Parution de la circulaire appelant à donner une réponse « systématique et rapide » aux plaintes des maires agressés
Cela a été un petit peu plus long que prévu, mais la circulaire a finalement été envoyée hier : comme promis, mardi dernier, par le ministre de la Justice Éric Dupond-Moretti, les procureurs sont à présent fortement encouragés à « retenir la qualification d’outrage sur personne dépositaire de l’autorité publique » dans les affaires d’insultes contre les maires (lire Maire info du 2 septembre).
C’était mardi dernier, au sortir d’une réunion à Matignon : les associations nationales d’élus avaient été invitées par le Premier ministre à venir discuter des solutions à apporter face aux agressions commises contre les maires. Pour mémoire, de janvier à juillet 2020, 233 agressions ont été relevées contre des maires (et même 263 selon les chiffres actualisés début septembre par le ministère), contre 198 l’année précédente au même moment. L’AMF a donc demandé au gouvernement que les maires soient davantage « entendus et soutenus », et ses représentants sont arrivés à Matignon avec plusieurs demandes : une « véritable réponse pénale », systématique, dans le respect de la circulaire Belloubet du 6 novembre 2019 (lire Maire info du 18 novembre 2019) ; l’accélération des procédures judiciaires, ou encore un accompagnement « procédural et psychologique » systématique des maires agressés. L’AMF a également demandé que soit appliquée la nouvelle disposition prévue par la loi Engagement et proximité, selon laquelle des réunions doivent obligatoirement être organisées dans chaque département entre les maires et les procureurs en début de mandat.
« Atteinte au pacte républicain »
En sortant de cette réunion, le garde des Sceaux avait déclaré : « Nous allons suggérer au Parquet de retenir cette qualification [d’outrage], car le maire qui est insulté, c'est un maire qui, au sens du droit pénal, est un maire outragé. » Le ministre a promis une circulaire rapide contenant « un certain nombre de mesures qui nous permettent de dire aux maires à quel point nous sommes à leurs côtés ».
Cette circulaire, si elle n’est pas encore publiée sur le site officiel Légifrance, a été diffusée hier soir par le ministère de la Justice. Intitulée « circulaire relative au traitement des infractions commises à l’encontre des personnes investies d’un mandat électif et au renforcement du suivi judiciaire des affaires pénales les concernant », elle est adressée aux procureurs et aux présidents de cours d’appel.
Le ton de la circulaire est ferme : toute atteinte à l’encontre des élus « constitue une atteinte au pacte républicain ». Sur les 263 affaires d’atteintes aux élus recensées par le ministère, 66 % constituent des « atteintes aux personnes » lorsque la victime est un maire. Compte tenu de la « récurrence et de la gravité » de ces faits, le ministre souhaite « réaffirmer l’importance qui s’attache à la mise en œuvre d’une politique pénale empreinte de volontarisme, de fermeté et de célérité ».
Il est donc demandé aux procureurs de retenir des qualifications pénales « qui prennent en compte la qualité des victimes ». S’agissant des insultes, « il conviendra de retenir la qualification d’outrage » plutôt que celle « d’insulte ». Le ministre a repris la formule de « réponse pénale systématique et rapide » et demande aux procureurs d’éviter les rappels à la loi pour privilégier le « défèrement » (c’est-à-dire la comparution du prévenu devant un juge d’instruction ou un procureur à l’issue de sa garde à vue), particulièrement en cas de récidive. De même le garde des Sceaux demande que soit appliquée la procédure de comparution immédiate, autant que possible, pour les cas les plus graves.
Il rappelle en outre qu’il est possible de prononcer une peine « d’interdiction de paraître » voire de séjourner sur le territoire d’une commune. Éric Dupond-Moretti demande enfin que des instructions soient données aux forces de l’ordre afin que soient prises en charge de façon particulièrement « diligente » les plaintes déposées par les parlementaires et les élus locaux.
Réunions
Le ministre accède également à la demande de l’AMF d’améliorer l’information des élus en la matière : il demande d’abord que les élus, « compte tenu de leur engagement au service de la collectivité », reçoivent « un accueil personnalisé avec un rendez-vous adapté aux contraintes liées à leurs fonctions ». Mais également que les procureurs prennent contact avec les élus victimes d’agression « pour les informer de façon individualisée et systématique, du suivi précis des procédures et des suites judiciaires décidées ».
Plus généralement, le garde des Sceaux demande aux procureurs d’organiser « rapidement » des réunions d’échange avec les élus pour « expliquer leur action », mais aussi pour les informer « de leurs prérogatives », comme l’exige désormais la loi.
Il ne reste plus, pour les maires, qu’à espérer que le contenu de cette circulaire sera appliqué avec plus d’efficacité que celui de la précédente, celle de Nicole Belloubet, qui, un an après sa publication, n’a eu que des effets trop limités.
Franck Lemarc
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