demandée par les élus dans le contexte actuel de renchérissement sensible du coût des matières premières et de l’énergie. « La DGF du bloc local représente environ 18 milliards d’euros. L’indexation de ce montant sur une inflation à 6 % aurait permis de faire bénéficier les collectivités d’environ 1 milliard d’euros de crédits supplémentaires. Le gouvernement refuse de le faire. Au lieu de cela, il propose un crédit complémentaire de 210 millions d’euros pour ‘’limiter’’ l’écrêtement de la dotation forfaitaire pour les communes concernées et ainsi, soi-disant, stabiliser la DGF de l’ensemble des collectivités l’an prochain. C’est nettement insuffisant ! », explique André Laignel. Dans une interview accordée à La Gazette des communes, publiée hier, Gabriel Attal explique en effet que l’État « réfléchit à mieux garantir une sanctuarisation de la DGF au niveau individuel tout en permettant un soutien aux dotations de solidarités urbaines et rurales (DSU et DSR) sans passer par un écrêtement de la DGF ». Le ministre évoque à ce stade « une piste de travail ».
Le gouvernement n’a en tout cas fourni aucun détail sur ce dispositif aux élus du CFL, affirme le maire d’Issoudun, et a renvoyé la mesure à un amendement gouvernemental qui sera introduit lors de la discussion parlementaire. Dans ce contexte, le premier vice-président délégué de l’AMF estime que « le recul de la DGF sera d’un milliard d’euros l’an prochain en euros constants » compte tenu de la non-indexation, tout en soulignant que « l’inflation touchant les collectivités est supérieure à celle affectant les ménages. Le gouvernement ferait donc un mini-geste » avec ce crédit de 210 millions d’euros, loin de couvrir la flambée des dépenses des communes et de leurs groupements. Au passage, André Laignel a rappelé que le bouclier tarifaire sur l’énergie reconduit par l’État l’an prochain « concernera avant tout les petites communes, ce qui est bien, mais laisse de côté les villes qui subissent les plus fortes hausses du coût de l’énergie compte tenu de leurs charges de centralité ».
Suppression de la CVAE
Deuxième ligne rouge franchie par l’exécutif, selon André Laignel : la suppression de la CVAE sur deux ans (2023 et 2024). « Même étalée, c’est une mauvaise mesure qui coupera le lien entre le territoire et le monde économique, et nuira au développement industriel car les élus n’auront plus de recette fiscale en retour de leur effort pour accueillir les entreprises ». La compensation aux collectivités « serait indexée sur la TVA mais répartie en prenant comme critère les bases de cotisation foncière des entreprises (CFE). Or, ce critère créerait des distorsions importantes entre les collectivités car ces bases varient d’un territoire à l’autre », souligne l’élu qui rappelle que « l’AMF demande à l’État de compenser la perte de recette aux collectivités via un dégrèvement qui a le mérite de la simplicité et de la transparence ». Dans l’interview accordée à La Gazette, le ministre délégué chargé des Comptes publics indique que « nous avons prévu de compenser la suppression de la CVAE en retenant la moyenne des trois dernières années et en lui appliquant la dynamique de la TVA dans les années à venir », tout en confirmant que « pour répartir cette dynamique, nous proposons (…) de prendre comme critère les bases de CFE », sans toutefois fermer la porte à la prise en compte d’autres critères.
Notons au passage que la période retenue (la moyenne des trois dernières années), est défavorable pour les communes en termes de compensation : elle intègre en effet la période covid-19, pendant laquelle l’activité économique a été fortement réduite, et les rentrées fiscales d'autant.
Limitation des dépenses de fonctionnement des collectivités
Troisième ligne rouge pour le président du CFL : la décision confirmée par l’État de limiter la progression des dépenses de fonctionnement des collectivités, dans les cinq prochaines années, au niveau de l’inflation moins 0,5% (lire article ci-dessus).
Cette ponction est assimilée par André Laignel à une « taxation des collectivités par l’État, qui leur demande de contribuer à la résorption d’une dette et d’un déficit publics dont elles ne sont pas responsables ! ». Le maire d’Issoudun a rappelé que « depuis 2014, l’État a déjà ponctionné pour cela les collectivités de 46 milliards d’euros en baissant puis en gelant la DGF. Nous avons largement donné ! Le gouvernement ose dire qu’il abandonne les contrats de Cahors au bénéfice d’un ‘’contrat de confiance’’ avec les collectivités. Je vois pour ma part un "contrat de méfiance" dans ce nouveau dispositif, d’autant que le gouvernement prévoira sans doute des représailles pour les collectivités ne respectant pas la limitation de leurs dépenses ».
Autres mesures
Une relativement bonne nouvelle au milieu de cette série de mauvaises, a toutefois admis le président du CFL : le gouvernement a accepté de reporter l’entrée en vigueur de la réforme des valeurs locatives des locaux professionnels (prévue en 2023), ce qui permettra de procéder aux simulations nécessaires pour s’assurer que cette réforme ne s’opère pas au détriment des commerces de centre-ville en avantageant les grandes surfaces en périphérie.
Bercy a également annoncé ne pas souhaiter remettre en cause, l’an prochain, la revalorisation forfaitaire des valeurs locatives qui servent de base de calcul de la taxe foncière sur le bâti, de la taxe d’habitation sur les résidences secondaires et de la taxe d’enlèvement des ordures ménagères (Teom). Le gouvernement s'en remettra, dit-il, au Parlement pour décider du montant de la revalorisation. Mais il s'agit là, en revanche, d'une fausse bonne nouvelle, puisqu'il semble, d'après plusieurs parlementaires, que cette revalorisation se fera à un taux très bas, sans doute 3,5 %. Et ce avec l'accord de Bercy.
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