Le Pass'Colo : un dispositif qui peine à atteindre sa cible
Par Lucile Bonnin
Le Pacte de solidarité, présenté en septembre 2023 par l’ex-Première ministre Élisabeth Borne et entré en vigueur le 1er janvier 2024, « s’articule autour de deux objectifs : corriger les inégalités structurelles et répondre à l’urgence de la situation sociale d’aujourd’hui » (lire Maire info du 19 septembre 2023). C’est dans ce cadre qu’une aide inspirée du Pass’Sport et du Pass’Culture a été annoncée pour aider les familles les plus modestes à financer le départ en vacances des enfants de 11 ans (dont l'année de naissance est 2014 en 2025) : le Pass’Colo.
Cette aide a pour objectif de faciliter le départ en colonies de vacances de ces enfants, pour toutes les familles ayant des ressources inférieures ou égales à 4 000 euros par mois (soit un quotient familial (QF) inférieur ou égal à 1 500 euros). Seuls sont concernés « les séjours supérieurs ou égaux à quatre nuitées effectuées pendant les vacances scolaires » et « en cas de non-utilisation dans l’année des 11 ans, le Pass peut être reporté une fois, l’année des 12 ans, selon les mêmes modalités ».
Démarrage difficile
Si 72 % des ménages allocataires Cnaf ou CCMSA avec un enfant de 11 ans en 2024 étaient éligibles au Pass’Colo (soit 554 000 enfants), seulement 3 % des ménages y ont recouru. Ce sont donc 15 983 enfants de 11 ans en 2024 qui ont pu partir en colonie de vacances grâce à cette aide financière. Des résultats qui sont très en deçà de l’objectif qui avait été fixé.
Il faut souligner que son démarrage a été difficile. Alors que cette aide a été annoncée en juillet 2023, le décret qui détaille sa mise en œuvre n’a été publié qu’en mars 2024. Par ailleurs, alors que le Pass devait être mobilisable uniquement à compter des vacances d’été 2024, il a finalement été « mobilisable à partir des vacances de printemps 2024 » . Ces bouleversements de calendrier n’ont pas aidé dans la communication à destination des familles.
« Les collectivités sont à la fois organisatrices et relais de l’offre sur les territoires, rappelle l’Injep dans son évaluation. Néanmoins, avant les vacances d’été de 2024, elles n’étaient que peu informées du dispositif. Pour les collectivités organisatrices de séjours, la nécessité de faire valider leur conventionnement lors des délibérations en conseil municipal a pu retarder leur démarche. »
L’Injep estime qu’en 2024 « plusieurs facteurs de non-recours sont identifiables » . On retrouve notamment les « freins classiques du départ en colonie de vacances » (montants trop élevés des séjours, refus de partir de l’enfant, préférence parentale pour un autre type de séjour ou encore inquiétude pour la sécurité) mais d’autres freins sont directement liés au dispositif. Le Pass souffre en effet d’un manque de notoriété : 63 % des non-recourants dont l’enfant est parti en colonie de vacances indiquent qu’ils ne connaissaient pas le dispositif. Aussi, plusieurs familles n’ont pas mobilisé le Pass car elles ont privilégié des séjours connus à des séjours conventionnés Pass colo. Pour mémoire, tous les organisateurs de séjours, qu’ils soient ou non labellisés AVE et/ou Colo apprenantes, peuvent être conventionnés Pass colo.
Enfin, « quatre variables semblent avoir un effet sur la mobilisation du Pass colo : la situation familiale, le territoire de résidence, le niveau de diplôme et le niveau de quotient familial » . Ainsi le Pass’Colo est plutôt utilisé par les ménages séparés ou monoparentaux, plus souvent en zone rurale, et avec une surreprésentation des niveaux de diplôme élevés et des ménages au quotient inférieur à 700 euros.
« Besoin de relais par les acteurs de proximité »
Si l’on est loin du succès fulgurant, le Pass’Colo ne peut vraisemblablement que progresser. L’Injep observe qu’une « progression a été amorcée dès 2025 puisqu’au 1er septembre 2025, 28 342 enfants ont bénéficié du Pass colo (contre 15 983 en 2024), ce qui représente une augmentation de 77 %. »
Pour encourager cette dynamique, l’Injep préconise d’informer « mieux sur le dispositif et sur l’intérêt du départ en colonie de vacances » , voire d’ouvrir « l’aide à un public plus large, notamment en termes d’âge des enfants » . En février dernier, des supports de communication avaient été envoyés aux collectivités par la Caf afin d’informer les familles et les organisateurs de séjours (lire Maire info du 19 février). L’Injep préconise « une communication nationale de plus grande ampleur, mais surtout la mobilisation de relais sur le territoire ».
La mise en valeur du dispositif apparaît d’autant plus nécessaire que l’Injep observe un haut niveau de satisfaction des parents concernant le Pass’Colo, « en particulier concernant la facilité d’inscription, mais aussi les activités proposées durant les séjours, l’encadrement ou encore les relations entre les enfants et les encadrants ».
Rappelons que l’enjeu est de taille alors que les inégalités de départ en vacances et en colonie de vacances sont toujours très marquées. En 2024, 62 % des enfants bénéficiaires du Pass’Colo n’étaient jamais partis en vacances.
Pour sa part, l’AMF avait souligné le manque d’anticipation des services de l’Etat dans le déploiement du Pass’Colo en 2024, et attend des données pour connaître le nombre de collectivités impliquées dans ce dispositif.
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