La pauvreté s'aggrave en France, alerte le Secours populaire français
Par A.W.
Difficultés pour se loger, se chauffer, se soigner ou faire trois repas par jour. Le sentiment de précarité continue de « s'aggraver » et de « s'étendre » en France en 2024, alerte le Secours populaire français (SPF) qui brosse un tableau inquiétant de la pauvreté des ménages, dans son dernier baromètre sur le sujet publié ce matin.
Selon cette enquête, réalisée en mai avec l’institut de sondages Ipsos auprès de 996 personnes, un Français se considère désormais pauvre avec moins de 1 396 euros par mois (+19 euros par rapport à 2023), soit peu ou prou le niveau actuel du Smic (1 398 euros net par mois). Un seuil particulièrement éloigné du seuil de pauvreté officiel retenu par l’Insee qui est de 1 158 euros et concerne un peu plus de 9,1 millions personnes en France.
Ouvriers et ménages ruraux
Si le seuil subjectif de pauvreté varie, toutefois, en fonction du lieu et de la composition de la famille, les personnes dont le revenu mensuel net du foyer est inférieur à 1 200 euros estiment, pour leur part, que c’est en dessous de 1 184 euros net par mois que l’on doit être considéré comme pauvre.
Le niveau de difficulté est tel, actuellement, que 62 % des Français déclarent avoir connu la pauvreté (40 %) ou avoir été sur le point de la connaître (22 %). Un chiffre en hausse de 4 points par rapport à l’an passé.
Une « fragilité financière » qui touche, d’abord, les catégories populaires. Ainsi, « 80 % des ouvriers déclarent avoir connu la pauvreté ou avoir été sur le point de la connaître » (+ 6 points en un an). Dans les communes rurales, zones où la population est constituée d’une part importante d’ouvriers et d’employés, le niveau s’établit à 69 %.
Particulièrement « pessimistes », huit Français sur dix pensent que les risques de connaître un jour une situation de précarité sont plus élevés pour leurs enfants. « C’est chez les parents d’enfants de moins de 18 ans que l’inquiétude est la plus grande (86 %) », note le SPF alors que « cette préoccupation s’est stabilisée à ces niveaux très élevés depuis 2018 ».
Logement et énergie : des difficultés « record »
Alors que la moitié des répondants à l’enquête déclare ne toujours pas réussir à mettre de l’argent de côté, « jamais les difficultés n’ont été aussi élevées » sur de nombreux postes budgétaires essentiels tels que l’énergie, le logement ou l’accès à une mutuelle santé. Et les arbitrages des ménages sont « de plus en plus serrés », observe le Secours populaire.
Près d’une personne sur deux (47 %) peine ainsi à payer ses factures d’énergie. Un nouveau record, alors qu’un peu plus d’une personne sur quatre (27 %) se disait dans une telle situation en 2020. « Les factures sont si lourdes que 43 % des personnes interrogées ne chauffent pas leur logement lorsqu’il fait froid », déplore l’association. Une situation qui arrive « parfois » pour un quart des Français (26 %) et « régulièrement » pour 17 % d’entre eux.
Le coût du logement continue également de « fragiliser les familles à un niveau jamais mesuré auparavant » puisque 38 % des ménages disent avoir désormais du mal à régler leur loyer ou leur emprunt immobilier (+4 points). Ils n’étaient encore qu’un quart en 2020.
Disposer d’une mutuelle devient également une difficulté majeure pour 29 % des répondants (+3 points). Un niveau également « record », atteint uniquement en 2021, ces dernières années. Autre « record » établi en 2024 : les difficultés pour partir en vacances au moins une fois par an touchent, là aussi, près d’un Français sur deux (48 %).
Les personnes ayant un revenu modeste sont, sans surprise, particulièrement affectées et voient leurs difficultés progresser sur presque tous les postes. Près de 70 % d’entre elles peinent ainsi à partir en vacances, à payer leurs dépenses énergétiques, leurs frais de transport ou encore leur loyer (ou leur emprunt immobilier) alors que la crise du logement bat son plein.
Un parent sur trois se prive de manger pour ses enfants
Autre point inquiétant « du fait de la baisse de son pouvoir d’achat ces dernières années », un Français sur trois est toujours contraint « parfois ou régulièrement » de ne pas faire trois repas par jour (dont 15 % régulièrement). Un tiers des parents ne se nourrissent également pas toujours à leur faim pour pouvoir nourrir leurs enfants (dont 10 % régulièrement).
« De tels contrastes entre les différents niveaux de vie témoignent d’une aggravation des inégalités d’accès aux besoins essentiels », dénonce ainsi le Secours populaire qui constate que les difficultés s'aggravent également pour pratiquer un sport ou des loisirs ou prendre soin de son apparence physique (coiffure…).
Une autre problématique mise en avant concerne l'accessibilité à certains services essentiels. Si un tiers des Français ont des difficultés pour accéder à un service de santé ou de transport en commun, l’inaccessibilité aux services essentiels est « logiquement plus forte en zone rurale » (et périurbaine) et reste « préoccupante », selon SPF. Deux ruraux sur cinq ont ainsi des difficultés pour accéder à un service de santé et même trois sur cinq peinent à trouver des transports en commun. Un quart dit également avoir du mal à accéder à des services sociaux.
A noter que, hors des métropoles, 40 % des répondants ont « de grandes difficultés à disposer d’équipements numériques en état de fonctionnement ». Soit sept points de plus que l’ensemble des Français. « Une privation qui marginalise dans une société où l’accès aux services, et même aux services publics, a massivement migré sur Internet, rendant plus aléatoire la possibilité de faire valoir ses droits », rappelle l’association.
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