Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux

Édition du mercredi 12 mars 2025
Investissements

L'Assemblée adopte l'abaissement à 5 % de la « participation minimale » des communes rurales aux investissements

Alors que le gouvernement a pointé un risque de contentieux, l'application de cette mesure pourrait être « fortement » retardée à cause des modifications apportées par les députés ainsi que des délais de la navette parlementaire.

Par A.W.

Les députés ont adopté, hier, en première lecture et à l’unanimité, une proposition de loi créant « une dérogation à la participation minimale »  pour la maîtrise d’ouvrage dans les communes rurales. L’objectif : aider celles-ci à financer plus facilement leurs investissements.

Initié et adopté il y a un peu plus d’un an par les sénateurs, le texte approuvé à l’Assemblée nationale permettrait d’abaisser à 5 % la « participation minimale »  des communes rurales dans leurs projets d’investissement. Et d’augmenter donc jusqu’à 95 % la part des subventions publiques, qu'elles viennent de l'État, des collectivités ou des EPCI.

Patrimoine, bâtiments, voirie, ponts, eau…

C’est « un beau signal envoyé à nos communes rurales », s’est félicité hier le rapporteur de la commission des lois, Jean Moulliere, qui a salué un texte qui cible « des projets d’investissement qui n’engendrent que pas ou peu de frais de fonctionnement futurs ». 

En effet, il limiterait le champ des investissements concernés en ciblant les projets les « plus structurants » : la dérogation ne sera accordée que pour certains projets en matière de rénovation du patrimoine, d’eau et d’assainissement, de rénovation thermique des bâtiments, de ponts et d’ouvrages d’art, de voirie communale ou encore de protection contre les incendies.

Pour mémoire, à l'heure actuelle, une collectivité locale, maître d'ouvrage d'une opération d'investissement, ne peut pas recevoir plus de 80 % de subventions publiques pour financer son opération, et doit donc y participer à hauteur de 20 % minimum.

Bien que certaines dérogations existent (le minimum peut être porté à 10 % dans certains cas, les collectivités ultramarines bénéficient d’une exonération totale tandis que l’État et les préfets peuvent aussi en accorder au cas par cas), la participation minimale peut encore rester « disproportionnée »  et ces dérogations restent « peu ou pas appliquées », a rappelé le député Horizons du Nord qui en a dénombré que « quelques dizaines »  sur plus de 20 000 projets en 2022. Ce qui pénalise l'investissement des communes rurales.

Un faible recours à ce dispositif qui s’explique par plusieurs causes, selon l’élu : ces dérogations sont ainsi « trop peu connues »  des élus locaux, tandis que « les motifs d’octroi ou de refus de ces dérogations ne sont pas explicités et ne semblent pas faire l’objet d’une application uniforme sur le territoire ». Sans compter, un montage de dossier « complexe »  pour des communes rurales ne disposant que de peu d’outils d’ingénierie financière.

Application « fortement retardée » 

Alors que les sénateurs avaient décidé, lors de leurs débats, de restreindre le bénéfice de l’abaissement à 5 % de la participation minimale aux seules « communes de moins de 2 000 habitants »  (dont « le potentiel financier par habitant est inférieur à deux fois le potentiel financier moyen par habitant des communes de moins de 2 000 habitants » ), les députés ont choisi revenir à « l'esprit initial »  de cette proposition de loi en élargissant le dispositif à l’ensemble des communes rurales. Via un amendement du groupe LFI.

La dérogation serait ainsi permanente pour toutes les communes de moins de 2 000 habitants, mais aussi celles de 2 000 à 5 000 habitants n’appartenant pas à une unité urbaine et appartenant à une unité urbaine de moins de 5 000 habitants.

Si le texte sénatorial n’était « peut-être pas parfait », cette modification de la proposition de la loi par les députés pourrait « fortement retarder la poursuite de la navette parlementaire », a pointé Jean Moulliere. En cause, le fait que le groupe de centre droit « les Indépendants », qui a porté le texte au Palais du Luxembourg, « ne puisse plus inscrire de texte à l’ordre du jour du Sénat pour cette session ».

Conséquence, cette mesure ne pourra pas être appliquée « dès le mois d’avril ». Il faudra donc attendre pour voir les maires des communes rurales en bénéficier, alors même que les collectivités subissent une « érosion de leurs ressources financières ».

Risque de « contentieux »  lié au FCTVA ?

Si le gouvernement de l’époque ne s’était guère montré favorable à ce texte, celui de François Bayrou y a apporté son soutien, sous réserve de l’adoption d’un « dispositif de sécurisation des élus et des préfets » … qui a été finalement rejeté.

Sans ce correctif, « le dispositif ne pourrait être mis en œuvre sans exposer les élus locaux à un risque pénal et il ne pourrait donc pas être utilisé dans de bonnes conditions de sécurité juridique », a prévenu le gouvernement dans son amendement.

Si la ministre chargée de la Ville, Juliette Méadel, a donc salué une proposition de loi « louable », elle estime qu’elle aurait nécessité « un petit ajustement de nature juridique »  face au risque « d’enrichissement sans cause »  lié aux « mécanismes de remboursement du FCTVA ».

« Ces remboursements s’ajouteraient aux différentes subventions perçues par les collectivités dans le cadre de leurs projets d’investissement », a-t-elle expliqué. In fine, le risque serait de voir des communes bénéficier d’un financement total du projet qui serait « supérieur au coût »  de cet investissement. 

D’où le risque d’un possible « enrichissement sans cause »  et de « contentieux »  qui « compliquera encore plus la conduite de ces projets d’investissement ». Les communes pourraient ainsi être obligées de « rembourser le trop-perçu »  et cela menacerait les plans de financement. Autrement dit, « on arriverait à l’inverse de l’objectif initial », a mis en garde Juliette Méadel. Sans compter que le préfet serait lui aussi exposé et donc vraisemblablement plus réticent à distribuer ses financements, selon la ministre.

Un argument qui « ne tient pas forcément la route », a balayé Jean Moulliere, se référant notamment aux mécanismes de « la loi post-émeutes »  de 2023. « Aujourd’hui, pour le FCTVA, lorsque vous demandez une subvention, vous la demandez sur du "hors taxe" pour éviter d’avoir un enrichissement sans cause », a-t-il défendu, soulignant que « des précisions pourraient toujours être apportées par voie réglementaire ».

Désirant s’inspirer du mécanisme dérogatoire existant, la ministre souhaitait également que l’abaissement à 5 % soit à la main des préfets. Ceux-ci auraient ainsi pu prendre en compte les « capacités financières »  de la collectivité afin de défendre uniquement « les petites communes qui ont le plus besoin de la solidarité nationale ».

En retournant à un système de dérogation préfectoral, « on viderait de sa substance »  le texte, s’est ainsi opposé le rapporteur, rappelant que « ce système ne fonctionne pas et reste opaque ». Il a, enfin, pointé un amendement qui serait « moins disant »  que le droit en vigueur.
 

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