Édition du mardi 3 octobre 2017
Vanik Berberian : Il faut « arrêter de regarder les territoires ruraux avec les yeux de la coopération décentralisée ! »
© MdF
Quel bilan tirez-vous de votre congrès qui s’est tenu ce week-end ?
Cela a été un congrès riche et tonique. Nous avons eu un échange sans langue de bois avec la ministre Jacqueline Gourault. Et nous avons affirmé, dans la mention qui a été adoptée, deux choses : la nécessité de conforter la commune plutôt que de continuer à la distiller dans l’intercommunalité ; et la volonté de voir apparaître une vraie loi-cadre concernant les territoires ruraux. Les derniers textes qui ont été votés n’ont fait que conforter la métropole et les régions. Nous avons le sentiment que les territoires ruraux sont restés dans l’ombre. Il serait grand temps de recommencer de les regarder, mais avec un regard neuf. Ce n’est pas un soutien que nous demandons ! Nous ne demandons pas l’aumône, nous voulons avoir les moyens de nous développer au même titre que les autres. Comme je dis souvent, de façon un peu provocatrice, il faut qu’on arrête de regarder les territoires ruraux avec les yeux de la coopération décentralisée. Il faut sortir de cette vision, et investir dans la ruralité. Ce serait une révolution culturelle, qui nous paraît indispensable.
Mais une loi-cadre, ne serait-ce pas un nouveau « big bang territorial », alors que les élus ont bien du mal à digérer les précédents ?
Je ne pense pas – et d’ailleurs ce n’est pas le souhait de l’exécutif. Mais quand des choses sont mauvaises, je ne vois pas l’intérêt de les garder. Il y a un certain nombre d’efforts qui peuvent être faits sans nécessiter de branle-bas de combat. Je prendrai un exemple : le transfert obligatoire des compétences eau et assainissement aux intercommunalités. Quasiment toutes les associations d’élus sont unanimes pour que cela redevienne optionnel. Le Sénat a voté une proposition de loi dans ce sens, et le texte arrive devant l’Assemblée nationale, et nous espérons qu’il sera voté. On a l’exemple typique d’une mesure qui a été prise d’une façon dogmatique, consistant à vouloir toujours tout transférer, sans se demander si c’est opportun, utile et techniquement possible. C’est l’esprit général de la loi Notre. Pour ce qui nous concerne, nous sommes foncièrement attachés à la liberté pour les élus de décider ce qui est bon pour eux.
Le problème se pose dans les mêmes termes pour les communes nouvelles. Lorsque l’on me demande mon avis sur cette question, je réponds toujours que je suis « ni pour ni contre, bien au contraire » : je trouve bien que la loi le permette, et que si des communes jugent qu’elles doivent se réunir pour mieux répondre aux besoins des habitants, elles puissent le faire. Même si, je le dis en passant, je ne suis pas pour les « carottes » financières : quand on a quelque chose de bien à vendre, on n’a pas besoin de carotte.
La grande faiblesse de la loi Notre, c’est d’avoir voulu mettre le même costume à tout le monde. Pour nous, c’est tout simplement aux gens concernés de décider ce qui est le mieux pour eux. Que la loi permette, mais n’oblige pas, c’est sans doute la réponse la plus intelligente.
Vous avez bien entendu abordé aussi les questions financières ?
Jacqueline Gourault nous a confirmé que les communes rurales seraient épargnées de l’effort d’économies de 13 milliards. Très bien… quoi qu’il soit étrange de devoir se satisfaire de quelque chose de normal. Je rappelle que les efforts, nous, dans les communes rurales, nous les faisons en permanence, puisque selon les règles de la DGF, un habitant des campagnes vaut la moitié d’un habitant des villes. C’est une injustice. Cela avait un sens dans les années 1960, quand on était en plein exode rural, qu’il fallait construire des villes nouvelles et toute sorte d’équipements, mais maintenant ? C’est le processus inverse qui se fait, la ruralité regagne des habitants. De ce point de vue, nos systèmes sont archaïques et ils doivent évoluer. Il faut au moins des ajustements, pour que l’on puisse respirer un peu. Au fond, épargner les communes rurales, c’est bien, mais le vrai problème n’est pas là. La vraie question n’est pas de distinguer urbain et rural, c’est de distinguer riches et pauvres. Il y a des communes rurales qui disposent de moyens très importants, et des villes qui souffrent. Si on veut mettre un peu de sens au mot « cohésion », il faudra se pencher là-dessus. La cohésion des territoires, c’est une belle intention, mais il faut la concrétiser. Et pour cela, il faut que ceux qui ont beaucoup donnent un peu plus à ceux qui ont moins. Pour l’instant, de ce point de vue, nous restons sur notre faim.
Propos recueillis par Franck Lemarc
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