Édition du mercredi 15 avril 2015
Jacques Auxiette (ARF) : « Nous voulons de la régulation entre TER et autocars privés »
© Région Pays-de-la-Loire
Vous considérez que les futures lignes de car privées instituées par le projet de loi Macron mettent en danger le TER ?
Je veux commencer par dire que nous ne sommes pas les adversaires de l’autocar ! Les régions utilisent l’autocar, de façon conventionnée, depuis bien longtemps, et à hauteur de 23 % de l’offre environ. Il s’agit de remplacer des lignes TER trop peu fréquentées, ou d’assurer un service sur des liaisons où il n’y a pas de rail, comme entre Nantes et Noirmoutier, pour ne prendre qu’un exemple. Nous n’avons donc pas attendu la loi Macron pour découvrir l’autocar.
Nous n’avons pas non plus d’opposition de principe à l’ouverture à la concurrence du ferroviaire – cette concurrence sera d’ailleurs rendu possible par les règles européennes en 2019. Possible, et non obligatoire. Et nous considérons comme parfaitement normale l’initiative privée des autocaristes.
Alors, qu’est-ce qui pose problème ?
Partout où l’initiative privée peut satisfaire un besoin, les responsables que nous sommes considèrent qu’elle doit pouvoir le faire. Mais pas dans n’importe quelle condition, et c’est tout le problème. Nous voulons de la complémentarité et de la régulation. Il ne s’agit pas que l’initiative privée vienne déstabiliser une offre ferroviaire déjà affaiblie par la concurrence non régulée que représente le co-voiturage. On m’a présenté il y a quelques jours la réalité chiffrée du transfert de voyageurs du TER vers le covoiturage et croyez-moi, c’est impressionnant.
Quand vous parlez de régulation, vous évoquez la fameuse barre de 100, 200 ou 250 km, en discussion au Parlement, en-deça de laquelle une autorité organisatrice aurait le droit de bloquer un projet de liaison par car ?
Pas bloquer ! Notre objectif n’est nullement de bloquer, mais d’organiser et de décider. Nous sommes dans un État de droit, et si une région décidait de s’opposer à la création d’une ligne qui menacerait une liaison TER, cette décision pourrait naturellement être contestée auprès de l’autorité de régulation. Nous sommes simplement dans une logique de bonne administration des collectivités locales.
Mais qu’a décidé le Sénat ?
Le Sénat vient de placer le seuil à 200 km – alors que l’ARF demandait 250 km, tout comme l’Union du transport public (UTP), c’est-à-dire le syndicat des transporteurs. Mais surtout, le Sénat a introduit une disposition selon laquelle ces 200 km sont calculés non entre deux points d’arrêts mais entre « le point d’origine et le point de destination », ce qui change tout. Si une ligne se met en place sur Paris-Toulouse, avec un arrêt à Montauban, la portion Montauban-Toulouse n’est pas concernée par la possibilité de régulation par l’autorité organisatrice locale. Si l’autocariste veut vendre des billets Montauban-Toulouse, il pourra le faire sans que l’AO puisse intervenir, puisque la ligne, dans son intégralité, fait plus de 200 km.
C’est bien une déréglementation sauvage qui nous est proposée, ce qui n’est pas acceptable pour ceux qui ont en charge la gestion d’un service public qui comporte des exigences lourdes, en matière de sécurité notamment. Je rappelle tout de même que les régions consacrent 6,3 milliards d’euros par an au TER, ce qui fait de nous les principaux financeurs du ferroviaire en France. Nous sommes pour l’initiative privée, je le répète, mais pas pour le libéralisme acharné prôné par certains ayatollahs de la dérégulation.
Propos recueillis par Franck Lemarc
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