La Nouvelle-Calédonie encore très loin du retour à la normale
Par Franck Lemarc
Dans un communiqué publié hier, le ministère de l’Intérieur répète que « la situation s’améliore sur le plan de la sécurité », mais qu’elle « reste très difficile ». Une vaste opération de police a eu lieu vendredi dans le quartier de Rivière-Salée pour dégager des barrages, mais de nouveaux blocages apparaissent au fil du démantèlement d’autres. Ainsi, hier, la clinique Kuindo-Magnin de Nouméa a été bloquée, et des coups de feu ont été entendus par les riverains. Des installations de la SLN (Société le nickel) ont été gravement endommagées, également hier, avec l’incendie volontaire d’un convoyeur de minerai qui a été partiellement détruit, empêchant le chargement d’un bateau minéralier.
Le maire de Boulouparis et président de l’Association française des maires de Nouvelle-Calédonie, qui regroupe un tiers des communes de l’île, dont Nouméa, Pascal Vittori, s’est exprimé sur Outre-mer la Première, hier, pour faire part du « sentiment d’insécurité » qui subsiste dans plusieurs communes de l’agglomération, même si la plupart des barrages ont été levés. Il témoigne également sur les pénuries, les difficultés d’approvisionnement en denrées alimentaires, carburant et argent liquide (deux distributeurs sur trois sont vides dans sa commune), et les graves problèmes de santé publique : à Boulouparis, un nouveau-né est décédé du fait de l’impossibilité pour le Samu d’arriver à temps pour prendre en charge la mère.
Pascal Vittori, peu optimiste, craint que cette situation se prolonge pendant plusieurs mois.
Nombreux dysfonctionnements
Dans cette situation encore tendue, le Haut-commissariat a indiqué hier que le couvre-feu serait prolongé au moins pendant une semaine encore. L’aéroport international de Nouméa, qui aurait dû rouvrir ce week-end, reste finalement fermé « jusqu’à nouvel ordre » , alors que débutent aujourd’hui les vacances scolaires en Nouvelle-Calédonie.
Un lent retour à la normale est néanmoins constaté sur un certain nombre de sujets : par exemple, la collecte des ordures ménagères reprend normalement aujourd’hui à Nouméa, en porte-à-porte, et devrait reprendre dans les autres communes de l’agglomération tout au long de la semaine.
Les rotations commerciales entre la grande île et les îles de Maré et Lifou reprennent également peu à peu. En revanche, le réseau de bus Tanéo du Grand Nouméa est toujours à l’arrêt. Preuve, là encore, que le retour à la normale est loin d’être acquis, la mairie de Dumbéa annonce qu’elle restera fermée aujourd’hui « en raison des nombreux axes bloqués dans la commune et aux alentours ».
À Nouméa, la caisse des écoles a été entièrement détruite par un incendie, et la mairie tente de s’organiser pour rétablir les services. Le paiement des factures de garderie et de cantine ont été repoussés au 30 juin.
Selon des chiffres publiés ce matin par la Chambre de commerce et d'industrie de l'archipel, quelque 5 000 personnes auraient perdu leur emploi du fait des dégâts générés par les émeutes, et 15 000 seraient contraintes au chômage partiel
Les élections européennes se tiendront « normalement », affirme l’État
Dans ces conditions, bien des élus sont inquiets sur la tenue des élections européennes, dimanche prochain. Hier, le Haut-commissariat a pourtant assuré que ce scrutin se tiendrait « normalement » sur « l’ensemble du territoire ». « Le matériel de vote est arrivé et les préparatifs sont en cours pour son acheminement vers les communes », précise le représentant de l’État. « Les bureaux de vote sont en cours de recensement. En cas de modification s’agissant de leur localisation, une communication dédiée des communes et des services de l’État sera effectuée avant la tenue du scrutin. » Même si le taux d’abstention est traditionnellement extrêmement élevé en Nouvelle-Calédonie pour ce scrutin (presque 81 % en 2019), l’État tient à « se donner les moyens » qu’il puisse se dérouler dans des conditions normales. Reste à savoir si de nouveaux barrages, d’ici dimanche, empêchent d’accéder aux bureaux de vote.
Sur le plan politique, le ministère de l’Intérieur notait hier que les porte-parole des partis et organisations indépendantistes n’ont toujours pas clairement appelé à la levée de tous les barrages et que celle-ci n’est pour l’instant « due qu’à l’action de la force publique ».
Le FLNKS ne partage pas ce point de vue et affirme qu’il tente de calmer la situation et pousse à la levée des barrages. Mais, dans un courrier adressé aux représentants de l’État, ses dirigeants expliquent que leurs appels au calme ne sont « pas audibles » par la base dans la mesure où le président de la République ne s’est toujours pas engagé à « ne pas convoquer le Congrès » pour faire ratifier la réforme constitutionnelle qui a mis le feu aux poudres. Faute d’un engagement ferme du chef de l’État dans ce sens, qui équivaudrait, de fait, à un abandon de la réforme, le FLNKS estime que tout appel à la « sérénité » restera vain.
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