L'AdCF et le gouvernement font front commun contre un assouplissement des compétences
Jacqueline Gourault, ministre de la Cohésion des territoires et des Relations avec les collectivités territoriales, est intervenue hier à Nice devant la 30e convention nationale de l’AdCF, avec un message clair : le gouvernement est opposé aux mesures sur l’intercommunalité ajoutées par les sénateurs au projet de loi Engagement et proximité, et se battra pour qu’elles soient supprimées à l’Assemblée nationale.
Elle s’est exprimée après un discours d’ouverture particulièrement offensif de Jean-Luc Rigault, maire d’Annecy et président de l’AdCF. Offensif, et sans se préoccuper d’être offensant vis-à-vis des associations de maires – AMF en tête, bien que celle-ci n’ait jamais été nommée – qui ont milité pour introduire dans le projet de loi Engagement et proximité des mesures d’assouplissement de l’intercommunalité. Jean-Luc Rigault a planté le décor dès le début de son discours avec quelques mots peu aimables, à trois semaines du congrès de l’AMF : « L’AdCF ne joue pas, vous le savez tous ici, dans le registre du lamento et du chœur des pleureuses. Il y a d’autres congrès pour cela. »
Alors que des milliers de maires de petites communes expriment régulièrement leur malaise vis-à-vis d’intercommunalités dans lesquelles ils se sentent inutiles et peu entendus, Jean-Luc Rigault a balayé leurs inquiétudes d’un revers de la main : « L’intercommunalité bouscule les habitudes et les petits pouvoirs. Elle émancipe (…) des vieux systèmes. Certains imaginent qu’il est payant de s’en prendre aux intercommunalités, de les caricaturer en affreuses ‘’cannibales’’ de communes ou en cause première du ‘’blues des maires’’. Tout cela est vain. Futile. Irresponsable. » S’il a reconnu que toutes les intercommunalités ne « fonctionnent pas bien », le maire d’Annecy a posé une « ligne jaune » : « Nous sommes radicalement opposés à ce que s’ouvre un nouveau cycle de débats sans fin sur les compétences et les périmètres. » Allusion directe aux revendications de l’AMF, dont certaines ont trouvé écho dans le texte voté par le Sénat, notamment le retour du caractère facultatif du transfert des compétences eau et assainissement, la suppression des compétences optionnelles ou la notion de compétences « à la carte » (lire Maire info du 4 octobre). L’AdCF, a annoncé son président, publiera dès la semaine prochaine une « résolution nationale » adressée à tous les parlementaires et au gouvernement pour dire : « Feu rouge pour tout ce qui touche aux compétences ou aux modifications de périmètre. »
Le gouvernement en phase avec l’AdCF
Jacqueline Gourault s’est montrée fort compréhensive – pour ne pas dire à 100 % d’accord – avec les propos polémiques de Jean-Luc Rigault : « Je veux ici vous assurer de la volonté du gouvernement de garantir la stabilité institutionnelle que vous appelez de vos vœux », a déclaré dès le début de son discours la ministre. Le gouvernement « s’opposera très fermement à toute volonté de détricotage de l’intercommunalité », et ne souhaite pas « refaire du mercato ou du meccano institutionnel ». Ni « procéder à aucune démutualisation de compétences ». Au cours de la journée, la ministre avait déjà expliqué son « espoir » de voir l’Assemblée nationale revenir sur les mesures eau et assainissement prises par le Sénat. Tout en disant « respecter la liberté du Parlement », la ministre a garanti que le gouvernement « tiendra sa ligne ».
Même discours, un peu plus tard, du Premier ministre, qui a assuré aux congressistes de l’AdCF que le gouvernement « ne détricotera pas l’intercommunalité ». « Nous pouvons consentir à apporter aux élus un peu de souplesse et de liberté sur certains points », a expliqué Édouard Philippe, mais « nous vous apporterons stabilité et prévisibilité. »
Revoir les indicateurs financiers
La ministre a également profité de sa venue à Nice pour évoquer la réforme de la fiscalité locale, rappelant que la part de taxe d’habitation (TH) des intercommunalités sera remplacée par une part de TVA nationale, dont la dynamique est, affirme-t-elle, « robuste et pérenne ». Elle est également revenue sur la question des indicateurs financiers et des critères retenus pour la péréquation, réfutant l’idée qu’il puisse y avoir un « tsunami » sur ces questions comme l’affirment « certains cabinets de conseil ». « Le gouvernement a indiqué clairement que les indicateurs financiers, notamment ceux des communes et des intercommunalités devront être revus après la réforme fiscale pour neutraliser les effets de bords. (…) Il faudra peut-être profiter de cette occasion pour s’interroger sur les flux financiers au sein des intercommunalités : dotation de solidarité communautaire, attributions de compensation, compensation de la part salaire de l’ancienne TP, FNGIR, et j’en passe... Autant de ‘’tuyaux’’ qui rendent la vie des intercommunalités et de leurs communes parfois difficile et qui gagneraient à être plus lisibles. » C’est dans cette logique que le gouvernement propose, dans le cadre du projet de loi de finances pour 2020, de donner aux conseils communautaires « la capacité d’agir sur la répartition de la DGF aux communes ». Le système, facultatif, permettrait « une répartition dérogatoire de la DGF des communes au sein d’un EPCI, sous réserve de l’accord de toutes les communes et selon les critères qu’elles estimeront les plus adaptés ».
C’est le 18 novembre que commencera l’examen en séance publique, par l’Assemblée nationale, du projet de loi Engagement et proximité – au moment même, hasard du calendrier, où s’ouvrira le congrès de l’AMF. Les propos tenus hier par les représentants du gouvernement laissent peu d’espoir sur le sort qui sera réservé aux mesures donnant plus de liberté aux maires, votées par le Sénat dans ce texte. Reste néanmoins à savoir si les députés se positionneront de façon à permettre un accord avec les sénateurs lors de la future commission mixte paritaire, seul moyen de permettre une adoption de ce texte avant la fin de l’année.
Franck Lemarc
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