Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux
Édition du vendredi 14 février 2025
Justice

Justice des mineurs : en séance, les députés rétablissent les mesures de durcissement supprimées en commission

L'Assemblée nationale a adopté en première lecture la proposition de loi de Gabriel Attal sur la justice des mineurs, rétablissant les mesures supprimées en commission. Le ministre de la Justice, Gérald Darmanin, a souhaité que de nouvelles mesures de durcissement soient intégrées au cours de la navette. 

Par Franck Lemarc

C’est un débat de fond qui s’est déroulé dans l’Hémicycle mercredi et jeudi, sur la proposition de loi « visant à restaurer l'autorité de la justice à l'égard des mineurs délinquants et de leurs parents ». Un débat – et parfois un dialogue de sourds – entre deux visions : face à la montée de la violence chez certains jeunes, faut-il davantage de répression ou davantage de prévention et d’éducation. Victor Hugo, comme toujours dans ce type de débats, a été de nombreuses fois appelé à la tribune par la gauche avec sa célèbre formule « Ouvrez des écoles, vous fermerez des prisons »  ; tandis que du côté de la droite et des macronistes ont été prononcés au moins autant d’appels solennels à « écouter les inquiétudes des Français »  et à ne pas faire preuve « d’angélisme »  face à des crimes terribles comme celui qui a coûté la vie au jeune Élias, tout récemment.

Deux visions radicalement opposées

L’Assemblée s’est clairement divisée, dans ce dossier, en deux blocs : d’un côté, les partis composant le Nouveau Front populaire ; de l’autre le « bloc central »  macroniste, les Républicains et le Rassemblement national. Lors de la discussion générale, les avis se sont clairement exprimés, tranchés. « Nous refusons la bienveillance naïve », a expliqué le Rassemblement national ; « Il nous faut rejeter avec force le dogme (…) de la culture de l’excuse », a fait falloir une députée macroniste ; « Nous devons restaurer l’autorité et briser la spirale de l’impunité qui gangrène notre société. (…) C’est un défi sociétal et civilisationnel », a lancé une députée LR. 

À gauche, le discours est radicalement inverse : « Ce texte est à votre image : il promeut une autorité brutale, sans légitimité, a lancé une députée LFI au gouvernement. Vous pavez la voie à l’extrême droite ! ».  Pour les socialistes, « c’est un texte saisissant d’ignorance vis-à-vis de notre histoire et de tous les principes que la République a su bâtir au fil des ans ». « Votre texte ne reconnaît que les vertus de la répression, faisant de la comparution immédiate – et donc, de l’enfermement – l’unique solution face à la délinquance juvénile », a lancé un député écologiste. 

Rétablissement des mesures supprimées en commission

Les députés macronistes se sont défendus de « marcher dans les pas de l’extrême droite »  et ont cherché à convaincre du caractère « équilibré »  de ce texte entre durcissement et prévention. Les députés RN, s’ils ont globalement soutenu cette proposition de loi, ont naturellement regretté qu’elle n’aille pas assez loin – ils sont par exemple pour la suppression totale de l’excuse de minorité, quand le texte ne prévoit que de l’aménager.

On se souvient (lire Maire info du 12 février) qu’en commission des lois, les articles les plus sensibles de ce texte ont été rejetés. Il s’agit notamment, d’une part, de la mise en place d’une procédure de comparution immédiate pour les mineurs de plus de 16 ans, dans certains cas. Et, d’autre part, d’une « inversion »  de l’excuse de minorité : au lieu de s’appliquer de droit, elle ne pourrait être invoquée que sur décision motivée du juge. 

L’ancien Premier ministre, Gabriel Attal, a représenté ces dispositions sous forme d’amendements en séance publique, et elles ont cette fois été adoptées. Sur la comparution immédiate, c’est l’article 4 de la proposition de loi qui a été rétabli, permettant de « déroger au délai de 10 jours pour les mineurs de plus de 16 ans déjà connus de la juridiction pour mineurs et pour lesquels le placement en détention provisoire est requis ». 

Sur l’atténuation des peines en raison de la minorité, l’article 5, rétabli, permet de déroger à l’excuse de minorité, mais seulement en cas de crime grave commis en récidive. 

Propositions gouvernementales

Il est probable que le texte évolue encore largement avant son adoption définitive. En effet, le ministre de la Justice, Gérald Darmanin, s’il a pleinement soutenu ce texte, a souhaité d’autres évolutions. Expliquant que le gouvernement avait décidé de ne pas déposer d’amendement pour laisser pleinement l’Assemblée débattre, il a indiqué trois points sur lesquels il souhaitait voir le texte évoluer lors de la navette parlementaire. Notons que le ministre a souhaité que ces points soient abordés « notamment en deuxième lecture », ce qui est surprenant dans la mesure où le gouvernement a prononcé la procédure accélérée sur ce texte, qui ne fera donc l’objet que d’une seule lecture dans chaque chambre.

Premier point : « Le non-respect des mesures éducatives prises à l’encontre d’un jeune reconnu coupable d’infractions », aujourd’hui « pas sanctionné ». Le ministre souhaite qu’en cas de non-respect de ces mesures soit prononcée « une sanction immédiate et que le mineur (soit placé) dans un centre éducatif fermé ou dans un lieu privatif de liberté ».

Deuxième point : Gérald Darmanin a soutenu un amendement du député LR Olivier Marleix rendant responsable les parents du non-respect par leur enfant d’une mesure de couvre-feu prise par le préfet ou le maire. Mais Gérald Darmanin va plus loin : il estime que les couvre-feu, qui s’appliquent aujourd’hui «  de 22 h à 7 h du matin », ne sont pas suffisants, et qu’il conviendrait de les étendre « de 17 h à 7 h du matin et le week-end ». Il est à noter que l’ancien ministre de l’Intérieur ne connaît pas parfaitement la loi, semble-t-il, puisque celle-ci, actuellement, permet des couvre-feux pour les mineurs de 22 h à 6 h du matin et non 7 h (article L112-2 du Code de la justice pénale des mineurs). 

Enfin, Gérald Darmanin s’est dit favorable à la création d’une « injonction de conseils et d’aide à la parentalité pour les parents ». Dans le cas où les parents ne respecteraient pas cette injonction, « des sanctions seraient appliquées ».

Il reste à savoir si le gouvernement formulera ces propositions sous forme d’amendements lors de la discussion au Sénat. On ignore encore à quelle date celui-ci examinera ce texte, mais sa commission des lois a d’ores et déjà été saisie de cette proposition de loi, à peine cette dernière adoptée à l’Assemblée nationale. 

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