La suspension du jour de carence ne sera pas rétroactive
La demande était générale, tant de la part des organisations syndicales que des employeurs territoriaux : la suppression du jour de carence est aussi un moyen de lutter contre la propagation de l’épidémie, puisque le jour de carence et la baisse de revenus qu’il provoque peuvent dissuader des agents asymptomatiques ou constatant de légers symptômes du covid-19 de rester chez eux.
C’est au Sénat, en décembre dernier, qu’a été finalement voté, avec l’accord du gouvernement, un amendement supprimant le jour de carence dans la fonction publique pour les « congés de maladie directement en lien avec le risque qui a conduit à la déclaration de l’état d’urgence sanitaire », c’est-à-dire uniquement pour les cas de covid-19. Le dispositif n’est donc pas le même que pendant la première vague, quand le gouvernement avait décidé de la suspension pure et simple du jour de carence, toutes pathologies confondues.
Pas de rétroactivité
L’article 217 de la loi de finances résultat de cet amendement prévoyait une application jusqu’à la fin alors prévue de l’état d’urgence sanitaire, soit le 16 février 2021. Il était convenu que la mesure entrerait en vigueur le 1er janvier. Sauf que, faute du décret d’application prévu par la loi, elle ne l’est toujours pas.
Le projet de décret prévoyant la suspension du jour de carence a été présenté hier devant le CCFP (Conseil commun de la fonction publique). Avec une surprise à la clé : au lieu du 16 février, la mesure sera applicable jusqu’au « 31 mars 2021 inclus ». C’est-à-dire non pas jusqu’à la fin de l’état d’urgence sanitaire, comme le prévoit la loi, mais jusqu’à la fin de la période dite de « sortie de l’état d’urgence », qui doit intervenir le 1er avril 2021. Quoi qu’il en soit, ces dates vont rapidement ne plus être valables, puisque le gouvernement se prépare à proroger une nouvelle fois l’état d’urgence jusqu’en juin…
La mesure va donc prendre effet plus longtemps que prévu, mais après avoir aussi démarré plus tard : pour l’instant, faute de décret, le jour de carence est toujours en vigueur. Et le projet de décret ne contient absolument aucune allusion à une rétroactivité de la mesure, il précise simplement qu’il entrera en vigueur « le lendemain de sa publication ».
Les agents contaminés entre le 11 juillet dernier et l’hypothétique jour de publication du décret subiront donc les effets du jour de carence, ce qui a été dénoncé par les organisations syndicales comme « une inégalité de traitement ».
On peut également s’interroger sur le fait que le projet de décret date la fin du dispositif au 31 mars, plutôt que de le faire courir jusqu’à la fin de l’état d’urgence sanitaire… alors que le projet de loi qui va prolonger celui-ci est déjà écrit et va être présenté en Conseil des ministres mercredi prochain. Le gouvernement semble tout faire pour que cette mesure s’applique pendant le moins de temps possible. Peut-être parce que la nouvelle procédure annoncée officiellement hier, permettant aux salariés de générer un arrêt de travail quasi-automatiquement sur le site de l’Assurance maladie, sans passer par un médecin, fait craindre aux employeurs des effets d’aubaine ?
Le secret médical oublié
Un autre point continue de faire débat. La suspension du jour de carence n’étant réservée qu’aux patients atteints du covid-19, comment garantir le secret médical vis-à-vis de l’employeur – dans la mesure où, indique le projet de décret, le jour de carence ne sera suspendu que sur présentation d’un « arrêt de travail dérogatoire établi par l’Assurance maladie » ?
Il semble que la procédure choisie balaye donc la question du secret médical, qui n’est plus assuré en l’espèce. Cette question était pourtant l’argument invoqué pendant des semaines, l’automne dernier, par la ministre de la Transformation et de la Fonction publiques, pour refuser la suspension du délai de carence. Comprenne qui pourra.
Le projet de décret a été approuvé par les représentants des élus au Conseil national d’évaluation des normes, saisi en extrême urgence à la fin de l’année. Il devrait donc être publié très rapidement.
Franck Lemarc
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