Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux
Édition du vendredi 28 mars 2025
Justice

Justice des mineurs : le Sénat serre la vis en adoptant la proposition de loi de Gabriel Attal

Le Sénat a adopté mercredi en première lecture la proposition de loi de Gabriel Attal visant à durcir la justice des mineurs. Plusieurs mesures supprimées par les députés ont été réintroduites par les sénateurs.

Par Lucile Bonnin

« Tu casses, tu répares ; tu salis, tu nettoies ; tu défies l’autorité, on t’apprend à la respecter ». Alors Premier ministre, Gabriel Attal avait érigé comme grande priorité la restauration de l’autorité de la justice à l’égard des « mineurs délinquants »  et de « leurs parents », en réponse aux émeutes urbaines de juin 2023.

Déposée à l'Assemblée nationale le 15 octobre 2024, la proposition de loi de Gabriel Attal a finalement été adopté en février à l’Assemblée nationale après des débats vifs et clivants, par 125 voix contre 58. Ce texte avait été vidé de sa substance en commission, mais les députés ont, en première lecture, réintroduit des mesures de durcissement. Par exemple, l’article 4 avait été rétabli, permettant de « déroger au délai de 10 jours pour les mineurs de plus de 16 ans déjà connus de la juridiction pour mineurs et pour lesquels le placement en détention provisoire est requis ». 

Au Sénat, cette dynamique de réintroduction des mesures phares portées par Gabriel Attal et soutenues par le gouvernement a été poursuivie. Les sénateurs ont ainsi adopté un texte plus dur ce mercredi, par 227 voix pour et 113 contre. 

Un texte ressuscité au Sénat 

Supprimer pour finalement rétablir : lors des débats, les députés et sénateurs ont été divisés entre ceux qui pensent que réprimander les jeunes et leurs parents va être utile pour lutter contre la montée des violences en France et ceux qui sont pour davantage de prévention et d’éducation. 

Au Sénat, les mesures vivement dénoncées et combattues par la gauche ont fait leur grand retour. C’est le cas notamment de la comparution immédiate pour les mineurs récidivistes âgés d’au moins 15 ans – rappelons que le dispositif initial concernait les mineurs de plus de 16 ans. Concrètement, le texte adopté par les sénateurs permettrait un jugement en comparution immédiate des mineurs de 15 à 16 ans pour des délits punis de plus de 5 ans de prison, et des mineurs de plus de 16 ans pour des délits punis de plus de 3 ans de prison.

La fameuse dérogation à l’excuse de minorité a également été conservée dans le texte. Pour rappel, l’article 5 permet de déroger à l’excuse de minorité, mais seulement en cas de crime grave commis en récidive. 

Un amendement important a également été adopté en commission au Sénat dans le but d’impliquer davantage les parents dans la réparation d'un dommage causé par leur enfant mineur. L’article 3 prévoit d’étendre « la responsabilité solidaire de plein droit des parents pour les dommages causés par leurs enfants ». La commission des lois a amendé cet article afin de permettre à l'assureur de les faire participer, dans certains cas, à l'indemnisation financière de ce dommage à hauteur d'un montant maximal de 7 500 euros. Un autre amendement introduit en séance publique précise que cette participation à l’indemnisation du dommage sera due par les deux parents du mineur et non par un seul parent, comme prévu initialement.

Courtes peines, couvre-feu et assesseurs 

Toujours en séance publique, des mesures qui ne doivent pas passer inaperçues ont été introduites par les sénateurs. 

D’abord, un amendement porté par le groupe Les Républicains a été adopté afin de « confier au tribunal pour enfants – et, si nécessaire, à la cour d’assises des mineurs – la possibilité de prononcer des courtes et ultra-courtes peines, par une décision spéciale et motivée, afin de garantir une justice adaptée aux besoins des mineurs et à la gravité des faits commis. »  Une mesure que ne soutient pas le gouvernement et que le garde des Sceaux considère comme inapplicable. 

Le Sénat a également apporté des modifications concernant la mesure de « couvre-feu »  prononcée dans le cadre d'une mesure éducative. Un amendement adopté propose d’élargir « l’obligation de couvre-feu, déjà comprise dans la mesure éducative judiciaire (MEJ) et dans la mesure éducative judiciaire provisoire (MEJP), aux alternatives aux poursuites afin de permettre au procureur de la République de demander au mineur de ne pas aller et venir sur la voie publique entre 22 heures et 6 heures sans être accompagné de l’un de ses représentants légaux. L’objectif de cette modification législative est d’imposer une interdiction protectrice et structurante afin d’éviter le regroupement de mineurs de nuit. »  Un amendement introduit par le gouvernement va encore plus loin puisque les limites horaires (de 22 heures à 6 heures) et de temps (prononcé pour une durée de six mois maximum) seraient fixées par le juge des enfants selon la situation.

Enfin, il a été ajouté dans ce texte une mesure proposant une augmentation expérimentale du nombre d'assesseurs pendant 18 mois. L’amendement adopté vise à « modifier, à titre expérimental, la composition du tribunal pour enfants en doublant le nombre d’assesseurs siégeant auprès du juge des enfants lorsque le TPE statue en matière criminelle. L’objectif de cette modification législative est de renforcer l'implication et le rôle de la société dans la prise de décision à l'égard des mineurs, d’associer davantage les citoyens au sein de la justice des mineurs et de renforcer le caractère solennel de l’audience. » 

Le texte ainsi adopté et largement durci a été transmis à l’Assemblée nationale pour une deuxième lecture qui s’annonce une fois encore très compliquée. 

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