Projet de loi sur la laïcité : les associations d'élus s'expriment
L’examen de ce texte – anciennement désigné comme projet de loi « contre les séparatismes » – va durer jusqu’au 17 février. C’est dans ce contexte que France urbaine, ce matin, a souligné un certain nombre de « points d’attention ».
La question des moyens
Devant la commission spéciale déjà, mercredi dernier, la présidente de France urbaine, Johanna Rolland, avait dénoncé le manque « d’ambition sociale » du texte. « Si on ne prend pas en compte cette question, il y a une part de l’enjeu auquel on ne répondra pas », avait défendu la maire de Nantes. « Ce texte gagnerait en profondeur et en efficacité s’il intégrait des mesures sociales. »
Dans le communiqué paru ce matin, France urbaine, tout en rappelant « l’attachement aux valeurs républicaines que sont la liberté, l’égalité, la fraternité, l’éducation et la laïcité » des maires des grandes villes, met en garde le gouvernement : « Cette loi ne doit pas être utilisée ou être perçue comme visant de façon particulière une religion, à savoir, la religion musulmane. » Si les élus de France urbaine saluent des avancées sur « la protection de la dignité humaine » et « la protection des agents territoriaux », ils regrettent – comme Johanna Rolland l’avait fait devant la représentation nationale – que « la question des moyens alloués à la justice, à la police et à la formation des élus et fonctionnaires [ne soit] pas posée ». France urbaine demande également « une meilleure coopération entre l’État et les collectivités sur le partage des informations sensibles ».
Plus spécifiquement, l’association regroupant les grandes villes s’interroge sur l’article 2 du texte, qui « étend la procédure de référé liberté exercée par le préfet ». France urbaine « pose la question de la plus-value de cet article et du risque engendré, celui de jeter le discrédit sur l’ensemble des élus de la République ».
L’association critique également l’article 18 du texte, sur lequel le Conseil d’État a d’ailleurs émis des « réserves ». Cet article crée un nouveau délit de mise en danger de la vie d’autrui par la diffusion d’informations sur les réseaux sociaux. France urbaine demande que cet article soit amendé pour garantir « la protection et la liberté de la presse ». Enfin, l’association demande le « retrait » de l’article 32 du texte, qui propose l’exemption du droit de préemption urbain dans certaines situations.
« Espace du service public »
Mercredi, c’est le président de l’AMF, François Baroin, accompagné de Gilles Platret, co-président du groupe de travail Laïcité de l'association, qui s’est exprimé devant la commission spéciale à propos de ce texte « attendu, espéré et très regardé » par les maires, à la fois « agents de l’État, officiers de police judiciaire et animateurs d’équipes locales ». Mais le maire de Troyes s’est voulu très clair : « L’ordre public, c’est l’État. C’est une mission régalienne, qui ne fait l’objet d’aucune contestation. La volonté des maires, « ce n’est pas de remplacer l’État » sur ce terrain mais d’être « à ses côtés ».
Concernant le principe de neutralité dans les espaces publics, conforté par le projet de loi, François Baroin a rappelé que les communes sont « le plus grand propriétaire d’espaces publics » du pays. Mais il a appelé les députés à réfléchir à une définition de « l’espace du service public » : « Les mairies et mairies annexes, bien sûr, mais aussi les complexes sportifs, y compris les vestiaires, les piscines, les transports publics… ». La définition de cette notion « d’espace du service public » permettrait, selon l’AMF, « une reconquête territoriale du principe de neutralité ».
Le président de l’association a, une fois encore, dénoncé le fait qu’un préfet « puisse se substituer à un maire » dans certaines situations liées, par exemple, à la problématique des permis de construire des lieux de culte. « Octroyer un permis de construire, c’est une prérogative municipale, l’État ne peut pas remplacer le maire. »
François Baroin a également évoqué la question, là encore récurrente, de l’information des maires vis-à-vis de personnes radicalisées sur leur territoire. « Il est insupportable pour un maire de constater dans la presse » la présence dans sa commune de tels individus. « Nous souhaitons qu’il y ait une avancée » sur ce terrain, a déclaré le maire de Troyes. « Sous quelle forme ? Nous souhaitons que le maire, aux côtés du préfet et du procureur, puisse avoir accès à des données personnelles, sous un contrôle strict.»
François Baroin a également appelé les députés à assumer d’avoir un débat sur l’obligation de neutralité non seulement des salariés « mais des usagers » de l’espace du service public. Avec en particulier la question récurrente des accompagnatrices de sorties scolaires. « Vous n’échapperez pas à ce débat », a lancé François Baroin aux députés, expliquant qu’à titre personnel, il considère comme une erreur « singulière » de ne pas inclure ces accompagnatrices, quand elles interviennent dans le cadre du temps scolaire, dans le périmètre des missions de service public.
« Je tiens ce texte pour un texte d’urgence » , a conclu le président de l’AMF. « Il ne faut pas avoir peur d’aller loin dans ce texte. Il y a une dégradation [de la situation de la laïcité], pas une commune n’y échappe. Nous avons besoin d’un cadre. »
Franck Lemarc
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