Maire-info
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Édition du mardi 2 mars 2021
Coronavirus

La mission Cazeneuve estime les pertes liées à la crise sanitaire à 3,8 milliards d'euros pour les finances locales

Le député du Gers Jean-René Cazeneuve, chargé d'une mission sur l'impact de la crise sanitaire sur les finances des collectivités locales, a publié vendredi dernier une « mise à jour » des données dont il dispose. Il chiffre à présent cet impact à 3,8 milliards d'euros, ce qui est moins que ce que laissaient craindre les précédentes estimations. Ces chiffres sont néanmoins, pour l'instant, impossibles à vérifier.

« Les finances locales se montrent résilientes à la crise », se réjouit Jean-René Cazeneuve. Globalement, en tout cas : car les mesures de soutien prises par le gouvernement n’empêchent pas « de fortes disparités selon les niveaux de collectivités », souligne le député du Gers. Il a appuyé son étude sur les derniers chiffres livrés par la DGFiP, lesquels chiffres ne seront communiqués aux associations d’élus que le 5 mars prochain. L’AMF explique donc qu’elle n’est pas en mesure, à ce jour, de confirmer les estimations du député. 

3,8 milliards de pertes

Dans le troisième « baromètre »  qu’il a publié vendredi 26 février, Jean-René Cazeneuve s’appuie sur les comptes de gestion des collectivités locales pour 2020 de la DGFiP, dont il a semble-t-il eu la primeur. Ces comptes ne sont toutefois pas définitifs et « des évolutions »  peuvent encore survenir.
Selon ces chiffres, les recettes réelles de fonctionnement des collectivités ont diminué d’environ 1 % en 2020 tandis que les dépenses de fonctionnement augmentaient d’autant. Toutefois, note le député, « cette augmentation des dépenses pourrait être moins importante une fois les mesures d’étalement passées dans les comptes des collectivités ». Il doit être également constaté « une bascule »  dans le contenu des dépenses : les charges et achats externes ont largement diminué (- 3,6 %) tandis que les subventions et les frais de personnel ont augmenté en raison de l’épidémie (respectivement de 1,9 % et 1 %). 
Le député estimé à 4,3 milliards d’euros la perte de recettes subie par les collectivités, ramenées à 1,9 milliard si l’on tient compte d’une hausse des recettes fiscales de 2,4 milliards d’euros. Les dépenses nettes auraient augmenté de 1,9 milliard également. Total : 3,8 milliard d’euros de pertes. 

« Disparités profondes » 

Reste que les disparités sont profondes entre les niveaux de collectivités et selon la taille de celles-ci. « Il existe une corrélation entre la taille des communes et l’impact de la crise », note Jean-René Cazeneuve, les villes les plus peuplées étant plus touchées que les communes rurales. Selon les chiffres de la DGFiP, les recettes réelles de fonctionnement ont moins baissé dans les communes de moins de 3 500 habitants (- 1,3 %) que dans celles de plus de 3 500 habitants (- 2,3 %). La capacité brute d’autofinancement augmenterait d’1,5 % dans les petites communes (moins de 3 500 habitants), tandis qu’elle s’effondrerait (- 10,7 %) dans les autres. Selon France urbaine, cette baisse de la capacité d’autofinancement pourrait atteindre jusqu’à 30 % dans certaines grandes villes. Cet écart s’explique par la baisse des recettes tarifaires et des recettes d‘occupation du domaine public, bien plus importantes dans les grandes villes. Il faut toutefois noter la différence considérable entre ces chiffres, qui font état d’un effondrement de la capacité d’autofinancement, et ceux donnés par Bercy, en janvier qui, à la grande surprise des élus locaux, tablait sur une hausse de la capacité d’autofinancement des communes de plus de … 30 % !
Les communes touristiques et de montagne sont également beaucoup plus impactées que les autres, du fait des pertes sur les recettes spécifiques que sont les taxes de séjour, taxes sur les remontées mécaniques ou sur les gains de casino. Point très important à noter : la diminution des recettes de ces taxes spécifiques est « supérieure à celle qui avait été estimée en octobre », et qui avait servi à calculer les compensations. Celles-ci devront donc être réajustées à la hausse. 
Le député relève également que « l’absence de prise en compte des recettes tarifaires dans le mécanisme de compensation du bloc communal »  pose problème, et que les aides aux AOM (autorités organisatrices de la mobilité) paraissent « partielles et inéquitables ». 

« Risque faible »  pour le bloc communal

La mission dirigée par Jean-René Cazeneuve estime que la reprise, après la crise, sera moins forte qu’envisagée il y a quelques mois. Certes, « la situation sera meilleure en 2021 qu’en 2020 », mais la prolongation de la crise sanitaire aura tout de même des effets sur les finances locales. Selon les projections, les recettes réelles de fonctionnement devraient lentement remonter en 2021 et 2022, mais en restant très en-deçà des prévisions d’avant-crise. Ce qui pèsera, naturellement, sur les investissements. 
Si le député estime que le risque est « faible »  pour le bloc communal, notamment parce que communes et EPCi seront « peu »  impactés par la baisse des impôts économiques locaux, la situation risque d’être plus tendue pour les départements, où « l’effet ciseau n’est pas totalement écarté » : les recettes des DMTO sont « incertaines »  pour 2021, alors que les dépenses sociales devraient continuer d’augmenter. 
Quant aux régions, elles devraient voir leurs recettes et leur capacité d’autofinancement « augmenter en 2021 et 2022, sans pour autant retrouver leur dynamique d’avant la crise ».
Sur tous ces sujets, le député propose la création d’un « observatoire, composé de plusieurs parties prenantes, (qui) pourrait jouer un rôle de tiers de confiance entre l’État et les collectivités ». Ce qui revient à considérer que l’Observatoire des finances locales, dépendant du Comité des finances locales, ne serait plus à même de jouer aujourd’hui ce rôle. 
Dès que les chiffres de la DGFiP seront communiqués à l’AMF, celle-ci fera ses propres calculs, ce qui permettra de savoir si le député du Gers pèche, ou non, par optimisme. Maire info reviendra donc dans une prochaine édition sur ce sujet, avec le secrétaire général de l’AMF et co-président de sa commission des finances, Philippe Laurent. À noter toutefois que même ces chiffres seront provisoires : les chiffres définitifs ne sont publiés, chaque année, que plus tard, en général vers le mois de juin, ce qui permet à l'Observatoire des finances locales d'établir son rapport annuel sur des bases consolidées.

Franck Lemarc

Télécharger le baromètre.

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