La Cour des comptes demande à l'État de davantage contrôler la filière des diagnostiqueurs DPE
Par Franck Lemarc
Créé en 2006 et fortement renforcé en 2021, le diagnostic de performance énergétique (DPE), qui permet de classer les logements de A à G en matière de consommation énergétique et d’émissions de gaz à effet de serre, est devenu un élément majeur dans les transactions immobilières. Il est en effet, désormais, opposable : il n’est plus possible depuis le 1er janvier de louer un logement classé G, et le calendrier prévoit l’interdiction de location des logements classés F en 2028 et E en 2034.
Conséquence de cette évolution : le nombre de DPE a augmenté en flèche et s’élève aujourd’hui, rapporte la Cour des comptes, à 350 000 par mois. Selon les chiffres de la Cour, 12 millions de logements ont été diagnostiqués depuis 2021 (sur un total de 37 millions de logements dans le pays) ; 54 % des logements diagnostiqués appartiennent aux catégories D ou E, 17 % aux catégories F ou G (passoires thermiques). 10 800 diagnostiqueurs sont certifiés à ce jour.
Règles d’urbanisme
Ce dispositif fait l’objet de nombreuses critiques. Sur le fond, d’abord, parce que l’interdiction de location des passoires thermiques pose un réel problème en pleine période de crise du logement, d’autant plus lorsqu’ils appartiennent à des propriétaires qui n’ont pas forcément les moyens de procéder à de coûteux travaux de rénovation. Dans ce contexte, la suspension de MaPrim’Rénov annoncée hier ne va faire qu’aggraver la situation (lire article ci-contre). Sur la forme, les critiques vont également bon train sur la qualité et la fiabilité des diagnostics : d’innombrables enquêtes ont montré qu’un même logement peut gagner ou perdre deux, voire trois niveaux de « notation » selon le diagnostiqueur qui intervient.
La Cour des comptes reconnaît que « les difficultés de mise en œuvre du DPE ont été insuffisamment anticipées ». Les magistrats pointent deux écueils majeurs. D’abord, ceux des règles de copropriété : il y a, expliquent-ils, une forme d’inégalité entre les propriétaires de maisons individuelles et les copropriétaires, dans la mesure où ces derniers ne peuvent procéder aux travaux de rénovation qu’avec l’accord de la copropriété, ce qui conduit souvent à des blocages. II apparait particulièrement problématique que des propriétaires qui ne peuvent faire les travaux pour cause de blocage de la copropriété se retrouvent dans l’impossibilité de louer leur logement.
La Cour préconise donc, sur ce sujet, un assouplissement des règles.
Deuxième « écueil » : les contraintes d’urbanisme. Les travaux de rénovation énergétique, en particulier l’adjonction d’une isolation par l’extérieur, peut se heurter aux règles d’urbanisme - par exemple les règles d’alignement des façades ou l’empiètement sur une zone non constructible. Là encore, des propriétaires peuvent se retrouver dans des situations inextricables, avec l’impossibilité de rénover, et donc de louer… et une aggravation de ce fait de la carence de logements disponibles.
La Cour des comptes demande donc de « s’assurer de la bonne articulation du dispositif DPE avec la réglementation de la copropriété et de l’urbanisme ».
Vers un « Ordre des diagnostiqueurs »
Le rapport se penche aussi sur la délicate question de la fiabilité des contrôles. La Cour salue certes le « renforcement significatif des exigences de compétence des diagnostiqueurs » introduit par la réforme entrée en vigueur le 1er juillet dernier, et le travail « d’harmonisation des pratiques professionnelles » en cours. Néanmoins, elle rappelle que le contrôle de cette filière n’est pas assuré par l’État mais par « des organismes tiers ». Les magistrats demandent que l’État s’assure, à tout le moins, de « l’indépendance » des experts certificateurs, chargés de délivrer les certifications aux diagnostiqueurs, dans la mesure où « l’observation du fonctionnement de la filière et le recueil de nombreux témoignages au cours de l’enquête ont mis en évidence que nombre d’organismes de formation et de certification ont entre eux des liens structurels ou financiers » susceptibles de faire naître des conflits d’intérêts.
Pour prévenir les risques de fraude, la Cour préconise également la mise en place d’une carte professionnelle de diagnostiqueur, et plus généralement « un contrôle accru de la part de l’État afin de prévenir les risques de fraude et d’irrégularité ».
Une telle évolution est déjà en cours : rappelons que le 19 mars dernier, la ministre chargée du Logement, Valérie Létard, a lancé un « plan d’action » pour renforcer la fiabilité des DPE, avec plusieurs avancées concrètes. Une concertation a été lancée avec les professionnels pour aboutir à la re-rédaction des deux arrêtés encadrant la profession – ils pourraient être publiés d’ici l’été, indique le ministère. Une mission parlementaire a, par ailleurs, été confiée au député Daniel Labaronne sur l’éventualité de la création d’un « ordre des diagnostiqueurs immobiliers », ce qui pourrait, selon la ministre, « être une réponse efficace à ce besoin de transparence, de déontologie et de qualité ».
Accéder au rapport de la Cour des comptes.
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