L'Élysée discute de l'avenir des institutions... sans l'AMF
Par Franck Lemarc
Toutes les associations d’élus étaient réunies à l’Élysée hier pour discuter institutions… sauf celle qui compte le plus d’adhérents, à savoir l’AMF. Cette situation invraisemblable – a expliqué l’AMF dans un communiqué paru vendredi – est due au fait que le président de la République a refusé que l’association « soit représentée par un autre membre que son président ». Sauf que le rendez-vous a été donné tardivement et que David Lisnard, président de l’AMF, était retenu dans sa commune de Cannes « par un engagement antérieur et majeur ». L'Élysée a refusé de modifier la date de la réunion.
L’AMF a donc proposé d’être représentée par l'un de ses vice-présidents, Guy Geoffroy, qui participe au nom de l'AMF aux travaux du CNR. Refus de la présidence de la République. L’AMF, dans la foulée, a « déploré cette décision anormale, qui écarte l’association représentative des communes et intercommunalités de France », et David Lisnard a demandé que « le dialogue régulier avec l’exécutif (…) puisse se poursuivre hors de toute posture politicienne ».
« Passer aux actes »
Cette situation est d’autant plus étonnante que la réunion s’est tenue à la demande de Territoires unis, structure dont l’AMF est l’un des trois membres fondateurs (avec Régions de France et l’ADF).
Il s’agissait d’entendre les associations d’élus sur la réforme des institutions voulue par le chef de l’État, qui devrait prendre la forme d’un projet de loi – peut-être constitutionnel – dont les contours ne sont pas établis à ce jour. On rappellera qu’en octobre dernier, le chef de l’État avait agréablement surpris les associations d’élus en développant, dans son discours de Château-Gontier (lire Maire info du 11 octobre 2022), une vision très proche de celle de Territoires unis sur la décentralisation. Emmanuel Macron avait alors parlé « d’ouvrir le chapitre d’une vraie décentralisation », avec un partage « non seulement des compétences, mais aussi des responsabilités, des financements et des pouvoirs normatifs ». Satisfaite de ces déclarations, l’AMF avait alors déclaré qu’il était « temps de passer aux actes ».
Depuis, les réflexions vont bon train, avec un certain nombre de ballons d’essais lancés ici et là par des membres de la majorité, comme la proposition, faite par un dirigeant du parti présidentiel, de revenir sur le découpage des super-régions.
Le rendez-vous d’hier à l’Élysée entrait donc dans le cadre de ces réflexions.
Les associations demandent de la « visibilité financière »
L’Élysée n’ayant pas communiqué à la suite de cette réunion, on ne sait que ce qui a été dévoilé par les associations d’élus qui ont pu être présentes.
Côté départements, le président de l’ADF, François Sauvadet, a dit hier au moins partager un constat du chef de l’État : « Nous ne pouvons plus nous satisfaire de la situation actuelle, qui nous conduit vers une crise démocratique. » Les départements ne « demandent pas de big bang territorial », et encore moins d’un « conseiller territorial », mais de ne plus « être empêchés d’agir ». Le chef de l’État a apparemment évoqué la question de l’autonomie financière des collectivités. L’ADF souhaite, comme l’AMF, qu’elle s’assortisse d’une « autonomie fiscale ».
Côté régions, Carole Delga se félicite d’un « échange franc » : « Le président de la République a exposé des attentes pour cette réforme : plus de clarté dans les compétences exercées, plus de responsabilités données aux collectivités, c’est-à-dire davantage de moyens juridiques et financiers associés aux compétences transférées, plus de proximité dans l’élaboration des solutions mieux adaptées aux enjeux pour le pays. » La présidente de la région Occitanie abonde dans ce sens, et a demandé au chef de l’État « plus d’audace en confiant aux villes, départements et régions, de nouvelles missions claires sur trois pôles prioritaires pour la vie des Français : l’éducation et l’orientation, afin qu’aucun enfant ne reste sans perspective, le logement pour répondre au besoin urgent d’habitat, décent et durable, et les transports qui nécessitent un vaste investissement pour répondre à l’impératif de mobilité de chacun et à la crise climatique. La santé a également été un point crucial d’échange, afin de résorber les déserts médicaux et le délabrement de nos hôpitaux. »
Pour les communes, Villes de France et France urbaine ont également réagi. Johanna Rolland, présidente de France urbaine, a voulu rappeler que « la décentralisation, c’est d’abord une affaire d’état d’esprit qui ne peut se résumer à un simple mécano institutionnel de transferts de compétences ». Les collectivités ne doivent pas être « des courroies de transmission de décisions prises à Paris », selon la maire de Nantes, qui a également plaidé pour « l’autonomie fiscale » et « une visibilité financière dans la durée ».
Gil Avérous (Villes de France), a lui aussi demandé « un partage plus clair des compétences entre collectivités et État et une visibilité financière pluriannuelle », ainsi qu’un « renforcement du pouvoir des préfets » pour « incarner l’efficacité territoriale dans le couple maire-préfet ».
Sébastien Martin, enfin, au nom d’Intercommunalités de France, a défendu « l’extension du scrutin de liste et du fléchage aux communes de moins de 1000 habitants » – ce à quoi l’AMF est également favorable – et plaidé pour « la décentralisation de la politique de l’habitat ». Intercommunalité de France appelle à « un changement de modèle fondé sur la France des bassins de vie », avec la création de contrats « État-territoires » sur le modèle des Contrats de plan État-régions (CPER).
Deux autres réunions sont prévues d’ici l’été, auxquelles on peut espérer que l’AMF aura cette fois le droit de participer. Aucune date n’est pour l’instant fixée sur la présentation d’un projet de loi.
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