La Banque postale dresse un bilan inquiétant des conséquences de l'épidémie sur les finances locales
La Banque postale a publié en fin de semaine dernière sa note de conjoncture sur les finances locales en 2020, qui met en lumière le très brutal impact de la crise épidémique sur les collectivités territoriales. Baisse des recettes de fonctionnement, baisse des recettes fiscales, et une diminution jugée « historique » de l’épargne brute… Il faudra, écrivent les auteurs du rapport, toute « la résilience et l’imagination des collectivités locales » pour faire face à cette situation.
Le fait que le covid-19 coûtera cher aux collectivités est connu depuis le mois de mars : les associations d’élus ont lancé l’alerte depuis le début de l’épidémie, et l’État y a répondu, en partie, via la troisième loi de finances rectificative. Les prévisions de la Banque postale (tous les chiffres présentés ici sont « une anticipation » sur l’ensemble de l’année 2020) confirment en partie les craintes des associations d’élus. Elles sont cependant à prendre avec précaution, d’une part parce qu’il s’agit d’anticipations, justement, d’autre part parce que les modes de calculs retenus par la Banque postale ne sont pas forcément les mêmes que ceux des associations.
« Fragilisation »
La Banque postale rappelle le contexte économique plus que tendu dans lequel se trouve le pays : selon ses calculs, le PIB va s’effondrer de 8,7 % en 2020 (du jamais vu hors période de guerre, note la Banque postale), tandis que le déficit public va exploser, à 11, 6 % du PIB.
Dans ce contexte, les collectivités (toutes catégories confondues) ont été frappées par plusieurs phénomènes cumulés : une diminution des recettes de fonctionnement qui atteindrait 2 % en 2020 (dont -10,4 % pour les seules recettes des services) ; une hausse des dépenses de fonctionnement de 1,4 %. Avec en conséquence une diminution de l’épargne nette de plus de 30 % ! Celle-ci passerait de 23 milliards d’euros fin 2019 à 15,8 milliards d’euros fin 2020. En parallèle, les dépenses d’investissement des collectivités diminueraient de près de 6 % cette année. Les collectivités, fort heureusement, ont abordé la crise avec « des marges de manœuvre retrouvées » et des « fondamentaux sains ». Mais la crise est venue tout bouleverser, et, écrivent les auteurs du rapport, « l’année 2020, qui devait être une année de consolidation, sera une année de fragilisation ».
La Banque postale relève que la diminution des recettes des collectivités vient, en grande partie, d’une évolution à la baisse de la fiscalité locale directement liée à l’épidémie : les DMTO, le produit du versement transport, la taxe de séjour, les forfaits de post-stationnement, la TVA, sont autant de recettes qui ont été impactées par l’épidémie, et que la hausse relative de la fiscalité des ménages et des entreprises n’a pu compenser.
La diminution des investissements, que ce soit pendant le confinement ou après, est marquée. La Banque postale estime par exemple que les appels d’offres publiés dans les travaux publics ont chuté de 63 % pendant le confinement par rapport à l’année précédente ; mais encore de 46 % entre le 26 juillet et le 31 août. Ces chiffres doivent toutefois être pris avec précaution – ce sont ceux des fédérations professionnelles du bâtiment et des travaux publics. Un note de conjoncture de l’Insee, cet été, parlait, de façon plus nuancée, d’une diminution de l’activité du secteur BTP-TP de 12 % en juin.
Communes : hausse des charges et des dépenses d’intervention
Selon la Banque postale, les communes ont « relativement moins » subi les effets de la crise grâce aux mécanismes de compensation mis en place par l’État. Néanmoins, les chiffres sont inquiétants et « les disparités se creusent », certaines communes étant, du fait de la structure de leurs recettes, beaucoup plus touchées que d’autres. Les recettes de fonctionnement des seules communes baisseraient cette année de 0,6 %, avec une chute de l’épargne brute de 10,3 % et de l’épargne nette de 19,8 %. Les dépenses d’investissement sont en chute libre (- 13,7 %).
Les communes touristiques sont particulièrement touchées par la baisse des recettes liées à la taxe de séjour, dont le produit devrait s’effondrer de 40 % cette année.
Parallèlement, les « charges à caractère général » des communes vont également fortement augmenter, tout comme les dépenses d’intervention (1,6 % et 2 %) : « Les communes ont procédé à différents achats de gestion d’urgence de la crise (achat de matériel informatique et de protection individuelle pour leurs agents et leur population, entretien des rues et des établissements publics par exemple) mais elles ont également décidé d’augmenter leurs subventions en soutien de leur tissu économique, associatif ou social (hausse des subventions aux CCAS par exemple) ».
EPCI : marges de manœuvre « fortement entamées »
Côté intercommunalités, la situation n’est pas meilleure. Plusieurs des plus importantes compétences de celles-ci ont été fortement impactées par la crise : c’est le cas en particulier des transports, avec un produit du versement mobilité qui devrait diminuer de 10 % cette année. La diminution du produit de la taxe de séjour ou de la taxe sur la consommation finale d’électricité « devrait entamer fortement les marges de manœuvre » des groupements à fiscalité propre. La fermeture de nombreux services pendant le confinement amène une baisse des recettes tarifaires importante (- 3,1 %). Au final, les EPCI bénéficieraient à la fin de l’année d’une épargne brute en baisse de 12,7 % et une épargne nette en baisse de plus de 20 %.
Avenir : « L’entrée dans l’inconnu »
Dans ce contexte, la Banque postale estime que 2021 sera pour les collectivités une « entrée dans l’inconnu ». D’abord parce que les conséquences de la crise sanitaire vont continuer à se faire sentir (sans même parler d’une deuxième vague de plus en plus probable) : les « dépenses sociales et sanitaires » des collectivités vont continuer d’augmenter, en particulier du fait de la hausse attendue du chômage et de la pauvreté.
À cela va venir s’ajouter le « bouleversement fiscal » en cours, décidé par le gouvernement, entre suppression de la taxe d’habitation et diminution drastique des impôts économiques locaux. En diminuant la capacité des élus à fixer eux-mêmes le taux des impôts locaux, cette évolution va, selon la Banque postale, exiger « une définition à plus long terme de l’équilibre économique de l’action (des collectivités locales) ».
Plus concrètement, les élus ne peuvent que s’inquiéter, dans le contexte de crise économique qui se dessine, de voir leur capacité à lever l’impôt de plus en plus rognée. La doctrine du gouvernement, qui consiste à remplacer de plus en plus d’impôts locaux par des parts de TVA, n’a rien de rassurant, dans un contexte où la crise économique risque de fortement ralentir le dynamisme d’une telle ressource.
Franck Lemarc
Télécharger la note de la Banque postale.
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