La mortalité des arbres a augmenté de 80 % en dix ans, selon l'IGN
Par Franck Lemarc
L’inventaire forestier national ou IFN a pour mission de dresser chaque année « un véritable état des lieux de la forêt française ». Les données publiées dans l’IFN permettent de mesurer, une fois encore, les effets délétères du changement climatique.
Une forêt en croissance constante
Contrairement à une idée reçue, la forêt ne cesse de progresser en France depuis 150 ans. Malgré l’urbanisation et l’artificialisation des sols, la surface de la forêt en métropole a doublé entre 1840 et nos jours : elle était de 8,9 millions d’hectares en 1840, et de 17,3 millions d’hectares en 2022. C’est plus de 31 % du territoire qui est aujourd’hui couvert par de la forêt. Cette évolution s’explique par l’exode rural, d’une part, et une politique volontariste de reboisement des terres agricoles après-guerre, d’autre part : 2 millions d’hectares ont été boisés entre 1947 et 1999. L’IGN note que « l’accroissement de la surface forestière est toujours soutenu, à hauteur de 85 000 ha par an », particulièrement en Bretagne et dans la zone méditerranéenne.
L’Institut rappelle également que les trois quarts des forêts françaises appartiennent à des propriétaires privés. Sur le quart restant, 1,5 million d’hectares sont constitués de forêts domaniales (appartenant à l’État), et 2,8 millions de forêts communales.
La croissance de la surface forestière implique logiquement une croissance du volume de bois : dans les trente dernières années, le stock de bois vivant a augmenté de 50 %, passant de 1,8 à 2,8 milliards de mètres cubes. Sur cette période, deux départements seulement ont vu leur volume de bois sur pied diminuer : il s’agit des Lande et de la Gironde, à cause des tempêtes de 1999 et 2009.
Mortalité en forte hausse
Voilà pour les bonnes nouvelles. Car la situation est, malgré cette croissance continue, inquiétante : la croissance a tendance à ralentir voire, dans certains départements, à se transformer en décroissance. Dans ces départements, la mortalité des arbres et les prélèvements dus à des coupes « sanitaires » sont supérieurs à la production biologique, avec un bilan net qui devient négatif.
La mortalité des arbres est en très forte hausse à l’échelle nationale : elle a augmenté de 80 % en dix ans. « La surface forestière touchée actuellement par le dépérissement est équivalente au cumul des surfaces touchées par les incendies de ces 35 dernières années. »
L’IGN explique que la mortalité en hausse des arbres est due à plusieurs facteurs qui se surajoutent les uns aux autres : les maladies, les « bioagresseurs » et la sécheresse. Des maladies comme la chalarose du frêne, due à un champignon, ou des insectes comme les scolytes sur les épicéas, déciment ces populations d’arbres d’autant plus rapidement que ceux-ci sont affaiblis par la sécheresse.
L’IGN note que désormais, l’espèce la plus touchée par la mortalité est l’épicéa commun, qui est passé devant le châtaignier et le frêne. Du fait de la crise des scolytes, la population d’épicéa décroît – il en meurt plus qu’il n’en pousse. Cette diminution est due à la fois à la mort des arbres touchés par les scolytes qu’aux prélèvements dits « sanitaires » (coupe des arbres pour tenter de limiter la propagation du parasite).
« Croissance radiale »
L’inventaire de l’IGN présente également des données très intéressantes sur « la croissance radiale » des arbres, c’est-à-dire le rythme auquel leur tronc s’élargit. Ces données sont importantes pour comprendre l’impact du réchauffement climatique sur la croissance des arbres. Certaines espèces, comme le pin maritime ou le pin d’Alep, voient leur croissance radiale accélérer, tandis que d’autres, dont l’épicéa ou le sapin pectiné, la voient ralentir fortement.
Les analyses de l’IGN sont nuancées : l’institut explique que l’impact du réchauffement climatique est parfois positif et parfois négatif, selon les espèces et selon les territoires (l’IGN parle de « SFR » ou systèmes forestiers régionaux). Dans les SFR les plus fertiles et les plus propices à la croissance des arbres, c’est-à-dire essentiellement en plaine, le changement climatique « est synonyme de détérioration des conditions de croissance (moins de précipitations, réchauffement très marqué) ». Dans les SFR qui, au contraire, étaient auparavant moins propices à la croissance (moyenne ou haute montagne en particulier), le réchauffement climatique amène une « amélioration des conditions » de croissance des arbres, avec « un réchauffement modéré conduisant à une saison végétative plus longue ».
Outre les problèmes liés au dépérissement d’un certain nombre d’espèces, l’inventaire forestier de l’IGN permettra aussi, dans les années à venir, de suivre l’évolution de la répartition des espèces sur le territoire, le réchauffement climatique induisant, de façon mécanique, la « remontée » vers le nord d’espèces qui ne se développaient auparavant que sur le pourtour méditerranéen.
Toutes les données de l’inventaire sont à retrouver sur le site de l’Observatoire de la forêt piloté par l’IGN.
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