La définition juridique des dark stores pose toujours problème
Par Lucile Bonnin
Sommes-nous en train d’assister à un retour en arrière ? Un énième rebondissement a eu lieu la semaine dernière dans l’affaire des dark stores. En effet, le tribunal administratif de Paris a suspendu par référé neuf procès-verbaux d'infraction adressés par la Ville de Paris à Gorillas et Frichti, deux acteurs majeurs de ce type de livraisons rapides.
Cette décision met en lumière la necessité d'une clarification juridique rapide. Pour rappel, le gouvernement, après avoir concerté les associations d’élus, avait promis cette clarification en septembre indiquant que les dark stores seront considérés comme des entrepôts, même s'ils disposent d’un point de retrait (lire Maire info du 8 septembre).
Mises en demeure
Pour rappel, les élus refusent que ce nouveau type de local soit considéré des commerces « traditionnels » car leur installation aurait été facilitée, ce qui va à l’encontre des revendications des élus qui veulent pouvoir encadrer ce développement économique au profit des centres-villes.
Pourtant c’est bel et bien un succès que connaissent actuellement les dark stores dans ce combat qui oppose la capacité de régulation des maires et le développement rapide et silencieux de ces locaux en centre-ville. Les faits sont les suivants : la mairie de Paris a mis en demeure neuf locaux des deux sociétés en juin et juillet dernier. Ces dernières étaient priées de remettre « dans leur état d'origine » ces locaux sous peine d'une astreinte administrative de 200 euros par jour de retard.
Selon Emmanuel Grégoire, premier adjoint à la maire de Paris chargé de l’urbanisme, il y aurait entre 80 et 100 dark stores implantés illégalement à Paris. Si la Ville considère que ces locaux ont été transformés, sans autorisation, en entrepôts, le tribunal administratif de Paris ne voit pas d’infraction au Code de l’urbanisme.
« Espaces de logistique urbaine »
Ces dark stores « sont destinés à la réception et au stockage ponctuel de marchandises, l’ensachage des commandes et à la mise à disposition de ces commandes aux livreurs à bicyclette » . Le tribunal administratif leur donc reconnaît un « intérêt collectif » qui permet notamment « d'optimiser en milieu urbain le délai et le mode de livraison » et de « diminuer le trafic de camions et le nombre de points de livraison dans Paris intra-muros ».
L’instance va plus loin encore puisque « le juge des référés a estimé qu'il existait un doute sérieux quant à la qualification des locaux de Frichti et Gorillas, car ceux-ci pourraient être qualifiés d' « espaces de logistique urbaine » qui, contrairement à la destination d'entrepôt, n'est pas interdite par le PLU de Paris dans le cadre de la transformation de locaux existants en rez-de-chaussée sur rue » , peut-on lire dans un communiqué de l’entreprise Gorillas.
L’Espace logistique urbain (ELU) regroupe l’ensemble des équipements logistiques qui peuvent « améliorer le transit de marchandises et leurs relations entre la voirie et le lieu d’exploitation et entre la ville et sa périphérie plus ou moins lointaine. » Une nouvelle contradiction a été soulevée par la justice dans la volonté des élus de, à la fois, renforcer le maillage d’espaces de logistique urbaine dans les villes et de garder la main sur le développement exponentiel de ce type de commerces qui a des conséquences pour les centres-villes.
L’instabilité juridique toujours en cause
« Le tribunal administratif ne s'est pas appuyé sur un arrêté qui n'est pas sorti » . C’est ce qu’a déclaré Emmanuel Grégoire après avoir pris connaissance de ce jugement. Il déplore une « décision aberrante sur le plan du droit » et précise que la Ville va continuer d’instruire ce genre de procès-verbaux « malgré le flottement juridique ».
France urbaine, qui se mobilise depuis près d’un an pour que les maires puissent mieux réguler l’implantation des dark stores, ne partage pas non plus la vision du tribunal administratif de Paris. Dans un communiqué de presse, l’association soutient la décision de la ville de se pourvoir en cassation et pointe « un risque de jurisprudence ».
Une action du gouvernement est donc très attendue. Alors que déjà pendant l’été « les représentants des collectivités locales ont demandé à ce que l’on réfléchisse sur une autre manière de judiciariser ces problèmes lorsque ces activités ne respectent pas le PLU comme à Paris » , comme l'expliquait Alain Chrétien, maire de Vesoul et co-président de la commission Développement économique, Tourisme et Commerce de l’AMF, la justice semble pour le moment donner raison aux dark stores et pas aux maires.
Par conséquent, France urbaine « appelle le gouvernement à publier rapidement le décret au Journal officiel et attend des services concernés de l’État qu’ils appuient les démarches engagées par les collectivités pour lutter contre les implantations illégales. L'instabilité juridique n'aidera pas les collectivités à mettre en œuvre un cadre stable et concerté d’implantations commerciales dans les centres-villes et centres-bourgs. »
Suivez Maire info sur Twitter : @Maireinfo2
Élisabeth Borne annonce 110 millions d'euros de rallonge supplémentaires sur la DGF
Quels avantages y a-t-il pour une collectivité à adhérer au Cerema ?
Discrimination envers les personnes âgées : un nouveau support pour informer